Expressions de
solidarité envers Wuhan et de soutien à la Chine
par
Brigitte Duzan, 23 février 2020
Alors que se développait l’épidémie du coronavirus, le Japon a
envoyé à Wuhan des masques et du matériel hospitalier afin de
marquer sa solidarité envers la ville, et plus généralement
envers le peuple chinois
1.
Expression accompagnant un don de masques
Un envoi de masques était accompagné de paroles de soutien sous
la forme d’une expression en huit caractères :
山川异域,风月同天,
shānchuān yìyù,
fēngyuè
tóngtiān
Monts et fleuves en territoires étrangers, vent et lune dans le
même ciel.
Cette expression a une histoire qui remonte à la dynastie des
Tang, sous le règne de l’empereur Xuanzong (唐玄宗),
au 8e siècle ; elle comporte en fait huit caractères
supplémentaires :
寄诸佛子,共结来缘。
jì zhū fózǐ,
gòngjié láiyuán
Les bouddhas envoyés, des liens sont noués
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Cartons de masques envoyés par le
Japon à Wuhan avec l’expression sur l’étiquette |
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Cette double série de caractères exprime les liens d’amitié
entre la Chine et le Japon, où le moine bouddhiste Jianzhen (鉴真)
est venu diffuser le bouddhisme au 8e siècle. Elle
évoque la profonde entente entre les peuples chinois et
japonais, fondée sur des cultures ayant les mêmes sources et les
mêmes affinités, spirituelles et religieuses, et se répondant en
dépit des différences géographiques. Le prince Nagaya aurait
fait broder les huit caractères sur des kasayas (robes de moines
bouddhistes) offertes à des moines chinois.
Une douzaine de siècles plus tard, ces mêmes caractères inscrits
sur les étiquettes des colis envoyés à Wuhan ont fait couler
beaucoup d’encre, en raison du contraste entre l’expression
chinoise banale en haut de l’étiquette, « Courage, Chine ! » (加油,
中国),
et le raffinement de celle utilisée par les Japonais, se
référant à cette épisode historique
.
L’expression est par ailleurs proche du double vers utilisé en
1982 lors de la conclusion de l’accord de jumelage entre la
ville de Dalian et celle de Maizuru (舞鶴市),
dans la préfecture de Kyoto :
青山一道同云雨,
明月何曾是两乡
qīngshān yídào tóng yúnyǔ, míngyuè hécéng shì liǎngxiāng
Sur les monts verts mêmes nues même pluie,
comment la lune
serait-elle partagée entre deux
pays ?
2.
Un vers tiré du « Livre des odes »
Dans les circonstances de l’épidémie du coronavirus, c’est un
autre vers qui a été imprimé sur des cartons de vêtements
médicaux destinés à Wuhan. Il peut être entendu comme apportant
un soutien à la ville car il sous-entend les vers qui le suivent
dans le poème, qui expriment une colère envers un ennemi commun
et la volonté d’en venir à bout ensemble. Ce sont à nouveau huit
caractères qui étaient inscrits sur les étiquettes :
岂曰无衣?
与子同袍
kǎi yuē wú yī ? yǔ zǐ tóng páo
Comment peut-on dire que vous n’avez pas de vêtements,
Je vais partager les miens avec vous.
Le vers vient du « Livre des Odes, Chants des principautés,
Wu
Yi » (《诗经·秦风·无衣》).
C’est le premier vers du poème 133 qui continue ainsi :
王于兴师、修我戈矛、与子同仇。wáng
yú
xīngshī,
xiū wǒ
gē máo,
yǔ zǐ tóng chóu
Le roi mobilise une armée, je fourbis ma lance et mon
épée pour être à vos côtés
Le vers est répété trois fois avec des variations infimes, la
troisième fois étant :
岂曰无衣?
与子同裳
(tóng
cháng)
Comment peut-on dire etc…
王于兴师、修我甲兵、与子同仇。
Le roi mobilise une armée, je fourbis mes armes et mon
bouclier pour lutter avec vous.
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Carton de tuniques pour le personnel
hospitalier avec le vers du Livre des Odes |
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Il s’agit de vers tirés d’un poème de Wang Changling (王昌龄),
poète de la dynastie des Tang mort pendant la révolte
d’An Lushan, en 756.
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