北北
《总之还要住下去》
Bei Bei « Laisser la
vie suivre son cours »
par Brigitte Duzan, 9 mai 2010
Introduction
Voilà une nouvelle qui
nous dépeint la Chine de la crise, cela vaut bien un détour. Qui
plus est, c’est la crise vue du bas fond de la ville, du côté
des petits, des sans grade, de ceux dont on dit qu’ils sont
laissés pour compte, et qui l’ont toujours été. Enfin,
originalité notable, l’histoire se situe dans le sud-est de la
Chine, dans cette ville côtière de Fuzhou dont sont partis tant
de migrants chinois fuyant la misère, à la recherche d’un
problématique eldorado.
C’est l’histoire
apparemment simple de personnages simples : une gamine de seize
ans envoyée en ville par ses parents gagner quelques yuans pour
les aider à survivre, en d’autres temps on l’aurait mariée, on
ne sait pas si c’est un progrès ; elle est engagée par une
« patronne » d’un salon de coiffure qui fait bien autre chose
que des shampoings, et se lie d’amitié avec un jeune ouvrier
qu’elle entreprend d’aider parce qu’il vient du même bled
qu’elle, et qu’elle a la naïveté de croire que ces liens-là sont
encore sacrés.
De l’autre côté sont
les « clients » : un bien gras, bedaine en avant, qui fait des
affaires juteuses dans
l’immobilier de luxe,
et un autre tout petit, passeur de travailleurs migrants, autour
duquel se trame le peu d’intrigue que recèle
l’histoire. Car l’essentiel n’est pas dans ce qui se passe mais
dans ce qui est : dans les relations entre ces personnages dont
la description est réduite à l’essentiel comme dans les
portraits de la Bruyère, le tout écrit dans une langue très
colorée qui rend palpables et le froid et la pluie et la rougeur
au front d’un personnage. L’histoire, cependant, recèle
suffisamment d’intensité dramatique, bâtie tout doucement, par
fines touches et allusions, pour ménager in fine une chute qui
serre le cœur.
On en garde
l’impression d’un tableau de Brueghel, celui dont on a
dit qu’il peignait les
« figures de ce
monde qui passe », et nous a laissé les images d’une
comédie humaine finalement pas tellement différente, à
des siècles et des lieues de distance, les mêmes causes
produisant les mêmes effets, surtout chez les pauvres.
On ne peut s’empêcher de penser au fameux ‘Pays de
|
|
Le pays de cocagne, de Brueghel
|
cocagne’ qu’il a peint
lorsque Bei Bei évoque les
rêves des travailleurs migrants, attirés loin de chez eux par
une illusion bien semblable.
Finalement, la sagesse
n’est-elle pas plutôt de « laisser la vie suivre son cours » ?
北北
《总之还要住下去》
Bei Bei « Laisser
la vie suivre son cours »
一
顺子看看窗外,窗外的雨已经下了三天三夜。
三天前德仔来找顺子,一根手指头锥子一样1直顶到她鼻尖上。你你你,把钱还我!德仔的脸涨得通红,反衬之下2,顺子的脸就白得像个死人。
顺子跟德仔是老乡,都是从闽北山区来的3,但是先前顺子并不认识德仔。顺子早德仔半年来到福州,有一天,常来店里洗头的蔡老板把一个文件忘在工地4,就打手机叫人送来,这人就是德仔。那时德仔说话不像现在这么大声,表情也没这么凶。蔡老板说,顺子,这人也是你们闽北的。顺子扭过头,冲德仔点点头,还把沾满洗发精泡沫的手轻轻举了举,算是打过招呼了5。德仔脸一红,浑身从头发到脚丫都有动一动的念头6,最终还是不知道该怎么动,站在那里,像站在一块烧得通红的铁板上。顺子忍不住卟哧笑起7,蔡老板也笑。蔡老板说,刚来我工地没几天,老实人8。
后来,德仔来找顺子,说现在住的房子太贵,要顺子帮他租个便宜点的。顺子一口就答应了,瞅着9店里没什么客人,找着上厕所或者买快餐的借口,溜进旁边的关尾街10,租下仅放得下一个小床铺的楼梯间11,月租金30元。德仔对这件事感激不尽12,一连称谢。顺子摆摆手,说这么客气干什么?老乡嘛,应该的。
德仔第二天就搬来了,薄薄13的一卷被子,两件换洗的旧衣裳14,就是这些,连脸盆杯子都没有。顺子问了问,知道德仔今年二十,比自己大四岁,家在更偏僻的山沟沟中15,不免就有些同情他,转身到外面买回再生16塑料制成的脸盆杯子。德仔挺难为情,推推搡搡17的不接受,顺子说,算我借你的还不行吗?德仔愣神片刻18,点下头,说,好吧,借的。然后又说,顺子,你为什么要干那个活呢19?
顺子像被针刺着了,脸上一下子全变了。你你你不要以为我干了什么!顺子说,我在洗头店什么也没干啊,我是清白的。
德仔笑笑,没再说什么。顺子却觉得这比说了什么还让她难受。
顺子的老板叫芳姐。顺子刚到店里时芳姐跟她说好了洗一个头她得一元钱,芳姐得九元钱,其余的由芳姐管吃管住。
店里除了芳姐外,还有阿华和阿玲两个人。她们三个租了一套房子,芳姐住一间,阿华阿玲住一间,是芳姐出钱租下的。顺子来了后,芳姐让阿华阿玲挤一挤,腾出20一个位子给顺子。阿华倒好说话,阿玲却不高兴,嘀嘀咕咕21说了一阵,顺子全当没听见。但是当天晚上,顺子就不想住这里了。
上班的时候,大家手上都有活,显然都是老顾客了,跟阿华阿玲打打闹闹的,样子很亲热。然后,阿华跟那个男人走了,一会儿阿玲也跟另一个男人走了。顺子觉得店里一下子少了两个人,挺冷清的,就问:她们去哪里了?芳姐眉头扭起来,低声喝道22:多嘴!这时夜已经深了,顺子看看钟,十一点。店里再没有客人来,芳姐打了个大呵欠23,说,你把店里的东西收拾收拾,过会儿就回去睡吧,我先走了。
芳姐走后,顺子开始扫地擦桌洗毛巾。这些活原先是阿玲干的,顺子一来,阿玲就说现在该你做了。顺子就像鸡啄米24一样点着头,脸上都是笑。她喜欢做这些事,这些事比起下地插秧割稻米25,简直是天上地上26,顺子还能不喜欢?她把地扫了一次又一次,桌擦了一遍又一遍,一根头发丝都不让留下。然后,她关上店门,往关尾街走去。芳姐的房子租在关尾街。
门是关着的,顺子不知道有人在里头,她掏出钥匙,拧了好一阵27没开。是顺子吗?阿华在里头问。顺子说是啊,你开门。门过一阵才开,顺子一进去吓了一跳:有两个男人正从床上起来,慢悠悠28穿着衣服,一边斜眼看顺子29。顺子想了想,突然明白过来,脸一下子涨得通红。她说,我我我不知道。说着就要往外走,却被阿华拦住,阿华说,没事,他们该走了。顺子心嘭嘭跳得山响30,这一夜她都没睡着。
