Les grands sinologues

 
 
 
     

 

 

Les grands sinologues français

Henri Maspero (1883-1945)

Présentation

par Brigitte Duzan, 6 octobre 2022

 

 

Henri Maspéro quelques temps avant son arrestation

 

 

Henri Maspero fut l’un des grands sinologues français du 20e siècle dont les travaux pionniers sur le taoïsme et sur les institutions de la Chine ancienne font référence. Élève et disciple d’Édouard Chavannes, il devint en 1944 Président de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, mais c’était un an avant sa mort en déportation, au camp de Buchenwald. Un grand nombre de ses publications l’ont été à titre posthume, à partir des manuscrits retrouvés après sa mort.

 

Une trop brève carrière

 

De l’Égypte à la Chine

 

Né à Paris le 15 décembre 1883 dans une famille d’origine italienne, il est le fils de l’égyptologue Gaston Maspero, lui-même professeur au Collège de France, et le demi-frère du sinologue Georges Maspero, né en 1872.

 

Après avoir obtenu une licence de droit en 1902, il marche sur les traces de son père qu’il accompagne en Égypte en 1905. Cette même année, il achève un diplôme d’études supérieures en histoire et en géographie avec un travail sur « Les finances de l’Égypte sous les Lagides » qui sera sa première publication, rééditée en 2010.

 

Mais il s’inscrit alors à l’Ecole nationale des langues orientales vivantes (aujourd’hui Inalco), pour apprendre le chinois et obtient son diplôme en 1907. Il devient alors pensionnaire de l’École française d’Extrême-Orient (EFEO) et, en 1908, part à Hanoi pour y étudier les langues et coutumes des peuples indochinois en suivant les traces de son frère Georges qui était, lui, passé par l’École coloniale avant d’étudier le chinois et l’annamite à l’École des langues orientales ; il avait débuté une carrière administrative en 1894 à Pnom-Penh et était correspondant-délégué de l’EFEO depuis 1903 [1].

 

Pendant cette période, Henri Maspero travaille sur l’histoire et la langue de l’Annam, mais également sur la langue thaï et la langue chinoise. En 1910 et 1912, il publie deux articles dans le bulletin de l’EFEO, l’un sur le protectorat général d’Annam sous les Tang, l’autre sur la phonétique historique de la langue annamite. Au cours de ses recherches, il constitue un fond d’ouvrages anciens qui seront à sa mort légués à la bibliothèque de la Société asiatique. Son intérêt pour l’histoire et les religions, celles de la Chine en particulier, lui inspirent un travail sur les moines et communautés bouddhistes aux 2e et 3e siècles, publié dans le BEFEO en 1910.

 

Le 10 décembre 1911, toujours à Hanoi, il est nommé professeur de chinois, en remplacement de Paul Pelliot.

 

Successeur de Chavannes

 

En 1918, après le décès de son maitre Édouard Chavannes, il lui succède à la chaire de chinois du Collège de France, puis il remplace Marcel Granet à la chaire de civilisation chinoise à la Sorbonne et dirige le département « Religions de la Chine » à l’École pratique des hautes études (EPHE).

 

Il poursuit ses recherches sur le système phonétique chinois et publie en 1920, toujours au bulletin de l’EFEO (1920/20, pp. 1-11), un article intitulé « Le dialecte de Tch’ang-ngan [Chang’an] sous les T’ang », Chang’an (长安 aujourd’hui Xi’an), étant l’ancienne capitale des Tang après avoir été celle des Han. C’est un article – que l’on peut lire en ligne - d’une extrême érudition, débutant par le constat de la grande diversité dialectale des « neuf provinces » et dressant des comparaisons avec d’autres systèmes phonétiques.

 

En 1927, Henri Maspero publie son premier magnum opus, « La Chine antique », ouvrage qui fait date sur l’histoire de la Chine ancienne à partir du « monde chinois primitif » et jusqu’à la fin des Royaumes combattants, sous l’aspect social, politique, territorial, mythologique et religieux, mais aussi littéraire et philosophique, dans une approche originale. On le trouve aujourd’hui numérisé parmi les grandes œuvres préservées sur le site Gallica de la BnF.

 

 

La Chine antique, 1927

 

 

En 1935, lors de la séance publique du 1er février, il est élu membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres dont il devient vice-président en 1943, et président en 1944.