第二天顺子下楼时,经过楼梯间,停住脚看了好一会。她跟芳姐说,我搬出去住,我住楼下那个楼梯间。芳姐歪着脑袋瞥她一眼31,不吱声32。顺子说,我自己出钱租。芳姐这才冷冷地说,不行,自己出钱租也不行。
顺子帮德仔把楼梯间租下,德仔住在这里,她心里一下子有种安定感33。
德仔在蔡老板的工地做工,建的是高级住宅楼34。每天一大早,德仔就出工了,晚上回来后也是倒头就睡,顺子其实很少看到德仔。上下楼时,顺子会注意看看那里,楼梯间也有门,但门从来不上锁,大开着,说明德仔出去了,虚掩着35,说明德仔在里头睡觉。
蔡老板常到店里洗头,他说工地脏,到处是土,洗洗好睡。蔡老板一来,芳姐就特别高兴,说着说着就笑,笑得咯咯响36。蔡老板说,芳姐啊,这个顺子挺嫩的嘛37。芳姐在他头上拍拍,说,蔡老板,她还小啊,你别毒害她38。
看得出来芳姐很喜欢蔡老板,但蔡老板除了喜欢她,好像也喜欢阿华和阿玲。晚上躺下睡觉时,阿华和阿玲说起蔡老板,俩人推测39蔡老板究竟有多少钱。阿华说,我看一百万总有吧?阿玲不以为然40,说,才一百万?我看一千万都不止41。
顺子吓一跳,她不知道一个人居然能够有这么多钱。一包盐才多少钱?一块多吧,她也不知多少次看到母亲买不起盐气得把父亲的十八代祖宗一路骂下来。如果是一百万,如果是一千万,真不知能买多少包盐啊。她很想把这句话说出来,但眼皮已经不听使唤地耷拉下来了42。第二天晚上顺子下班回来时碰到德仔,德仔今天恰巧也是十一点多收工43,正端着一盆水冲脚,水是透明无色的,但从他脚上再流走时,却变成了土黄色,在灯下闪出幽光44。顺子凑过去45,很羡慕地说46,德仔,你在一个大老板手下干活啊!德仔有气无力地说47,那又怎样。顺子说,那你就可以多赚钱了呗。
德仔说,做梦。然后转身进了楼梯间,虚掩起门。
Personnages :
顺子
Shùnzi (employée d’un
salon de coiffure, seize ans) ;
德仔
Dézǎi (jeune migrant, vingt ans) ;
芳姐
Fāngjiě la patronne du
salon de coiffure ;
阿华/阿玲Ahuá/Alíng
deux autres employées
蔡老板 Cài
Lǎobǎn / 辉哥 Huī
Gē : deux clients
Vocabulaire (1) :
01
锥子
zhuīzi
poinçon, alène
02
反衬
fǎnchèn
contraster, ressortir par contraste
03
闽北山区
Mǐnběi
shānqū la
zone montagneuse de Minbei, c’est-à-dire la région de Nanping,
au nord-ouest de la province du Fujian (
南平市位于福建省北部
,通称闽北),
où
se trouve la chaîne
montagneuse de Wuyi (武夷山脉) ;
闽 Mǐn
est l’ancien
nom de la province, et désigne la langue qui y est parlée,
闽北 désignant
celle qui est parlée dans la région de Nanping. Bei Bei situe
souvent ses nouvelles dans cette région.
04
工地
gōngdì
chantier
05
打招呼
dǎ
zhāohu saluer
06
脚丫
jiǎoyā pied
念头
niàntou
idée
07
卟哧笑起
bǔchī
xiàoqǐ pouffer de rire
08
老实
lǎoshi
honnête, droit – qui se conduit bien
09
瞅
chǒu
regarder
10
溜进
liūjìn
se
glisser dans
关尾街 guānwěijiē
nom de rue
11
床铺
chuángpù
lit/literie
楼梯间 lóutī
jiān cage
d’escalier
12
感激不尽
gǎnjībújìn
infiniment reconnaissant
13
薄薄
báobáo fin, léger
14
换洗
huànxǐ
litt.
changer et laver, d’où 换洗衣裳 huànxǐ
yīshang
vêtements de rechange
15
偏僻
piānpì
éloigné, reculé
山沟 shāngōu
ravine
16
再生
zàishēng
recyclé
17
推搡
tuīsǎng
repousser
18
愣神
lèngshén
regarder droit devant soi, le regard fixe
片刻
piànkè
un instant
19
干活
gànhuó travailler, faire un travail
20
腾出
tèngchū
libérer du temps ou faire de la place
21
嘀嘀咕咕
dídígūgū
marmonner, grogner
22
喝道
hèdào
crier très
fort (jadis pour écarter les gens sur le passage d’un personnage
officiel)
低声
dīshēng
à mi-voix 多嘴
duōzuǐ
être
bavard, ne pas savoir se taire
23
打呵欠
dǎ hēqiàn
bâiller
24
啄米
zhuómǐ
picorer du riz
25
插秧
chāyāng
repiquer les plants de riz
割稻 gēdào
couper le
riz
26
天上地上
tiānshàng
dìshàng
regarder la terre d’en haut, du ciel (d’avion), opposé à
下地 xiàdì
aller
travailler dans les champs – symbolise la libération du travail
de la terre.
27
拧
nǐng
tourner
(钥匙
yàoshi la
clef)
28慢悠悠
mànyōuyōu
sans se presser, en prenant son temps
29
斜眼
xiéyǎn
loucher
斜眼看 xiéyǎnkàn
regarder à
la dérobée
30
心嘭嘭跳
xīn
pēngpēng tiào
avoir le cœur qui bat très fort
山响shānxiǎng
assourdissant
31
歪脑袋
wāi
nǎodài incliner la tête
瞥..一眼
piē
… yìyǎn
jeter
un coup d’œil
32不吱声
bùzīshēng
ne pas dire un mot
33
安定
āndìng
calme, tranquille (calme assuré par la stabilité)
34
住宅楼
zhùzháilóu
immeuble d’habitation
高级 gāojí
de luxe
35
虚掩
xūyǎn
entrebâillé,
entr’ouvert
36
咯咯(笑)
gēgē (xiào)
rire bêtement (en gloussant)
37
嫩
nèn
tendre, délicat (comme un bourgeon, une fleur non éclose)
/inexpérimenté, novice
38
毒害
dúhài
empoisonner/pervertir, corrompre
39
推测
tuīcè
conjecturer,
essayer de deviner
40
不以为然
bùyǐwéirán
désapprouver, ne pas être d’accord
41
不止
bùzhǐ
plus de
42
不听使唤
bùtīng shǐhuan
ne
pas écouter les ordres, ne pas obéir
眼皮...耷拉
yǎnpí dālā
avoir les yeux qui tombent
43
恰巧
qiàqiǎo par un heureux hasard
收工 shōugōng
finir de
travailler
44
闪出幽光
shǎnchū yōuguāng
briller d’un éclat
sombre
45
凑
còu
ici :
approcher
46
羡慕
xiànmù envier
47
有气无力地
yǒuqìwúlìde
d’une voix faible, éteinte
Traduction (1)
Shunzi jeta un coup
d’œil par la fenêtre, cela faisait trois jours qu’il pleuvait
sans arrêt.
Trois jours auparavant,
Dezai était venu la voir et lui avait pointé un index acéré
comme une vrille pile sous le bout du nez : tu tu tu, tu vas me
rendre mon argent ! Il était écarlate, et, par contraste, Shunzi
semblait pâle comme un mort.
la région de Minbei
|
|
Shunzi venait
du même coin que Dezai, de la région de Minbei, mais
elle ne le connaissait pas avant d’arriver à Fuzhou.
Elle y était arrivée six mois avant lui, un an
auparavant ; un jour, un chef d’entreprise nommé Cai,
qui venait souvent se faire laver les cheveux au salon
de coiffure, se rendant compte qu’il avait oublié un
dossier sur son chantier, passa un coup de fil pour
qu’on le lui apportât, et c’est Dezai qui l’apporta. Ce
n’était pas quelqu’un qui faisait beaucoup de bruit, à
l’époque, il n’avait pas |
l’air
féroce, comme maintenant. Cai lui apprit que ce Dezai était de
Minbei, comme elle. Shunzi se retourna pour lui faire quelques
rapides signes de la tête, en levant légèrement une main
couverte de mousse de shampoing en guise de salut. Dezai rougit,
pétrifié des pieds à la tête malgré son désir de répondre en
bougeant à son tour quelque chose, mais sans trop savoir quoi ni
comment, restant là, finalement, comme planté sur une plaque de
métal chauffée au rouge. Shunzi ne put s’empêcher de pouffer de
rire ; riant lui aussi, Cai expliqua qu’il n’était là que depuis
quelques jours, mais que c’était quelqu’un de sérieux.
Dezai vint ensuite voir
Shunzi pour qu’elle l’aide à trouver une chambre meilleur
marché, son loyer étant trop cher pour lui. Shunzi accepta, et,
voyant qu’il n’y avait personne dans la boutique, prétexta un
quelconque besoin d’aller aux toilettes ou de s’acheter quelque
chose à manger pour sortir ; elle lui trouva une alcôve sous une
cage d’escalier, juste de quoi mettre un lit, pour trente yuans
par mois. Dezai, infiniment reconnaissant, se confondit en
remerciements. Mais Shunzi lui dit en agitant les mains : ce
n’est pas la peine de me remercier, on est pays, non ? Alors
c’est normal.
Dezai déménagea le
lendemain ; il n’avait en tout et pour tout qu’une couverture
miteuse et deux lots de vieux vêtements de rechange complètement
délavés, rien d’autre, pas même une cuvette ou une tasse. Shunzi
s’était renseignée ; elle avait appris qu’il avait vingt ans,
soit quatre ans de plus qu’elle, et qu’il venait d’un coin
encore plus paumé, un trou perdu dans la montagne, elle ne
pouvait que compatir ; alors, elle alla illico lui acheter une
tasse et une cuvette en plastique recyclé. Dezai, extrêmement
embarrassé, voulut refuser, mais Shunzi lui dit : disons que je
t’avance l’argent, ça va comme ça ? Dezai resta un instant les
yeux dans le vague, puis opina de la tête : d’accord pour que tu
me l’avances. Puis il ajouta : Shunzi, pourquoi tu fais ce
boulot ?
Shunzi se rembrunit
instantanément, comme piquée au vif. Mais mais,
bafouilla-t-elle, faut pas que tu croies, je fais rien de mal !
Je suis là pour laver les cheveux, c’est tout.
Dezai se mit à rire,
mais n’ajouta rien. Shunzi, cependant, trouva son rire bien pire
que s’il avait dit quelque chose.
Sa patronne s’appelait
Fang. Quand elle l’avait embauchée, elle lui avait dit : pour
chaque shampoing, il y aura un yuan pour toi, et neuf pour moi ;
et là-dessus, elle payait la nourriture et le loyer. Il y avait
deux autres filles qui travaillaient avec elle, Ahua et Aling,
et, à elles trois, elles louaient un deux-pièces, Fang en
occupant une, Ahua et Aling l’autre, mais c’était Fang qui
payait le loyer. Quand elle embaucha Shunzi, elle demanda aux
deux autres de se serrer un peu pour lui faire de la place. Ahua
s’exécuta sans problème, Aling, en revanche, exprima son
mécontentement en râlant un bon bout de temps, sans que Shunzi
parvînt à entendre tout ce qu’elle marmonnait. Cela la dissuada,
cependant, de rester là.
Quand elle arriva dans
la boutique, le premier jour, tout le monde était très occupé ;
il y avait là des clients qui, de toute évidence, étaient de
vieux habitués et plaisantaient bruyamment avec Ahua et Aling,
sur un ton très familier. Puis Ahua sortit avec l’un d’eux, et,
un instant plus tard, Aling sortit à son tour avec un autre.
Shunzi trouva que, sans elles, la boutique n’avait plus du tout
la même ambiance, alors elle demanda : elles sont parties où ?
Fang fronça les sourcils et lui lança à voix basse : boucle la !
Il faisait déjà nuit noire ; Shunzi regarda sa montre et vit
qu’il était onze heures. A cette heure-là, il ne viendrait plus
personne ; Fang bâilla à s’en décrocher la mâchoire et lui dit :
range les affaires, quand tu auras fini tu pourras rentrer te
coucher, moi j’y vais.
Quand elle fut partie,
Shunzi se mit à balayer, à astiquer les tables et laver les
serviettes. C’était le travaild’Aling, auparavant,
mais, quand Shunzi était arrivée, elle lui avait dit : c’est à
toi de le faire, maintenant. Et Shunzi, tout sourire, avait
opiné du chef, comme une poule picorant du grain. Elle aimait ce
travail, c’était nettement mieux
que de travailler dans les champs à repiquer le riz ou le
couper, c’était tout simplement comme survoler la terre de haut,
alors comment aurait-elle pu ne pas être contente ? Elle balaya
et rebalaya, astiqua et réastiqua les tables, jusqu’à ce qu’il
ne restât plus la moindre trace de cheveux. Puis, fermant la
porte, elle sortit. Le deux-pièces que louait Fang était dans la
même rue que la boutique.
La porte de la chambre
était fermée ; ne sachant pas s’il y avait quelqu’un, Shunzi
sortit sa clef mais la tourna en vain dans la serrure,
impossible d’ouvrir. C’est toi, Shunzi ? demanda Aling de
l’intérieur. Oui, c’est moi, dit Shunzi, ouvre-moi ! La porte ne
s’ouvrit qu’au bout d’un moment, et Shunzi eut un choc en
entrant : il y avait là deux hommes en train de sortir du lit,
s’habillant sans se presser tout en regardant Shunzi du coin de
l’œil. Celle-ci, en y réfléchissant, comprit brusquement ce dont
il était question, et devint rouge comme une pivoine. Elle
bafouilla : jejeje ne savais pas. Sur quoi elle fit mine de
ressortir, mais Ahua la retint en lui disant : fais pas
attention, ils s’en vont. Shunzi avait le cœur qui battait la
chamade, et ne put fermer l’œil de la nuit.