 

Le 28 juillet 1944, cependant, Henri Maspero et son épouse sont arrêtés par les nazis ; internés à la prison de Fresnes, ils sont ensuite séparés et déportés au camp de Buchenwald où il meurt, épuisé par ses conditions de détention, le 17 mars 1945, un mois avant la libération du camp par les troupes américaines du général Patton.

 

 

Histoire et institutions de la Chine ancienne, 1967

 

 

Il a fallu procéder de manière posthume à des éditions des manuscrits qu’il laissait, dont sa somme sur le taoïsme et les religions chinoises, éditée une première fois en 1950, puis rééditée en 1971 dans la collection « Bibliothèque des Histoires » de Gallimard.

 

 

Le Taoïsme et les religions chinoises, 1971

 

 


 

Principales publications

 

Premières publications

 

- Les finances de l’Égypte sous les Lagides, 1905, rééd. Nabu Press 2010, 256 p.

- Le Protectorat d'Annam sous les Tang. Essai de géographie historique, BEFEO, 1910/10, pp. 539-584.

- Contribution à l'étude de la phonétique des langues thaï, BEFEO, 1911/11, 153-169.

- Études sur la phonétique historique de la langue annamite, BEFEO, 1912/12, 1-124.

 

- Communautés et moines bouddhistes chinois aux IIe et IIIe siècles, BEFEO, 1910/10, p. 222-232.

À lire en ligne.

-  Légendes Mythologiques dans le Chou King [ou Classique des documents Shu Jing 書經], Journal asiatique, janvier-mars 1924, 100 p.

À lire en ligne.

 

Principales publications sur la Chine

 

- La Chine antique, PUF, 1927 (rééd. 1965), 520 p.

Édition numérique réalisée par Pierre Palpant pour le site Chine ancienne :

http://classiques.uqac.ca/classiques/maspero_henri/C01_la_chine_antique/chine_antique.html

- Le Régime féodal et la propriété foncière dans la Chine antique, édition originale 1936, réédité dans Mélanges posthumes sur les religions et l’histoire de la Chine, Annales du musée Guilmet, vol. III Études historiques, 1950, pp. 109-146. Numérisé sur le site Chine ancienne.

- Les Régimes fonciers en Chine, des origines aux temps modernes, Recueil de la Société Jean Bodin, Tome 2, 1937, pp. 265-314, rééd. dans Mélanges posthumes sur les religions et l’histoire de la Chine, Annales du musée Guilmet, vol. III Études historiques, 1950, pp. 147-192. Numérisé sur le site Chine ancienne.

- Les Instruments astronomiques des Chinois au temps des Han, Mélanges chinois et bouddhiques, tome VI, 1939, pp. 187-356. Article illustré, numérisé sur Chine ancienne.

- Les Documents chinois de la troisième expédition de Sir Aurel Stein en Asie centrale, Londres, British Museum, 1953, 268 p.

- Le Taoïsme et les religions chinoises, préface de Max Kaltenmark, Paris, 1950. Rééd. Gallimard/Bibliothèque des Histoires, 1971, 661 p.

- Les Institutions de la Chine, PUF, 1952 (ouvrage posthume partiellement rédigé par le juriste Jean Escarra [2] à partir d’un manuscrit sommaire d’Henri Maspero ).

Compte rendu de Rolf-Alfred Stein, professeur honoraire au Collège de France, Revue de l’histoire des religions, 1954/145-1, pp. 111-113. À lire en ligne.

- Histoire et institutions de la Chine ancienne, des origines au XIIe siècle après J.C., rédigé par Étienne Balazs à partir d’un manuscrit d’Henri Maspero [3], texte révisé par Paul Demiéville, Annales du musée Guimet, PUF, 1967.  Édition numérisée sur Gallica.

 

 

 

[1] Voir les détails de sa carrière en Indochine dans sa notice nécrologique (BEFEO 1943/43), par E. Poree-Maspero : https://www.persee.fr/doc/befeo_0336-1519_1943_num_43_1_5739

[2] Juriste, spécialiste de jurisprudence chinoise, ancien conseiller du gouvernement chinois (1921-1939), professeur à l’Institut des Hautes études chinoises, entre autres. Voir sa biographie par Hélène Simonian-Geneste.

[3] Selon les explications données dans l’Avertissement en tête de l’ouvrage.


 

     

 

 

 

 

     

 

 

 

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