Le lendemain, en
descendant, elle passa devant l’alcôve en bas de l’escalier, et
s’arrêta un instant pour bien la regarder. Elle dit ensuite à sa
patronne qu’elle allait déménager, et prendre cette alcôve sous
l’escalier. Fang
inclina la tête et lui lança un regard de biais, mais sans rien
dire. Shunzi ajouta : je paierai moi-même le loyer. Fang lui dit
alors froidement : pas question, il est hors de question que tu
paies un loyer. Lorsque, ensuite, Shunzi aida Dezai à la louer
et que celui-ci y fut installé, elle ressentit en elle-même
comme un calme soudain.
Dezai travaillait sur
un chantier de construction d’un immeuble d’habitation de luxe.
Il partait travailler tous les matins très tôt, et quand il
rentrait le soir, c’était pour se coucher et dormir, Shunzi ne
le voyait donc que rarement. Quand elle passait en bas de
l’escalier, soit pour monter soit en descendant, elle jetait
toujours un coup d’œil à l’alcôve ; il y avait bien une porte,
mais elle n’était jamais complètement fermée ; si elle était
ouverte, c’est que Dezai était sorti, si elle était
entrebâillée, c’est qu’il était là et qu’il dormait.
Son patron, Cai, venait
souvent se faire laver les cheveux, il disait qu’il y avait de
la poussière partout sur le chantier, que c’était très sale, et
qu’il fallait se laver soigneusement pour bien dormir. Dès qu’il
arrivait, la patronne, toute contente, n’arrêtait pas de parler
et de rire aux éclats. Cai disait : dis-moi un peu, Fang, cette
Shunzi est vraiment adorable. Et elle lui répondait : elle est
encore toute jeune, Cai, ne me la pourris pas.
Il était évident que
Fang aimait beaucoup le patron Cai, mais lui, s’il l’aimait bien
aussi, il semblait avoir également un faible pour Ahua et Aling.
Un soir, une fois couchées, alors qu’elles parlaient de lui,
toutes les deux, en essayant de deviner combien il pouvait bien
avoir d’argent, Ahua dit : moi je pense qu’il doit avoir un
million de yuans, et toi ? Aling n’était pas d’accord : un
million seulement ? moi je dirais dix millions, au moins.
Shunzi en fut
estomaquée, elle n’imaginait pas qu’un seul homme pût avoir
autant d’argent. Un paquet de sel, ça coûte combien ? Un yuan et
des poussières, et pourtant combien de fois sa mère, furieuse,
n’avait-elle pas envoyé son père au diable, et ses ancêtres avec
jusqu’à la énième génération, parce qu’elle n’avait pas de quoi
en acheter ? Avec un million de yuans, voire dix millions,
savoir combien on pouvait acheter de paquets de sel. Elle
faillit ouvrir la bouche pour le dire, mais ses paupières ne lui
obéissaient déjà plus et elle sentit ses yeux se fermer.
Le lendemain soir, en
rentrant du travail, elle tomba sur Dezai qui, par un heureux
hasard, ce jour-là, avait aussi terminé à onze heures ; il se
lavait les pieds en les aspergeant avec l’eau d’une cuvette, et
celle-ci, transparente au départ, se teintait, en s’écoulant de
ses pieds, d’un jaune couleur de terre qui brillait d’un éclat
sombre à la lueur de la lampe. Shunzi s’approcha et lui dit d’un
ton admiratif : Dezai, dis donc, ce n’est pas n’importe qui, ton
patron ! Et comment ça ? lui demanda Dezai d’un air
indifférent. Avec un patron comme ça, répondit Shunzi, tu peux
gagner plein d’argent !
Tu rêves ! lui
dit Dezai. Puis il tourna les talons et rentra dans son alcôve,
en laissant la porte entr’ouverte.
二
到芳姐店里干活之前,顺子从来没有给人洗过头。她真稀奇1,城里人居然连头都要花钱洗。她离开家,先是走路,接着坐汽车又坐火车,然后就到了福州。听说大城市好赚钱,她父亲就让她来了。家里的房子本来有三间,去年底被洪水2冲掉了两间,一家五口人就挤在剩下的那一小间内,父亲掐着指头算了半天3,也没法弄清什么时候能把房建上,叹口气,就指望4顺子去赚钱寄回了。顺子第一次出门,在福州走来走去,不知钱放在哪里。经过芳姐理发店时,芳姐正站在门外嗑瓜子5。顺子问你们这里需要人帮忙吗?芳姐上下打量她,问你想来?顺子点头。芳姐说,你会什么?顺子往里面看,隔着玻璃阿华阿玲正悬着手往客人头上一下一下地抓着,顺子就说,我会抓头。芳姐一愣,笑起来,说,好吧,你来吧。
店里白天没什么客人,热闹的是晚上,晚上男人三三两两地来。芳姐做了个示范6,应该这样这样。顺子看明白了,洗头并不难,在客人头上这里抓抓那里压压,抓痛快压舒服了7就行。芳姐问她你想赚钱吗?顺子说想。芳姐说,你想多赚些钱吗?顺子说想。芳姐说,你想赚很多很多钱吗?顺子没听明白,她晃着头,难为情了一阵8,然后说,我妈妈交代了9,老板给多少钱就收多少钱,不能太贪心的10。芳姐摸摸她的头,说,那你先做吧,洗个头十块钱,给你一元。
顺子很高兴。夏天收稻时11,父亲给人帮工,在太阳底下晒一整天,也就得五元工钱。而她这样躲在屋里,不吹风不淋雨还有空调吹着,只要在人家头上抓抓搔搔12,就可以得一元钱,真的很好。有生意的时候,顺子一天可以洗八九个头,也就可以得八九块钱..。顺子觉得芳姐虽然脾气不好,但心眼儿好13。她看阿华阿玲有时低声骂芳姐,很不解,她说,芳姐替我们出房租,还管着三顿饭,她很大方的14。阿玲嘴一撇15,说,白痴啊你16,她从我们身上赚走的不知多多少!
阿华和阿玲都是北方人,个子高高大大的,有着葱白17似的皮肤,透着斑斑红晕18,顺子又黑又瘦又矮
[...]
一个月做完后,芳姐递给了顺子一百八十五元钱。顺子暗暗记了个帐,她觉得应该有两百六十一块钱,但芳姐只给一百八十五,她也就算了。上午拿了钱,中午她就去了邮局,汇一百五十元回家,她想父亲正等着钱。阿玲问她,一百五十块钱能做什么?
顺子说一百五十块钱够我们家过整整三个月。我们家还要攒钱盖房子哩19。
阿玲说,就你?就这钱?盖房子?
顺子知道阿玲阿华有钱,她们一件件新衣服不断买,一转身不要了,就送给顺子。顺子说我不要你们的东西。阿玲很奇怪,说,我们的东西都不要,那你要谁的东西?
顺子说,我要自己的东西。
阿玲回头望望阿华,又指着顺子说,这个人是不是有毛病啊?
阿华说,你说有就有。
顺子心里很难过,她觉得阿华阿玲都有点看不起她。这也难怪20,她们都比她漂亮,也比她时髦21。福州和闽北距离这么近,而阿华和阿玲家却在千里之外,感觉上倒像顺子是外省人了。顺子对德仔说,你住在这里真好,你住在这里真是好极了!德仔伸个懒腰22,边往外走边说,累死我了,这哪里是人过的日子啊。顺子叫:德仔。德仔站住,回过头来问:什么事?顺子想了想,觉得还有话要说,一时又不知自己要说什么,就笑笑。
已经年底了,但福州的天气很奇怪,要热起来,还像初秋似的,穿一件薄薄的针织衫23就行。突然一冷,又冷得天上地上就像个大冰窟24,风吱吱地刮着,蛇一样哧溜25钻进骨头深处。顺子从家里出来时,正是夏季,小小的包袱里只草草裹了两件短袖26。天冷了,顺子只好到夜市买了几件冬衣,不是一次性地买27,而是冷一点,买一件,再冷一点,再买一件,有些像被天气逼得一步步后退的味道。芳姐说,反正也是买,顺子你不如一下子买回算了,免得冻成这样了才跑夜市。顺子摇摇头,说,我没钱。
芳姐靠到椅子上,两条腿悠悠晃着。店里这会儿只剩下两个人,阿华和阿玲都被客人带出去了。她们喜欢被人带去,到外面又有吃又有玩还能多挣钱。芳姐说,顺子,你羡慕不羡慕阿华阿玲啊?
顺子说,不羡慕。
芳姐说,你看她们活得多好。
顺子说,我觉得不好。
芳姐说,有什么不好?
顺子说,就是不好。
芳姐说,我做人有分寸28,我不会逼人做不愿意做的事。不过,女人嘛,也就是
那么回事,能赚钱不去赚,就傻了。
顺子抿起嘴,很固执的样子29。顺子在心里说,我不傻。
以前芳姐跟阿华阿玲一样,这是顺子听来的。芳姐干了几年,挣了一些钱,就自己开店当老板。现在芳姐也不是完全上岸了30,如果有人找芳姐,开出好价钱,芳姐也愿意。但芳姐年纪上了三十,脸上有了皱纹,肯出大钱的男人已经很少,芳姐又不愿降低身价31,就算了。反正小姐遍地都是,而芳姐也不愁那一些钱了32。不过芳姐对蔡老板是例外的,蔡老板有时把芳姐带出去,或者就在芳姐的房间里,听说蔡老板都不怎么给钱,反而是芳姐今天买这个明天买那个送给蔡老板。
阿华和阿玲洗一个头得三块钱,顺子做满三个月后,手艺已经很熟练了33,芳姐就说可以给她加到每个头两块钱,但说归说,说过之后,芳姐却没有给她钱。阿华有些看不过去34,对顺子说:你向她提出来嘛,你不说,她装死不给你35。这件事让顺子心里挺不舒服的,她很想多挣钱,多挣了,就能多寄回家。可是讨钱的话好像会烧她的舌头,每次刚聚集到嘴里,马上就烫得她赶紧咽下去了36。
德仔说,你呀,被人骗死了,还是呆呆站着!老板的心都是黑的,你不争白不争。
顺子看看德仔,觉得他有些生气。德仔不常生气,但他也不常高兴。每天他的衣服都是脏的,脸色都是青青的。三顿饭中,德仔有两顿是吃蔡老板的,都是快餐37,一盒米饭两三样青菜,而早上,德仔舍不得花钱38,就省下了。顺子想德仔挺可怜的,德仔比她可怜,跟德仔一比,她吃的要好一些,住的也好,还不怎么花力气39,就是少挣一些钱又有什么关系呢,算了,别说了,说了芳姐不高兴。这么一想,顺子就把这件事放下了。她跟德仔不同,她脸上每天都是笑眯眯的40,好像一肚子是喜事41,乐也乐不完。
有几个客人来店里时,专门点顺子洗头,他们说,这丫头42可爱。
蔡老板也喜欢让顺子洗头。蔡老板以前每次来都是芳姐亲自洗,但有一次蔡老板来时,芳姐手上正有客人,顺子就替蔡老板洗。洗过之后,蔡老板就只要顺子洗了。
芳姐嘴上没说什么,但脸上却挂不住43,蔡老板一走,就生着法子骂骂咧咧的出气44。顺子刚开始没明白怎么回事,不知道自己做错了什么。晚上回宿舍睡觉时,她向阿玲讨教45,她说,阿玲,芳姐怎么了?
阿玲说,你到底是真不懂还是假不懂啊?
顺子老老实实地说,真不懂。
阿玲说,那老母猪要找个窝,她怕你占了窝,傻瓜!
这句话顺子还是听不懂,但她看阿玲好像有些不耐烦了,便闭了口,自己细细左想右想。第二天,她终于模模糊糊地知道个大概了,就跟芳姐说,芳姐,以后我不给蔡老板洗头了。
芳姐似笑非笑地咧咧嘴,说,这事由不得你46,这事得听蔡老板的。
顺子低头想想,觉得也是,蔡老板叫她洗她能不洗吗?蔡老板出钱,蔡老板是客人,芳姐自己就说过客人就是上帝,我们可以得罪47祖宗十八代,但不能得罪客人。
Vocabulaire (2) :
01
稀奇
xīqí
rare, nouveau,
singulier…
02
洪水
hóngshuǐ
inondation, crue
03
掐算
qiāsuàn
compter sur ses doigts
04指望
zhǐwàng
compter sur
05
嗑瓜子
kè
guāzi croquer des graines de pastèque
06
做个示范
zuò
ge
shìfàn
faire une
démonstration
07痛快
tòngkuài à
cœur joie, tout son content
08
难为情
nánwéiqíng
se sentir embarrassé
09
交代
jiāodài
expliquer / donner des instructions, recommander
10
贪心
tānxīn
être avide, rapace,
cupide
11
收稻
shōudào récolter le riz
12
搔
sāo
gratter
13
心眼儿
xīnyǎnr cœur / intentions
14
大方
dàfāng
généreux
15撇嘴
piězuǐ
tordre la bouche, faire la moue
16
白痴
báichī
idiot
17
葱白
cōngbái blanc verdâtre (comme une pousse d’oignon)
18
斑斑
红晕
bānbān hóngyùn
couvert de
rougeurs (斑bān
tache)
19
攒钱
zǎnqián
économiser, mettre de l’argent de côté
盖房子gàifángzi
construire une maison
20
难过/难怪
nánguò/nánguài
triste, affligée / pas étonnant, compréhensible
21
时髦
shímào à la
mode
22
伸懒腰
shēnlǎnyāo
s’étirer, paresseusement
23
针织衫
zhēnzhīshān
pull, tricot (针织毛衣)
薄薄 voir 1.13
24
冰窟
bīngkū
glacière, entrepôt réfrigéré
25
哧溜
chīliū
glisser
très vite (avec un bruit
哧chī)
26
草草
cǎocǎo très
vite
裹guó
roule, plier
短袖(衫)duǎnxiù(shān)
T-shirt à manches courtes
27
一次性地
yícìxìngde
en une (seule) fois
28
有分寸
yǒufēncùn
avec mesure, tact
29
抿嘴
mǐnzuǐ
fermer légèrement, pincer la bouche
固执gùzhí
obstiné,
têtu
30
上岸
shàng’an
débarquer, mettre pied à terre / au fig. : se retirer des
affaires, cesser une activité
31
降低身价
jiàngdī
shēnjià
baisser de
statut, de rang social (jeu de mot ironique sur
身价shēnjià :
ici c’est littéralement le prix demandé pour son corps)
32
不愁
bùchóu
ne pas avoir à se préoccuper de, à se faire du souci pour
33
熟练
shúliàn être passé maître dans une technique, qualifié
34
看不过去
kànbúguòqù
ne pas supporter, ne plus y tenir
35
装死
zhuāngsǐ faire le mort
36
咽
yàn
avaler
37
快餐
kuàicān
repas rapide (ce qu’on appelle
盒式快餐héshì
kuàicān riz avec deux ou trois légumes, dans une boîte
盒hé)
38
舍不得
shěbude ne
pas se résoudre à
39
花力气
huālìqi
se donner du mal, faire beaucoup d’efforts
40
笑眯眯
xiàomīmī
être tout sourire
41
一肚子
yídùzi
être plein de (en
général négatif : de colère, de ressentiment, etc… ici
contraste)
42
丫头
yātou
(petite)
fille
43
挂不住
guàbuzhù
(dial.) ne pas pouvoir cacher ses sentiments
44
骂骂咧咧
màmaliēliē
en termes orduriers
出气chūqì
donner libre
cours à sa colère
45
讨教
tǎojiào
demander conseil, consulter
46
由不得你
yóubude nǐ
ce n’est pas à toi de décider
47
得罪
dézuì
offenser
Traduction (2) :
Shunzi n’avait jamais
lavé les cheveux à personne avant d’être embauchée par Fang.
Elle s’étonna de voir les gens, en ville, payer même pour se
faire faire un shampoing. En partant de chez elle, elle avait
commencé à pied, puis avait pris le car et enfin le train avant
d’arriver à Fuzhou. On disait qu’on gagnait bien sa vie, en
ville, alors son père l’y avait envoyée. Leur maison avait trois
pièces, mais, l’année précédente, une inondation en avait fait
effondrer deux, et les cinq membres de la famille, depuis lors,
se tassaient dans celle qui restait. Son père avait fait de
longs calculs, sans réussir à voir comment il pourrait
faire réparer
la maison, alors, tristement, il avait placé tous ses
espoirs en Shunzi, et l’avait envoyée gagner de l’argent
pour aider la famille. C’était la première fois que
Shunzi quittait les siens ; arrivant à Fuzhou, elle
déambula sans savoir où s’adresser pour gagner de
l’argent. Alors qu’elle passait devant la boutique de
Fang, celle-ci était devant la porte, à croquer des
graines de pastèque. Shunzi lui demanda si elle n’avait
pas besoin de quelqu’un. Fang la toisa de la tête aux
pieds et lui demanda : tu veux venir travailler ? Shunzi
opina du chef. Et
|
|
Fuzhou
|
qu’est-ce que
tu sais faire ? demanda
Fang. Shunzi regarda à l’intérieur de la boutique et, derrière
la vitre, vit à plusieurs reprises Aling et Ahua prendre les
têtes de leurs clients entre les mains pour les frictionner. Je
sais prendre la tête, dit alors Shunzi. Fang éclata de rire et
lui dit : d’accord, je t’embauche.
Il n’y avait pas de
clients dans la boutique de toute la journée, ce n’est que le
soir qu’elle s’animait, les gens arrivant alors par petits
groupes de deux ou trois. Sa patronne lui avait montré comment
s’y prendre, et, en la voyant faire, Shunzi avait trouvé que ce
n’était pas difficile de laver les cheveux, il suffisait de
frotter par ci, masser par là, de tout son cœur, et c’était bon.
Fang lui avait demandé si elle voulait gagner de l’argent. Oui,
dit Shunzi. Tu veux en gagner beaucoup ? demanda Fang. Oui, dit
Shunzi. Tu veux en gagner beaucoup beaucoup ? dit encore Fang.
Ne comprenant pas, Shunzi hocha la tête, un instant embarrassée,
puis répondit : ma maman m’a toujours dit qu’il faut accepter ce
que le patron vous donne, on ne peut pas avoir les yeux plus
grands que le ventre. Fang lui caressa la tête et lui dit : bon,
tu vas commencer, sur les dix yuans que coûte chaque shampoing,
je t’en donnerai un.
Shunzi était ravie. En
été, son père allait travailler pour des propriétaires au moment
de la récolte du riz ; pour toute une journée de travail sous un
soleil de plomb, on lui donnait cinq yuans. Et elle, sans avoir
besoin de sortir affronter les intempéries, en restant au
contraire dans l’air conditionné, à simplement frictionner et
gratouiller la tête des gens, elle pouvait gagner un yuan,
c’était vraiment super. Les jours où il y avait beaucoup de
travail, elle pouvait faire huit ou neuf shampoings, et donc se
faire huit ou neuf yuans… Bien qu’elle eût un caractère un peu
soupe au lait, Shunzi trouvait que sa patronne avait bon cœur. Comme elle
entendait souvent Ahua et Aling la maudire à voix basse, et
qu’elle avait du mal à le comprendre, elle leur
dit : Fang nous paie le loyer, et même trois repas par jour,
elle a le cœur sur la main. Aling pinça la bouche et lui
répondit : pauvre idiote ! Je voudrais bien savoir combien de
fric elle se fait sur notre dos !
Ahua et Aling étaient
des filles du Nord, grandes, la peau d’un blanc nacré, parsemée
de taches de rousseur, tandis que Shunzi était petite, maigre et
noiraude. […]
A la fin du premier
mois, Fang lui donna cent quatre vingt cinq yuans. Shunzi,
cependant, avait fait ses comptes en secret, et s’attendait à
recevoir au total deux cent soixante et un yuans ; mais bon, si
la patronne ne lui en donnait que cent quatre vingt cinq, tant
pis. Elle reçut son dû dans la matinée, et, dès midi, pensant
que son père attendait l’argent, alla à la poste lui envoyer
cent cinquante yuans.
Aling lui demanda à
quoi pouvaient servir cent cinquante yuans. Shunzi lui répondit
que, avec cela, sa famille pouvait tenir trois mois. Mais,
dit-elle, il faut aussi économiser pour construire une maison.
Et alors, ton argent,
dit Ailing, c’est pour construire la maison ?
Shunzi savait qu’Ahua
et Aling avaient plein d’argent ; elles s’achetaient constamment
de nouveaux vêtements, dont elles se lassaient en un tournemain,
et qu’elles offraient alors à Shunzi. Mais, leur dit celle-ci,
je ne veux pas de vos affaires. Ah, dit Aling, trouvant cela
bizarre, et tu veux les affaires de qui, alors ?
Je veux mes propres
affaires, dit Shunzi.
Alors Aling, se
tournant vers Ahua, lui dit en montrant Shunzi : elle est
complètement malade, non ?
Si tu le dis, ça doit
être vrai, dit Ahua.
Shunzi était triste à
la pensée qu’Ahua et Aling la regardaient de haut. Evidemment,
ce n’était pas étonnant, elles étaient bien plus belles, et bien
plus à la mode. Minbei n’est pas tellement loin de Fuzhou, alors
qu’Ahua et Aling, elles, venaient de plusieurs milliers de
kilomètres, mais on avait l’impression que c’était Shunzi qui
n’était pas de la province. C’est super que tu sois là, dit-elle
à Dezai, vraiment super ! Dezai, s’étirant paresseusement, lui
dit en partant : je suis crevé, c’est vraiment une vie de chien.
Dezai, lui cria Shunzi. Il s’arrêta, se retourna et lui
demanda : qu’est-ce qu’il y a ? Shunzi eut beau chercher, elle
ne se souvint plus du tout de ce qu’elle voulait dire, alors
elle eut un petit rire.
L’année touchait à sa
fin, mais le temps, à Fuzhou, était étonnant, il faisait une
chaleur de début
d’automne ; avec un
pull léger on était assez couvert. Et puis brusquement, il se
mit à faire froid, tellement froid, même, que le ciel et la
terre semblaient une vaste glacière, parcourus par un vent qui,
glissant tel un serpent, s’insinuait en sifflant jusqu’à la
moelle des os. Quand Shunzi était partie de chez elle, c’était
l’été, elle n’avait emporté qu’un minuscule sac dans lequel elle
avait plié en vitesse deux t-shirts à manches courtes. Le froid
venu, il ne lui restait plus qu’à aller au marché de nuit
s’acheter des vêtements d’hiver ; elle n’acheta cependant pas
tout en une fois, mais une chose après l’autre, au fur et à
mesure que le temps se refroidissait, comme si elle cédait peu à
peu aux pressions du temps, en reculant pas à pas. De toutes
façons, lui dit Fang, il faut que tu l’achètes, tu ferais mieux
de le faire une bonne fois pour toutes, cela t’éviterait d’aller
te geler à courir au marché comme ça. Mais Shunzi lui dit en
secouant la tête : je n’ai pas l’argent.
Appuyée contre le
dossier de sa chaise, Fang balançait doucement les jambes. Elle
était seule dans la boutique avec Shunzi, Ahua et Aling étaient
sorties avec des clients. Elles aimaient bien sortir ainsi, on
leur payait à manger, c’était distrayant et elles se faisaient
pas mal d’argent. Shunzi, dit Fang, est-ce que tu envies Ahua et
Aling ?
Pas du tout, répondit
Shunzi.
Tu dois reconnaître
qu’elles vivent très bien, dit Fang.
Moi je ne trouve pas ça
bien, dit Shunzi.
Qu’est-ce qui n’est pas
bien ? demanda Fang.
Ce n’est pas bien,
c’est tout, dit Shunzi.
Moi, dit Fang, je
traite tout le monde avec égards, je ne force personne à faire
ce qu’il n’a pas envie de faire. Mais quand même, quand on est
une femme, on a la possibilité de gagner de l’argent, faut être
idiote pour ne pas le faire.
Shunzi pinça la bouche
d’un air buté et se dit en elle-même : non, je ne suis pas
idiote.
Shunzi avait entendu
dire que Fang, dans le passé, avait fait comme Ahua et Aling.
Elle avait vendu ses charmes pendant plusieurs années, et gagné
pas mal d’argent, ce qui lui avait permis d’ouvrir son salon de
coiffure et de devenir patronne. Elle ne s’était cependant pas
encore totalement retirée du circuit, si quelqu’un venait lui
proposer suffisamment d’argent, elle acceptait. Mais elle avait
maintenant trente ans et des rides, alors les hommes prêts à lui
payer une bonne somme n’étaient plus nombreux ; comme elle
n’était pas décidée à baisser ses prix, alors tant pis. De
toutes façons, les filles, ça courait les rues, et Fang, pour sa
part, n’avait pas de soucis financiers. Il y avait cependant une
exception, c’était le patron Cai, elle sortait quelquefois avec
lui, ou l’invitait dans sa chambre ; on disait qu’il ne lui
donnait pas beaucoup d’argent, c’était
plutôt Fang qui lui achetait des cadeaux, une chose un jour, une
autre chose le lendemain.
Pour chaque shampoing,
Ahua et Aling touchaient trois yuans ; au bout de trois mois,
comme Shunzi avait acquis une certaine expertise, Fang lui dit
qu’elle méritait la même chose, elle le dit et le répéta, mais
ne lui donna rien de plus. Ahua ne put s’empêcher de dire à
Shunzi : il faut que tu le réclames, si tu ne dis rien, elle va
faire celle qui n’y pense pas. Cette histoire rendit Shunzi très
mal à l’aise, elle aurait bien aimé gagner plus d’argent,
beaucoup plus d’argent, pour pouvoir en envoyer beaucoup plus
chez elle, mais elle avait l’impression que discuter d’argent
lui brûlerait la langue, chaque fois qu’elle avait les mots
prêts au bord des lèvres, elle avait aussitôt un sentiment de
brûlure, et elle les ravalait très vite.
Toi alors, lui dit
Dezai, tu te fais avoir, et tu restes là sans broncher ! Les
patrons sont des voleurs, si tu ne te bats pas, ils ne te feront
pas de cadeau.
Shunzi le regarda et se
dit qu’il était en colère. Ce n’était pas souvent, mais il
n’était pas souvent content non plus. Tous les jours, il avait
des vêtements sales et le visage noir. Sur les trois repas de la
journée, il en prenait deux sur le chantier, une simple gamelle
de riz avec deux ou trois légumes prise sur le pouce, et il
sautait le troisième repas, le soir, pour économiser. Il faisait
énormément pitié à Shunzi, elle trouvait qu’il était plus à
plaindre qu’elle ; elle, en comparaison, mangeait bien, avait
une bonne chambre, et, qui plus est, ne se fatiguait pas
beaucoup, donc, si elle gagnait moins, ça s’expliquait ; alors,
tant pis, elle préférait ne rien dire, autrement Fang ne serait
pas contente. Sur quoi elle n’y pensa plus. Elle n’était pas
comme Dezai, elle, elle était tout sourire toute la journée, on
n’aurait dit qu’elle débordait de joie, et que ses réserves de
gaieté étaient sans limites.
Quelques clients
demandèrent spécifiquement que ce soit Shunzi qui leur lavât les
cheveux : cette gamine est adorable, dirent-ils. Cai lui aussi
préférait Shunzi. Auparavant, c’était toujours Fang qui lui
faisait ses shampoings, mais, un jour qu’elle était occupée avec
un autre client, Shunzi l’avait remplacée, après quoi Cai avait
dit qu’il ne voulait plus qu’elle pour lui laver les cheveux.
Fang n’avait rien dit,
mais son visage parlait pour elle, et, une fois Cai parti, elle
était sortie de ses gonds et s’était répandue en injures.
Shunzi, au début, n’y avait rien compris, et s’était demandée ce
qu’elle avait fait de mal. Le soir, une fois couchée, au moment
de s’endormir, elle demanda des explications à Aling : Aling,
dit-elle, qu’est-ce qui s’est passé, avec Fang ?
Tu ne comprends
vraiment pas, dit-elle, ou tu fais semblant ?
Non, répondit
sincèrement Shunzi, je ne comprends vraiment pas.
C’est que, dit Ailing,
la mère cane se cherche un nid, et elle a peur que tu viennes
t’y fourrer, idiote !
Shunzi comprenait
encore moins, mais, en voyant l’air excédé d’Aling, elle ne dit
plus rien et réfléchit toute seule en tournant et retournant les
paroles dans sa tête. Le lendemain, elle avait très vaguement
deviné ce dont il était question ; alors elle dit à Fang : à
l’avenir, je ne laverai plus les cheveux du patron Cai. Fang, un
sourire crispé au coin des lèvres, lui répliqua que ce n’était
pas à elle de décider, mais au patron Cai.
En y réfléchissant,
tête baissée, Shunzi reconnut que c’était bien vrai : si le
patron Cai lui demandait de lui laver les cheveux, comment ne
pas le faire ? C’était lui qui payait, il était le client, Fang
elle-même avait bien dit que le client était roi, qu’on pouvait
offenser autant de générations d’ancêtres qu’on voulait, mais
pas un client.
三
蔡老板胖胖的,脖子已经粗得找不到了,肚子也顶出老远1。这种模样的男人顺子以前在老家几乎从没有见到过,她以前见到的男人都跟她父亲差不多,瘦瘦的,焦黑焦黑的2,一层皮后就是一堆凹凹凸凸3的骨头了,而且身体的突起部分3也跟蔡老板完全相反,都是后背弯出去了,肚子却往里抠出一条硬绑绑的弧线4。看不出蔡老板究竟有几岁了,不过一定比芳姐大,芳姐有时会撒娇5,靠在他身上哥长哥短地叫着6。蔡老板一伸手摸摸芳姐的屁股,算是回答了。
蔡老板喜欢摸屁股,阿华阿玲的他也摸。他的手好像是个灵敏度很高的开关7,一碰到那三副圆滚滚的屁股上,立即就有一大堆的笑乱轰轰8地应声而起。顺子刚开始想不明白这有什么好笑的,屁股又不是胳肢窝9。她有次试了试,手往后转去,用五个指头挠挠自己10,隔着裙子和短裤,只觉得好像有几条虫子爬过,一点也不好笑,只有不舒服。
蔡老板以前是不会摸顺子屁股的,好像有谁下了命令似的,来店里的客人都不摸顺子。但是,最近有了一些变化,顺子给蔡老板进行头部按摩时,冷不防11会觉得腿上某块肉一紧,又迅速一松,好像是不小心碰到了电源,电击穿越那块肉,沿着血液冷冰冰地蔓延开12,让她全身的毛孔齐刷刷13立起来,如同一片密不见天的树林。蔡老板此时贼头贼脑的像一只螃蟹14,但这只螃蟹闭着眼,仿佛正尽情享受着按摩的喜悦15。顺子从镜子中望望那张若无其事的脸16,几乎开始相信是自己产生了错觉,这时,蔡老板的大拇指与食指又抵达17她腿上某一块肉了。
芳姐把这一切都看到眼里。
芳姐还是装出有说有笑的样子,但她只是对蔡老板说笑,对顺子却不说也不笑。顺子有一种很不好的预感,当然这预感很恍惚18,还没等她伸手去抓,就已经飘走了。如果顺子是阿华或者阿玲,她肯定不会呆头呆脑地站在那里,任由人家把网布好,把刀磨好。...
芳姐领来一个男人,芳姐说,他叫辉哥。
辉哥个子很矮,看上去像顺子一样还没发育似的19。但辉哥的脸与顺子不一样,顺子脸像苹果一样光滑,闪着喷香的光泽20,辉哥却涩涩的有着一道道细细的皱纹,而且很苍白,像是几年没吃过一顿饭了。
芳姐叫顺子给辉哥倒茶。又叫顺子给辉哥洗头。再叫顺子你陪辉哥出门玩玩吧。
顺子整个人突然被魔法定住了22,愣在那里一动不动。芳姐脸有些难看了,她过来推顺子。顺子被她推醒了,也不知哪里来的力气,大吼了一声:我不去!
芳姐说,不去你在这里就呆不下去了23。
顺子说,呆不下去就呆不下去!
火车从闽北出发,还未到达福州之前,坐在火车上的顺子对男女之事真的还十分不清楚。她那时觉得男人和女人无非24是分类不同罢了,区别只在于男人站着小便25,女人蹲着小便。就好像稻子与麦子,播种,扬花,抽穗26,割下,吃掉,其实都是各干各的,彼此间27并没有多少关系。进了芳姐这个店后,顺子却看到稻子和麦子互相绞在一起
[...]。
[从店里出来,沿着河边走几十米,再往一个小路拐进29十几米,就是蔡老板的工地了。工地上一层层搭着竹架子30,外面布着一圈尼龙网,好像里头包着什么不想让人家看到的秘密似的。顺子想,我不是来看什么秘密的,这房子跟我一点都没有关系,再大的秘密又怎么样呢?我只是来……顺子猛然一怔31,她的双脚下意识迈过来的32,她到这里来干什么?找蔡老板?不是,那么就是找德仔了。
工地上吊着灯,叮当叮当地传出挑砖砌瓦的声音33。德仔还未下班,顺子决定留下来,留在阴影中等德仔。能指望德仔什么呢?不知道。反正她只好找德仔了,没有其他人可找。比如说她现在正在水中,水快淹过头顶了,她扑腾扑腾着34,只看到一根稻草,她当然就只好伸出手,将稻草一把抓住了。
但是德仔不愿意当稻草。德仔从面前经过时,顺子往外一跳,叫道:德仔!德仔被吓得往后猛退几步,声音都哆嗦了35,他说,你,你神经病啊!
顺子突然把这个场面与小时候玩的捉鬼游戏36联系起来,不觉乐了37,咯咯笑起。德仔更不高兴了,他瞪过一眼,眼白在黑暗中像两道鬼火一闪38。你到这里来干什么?德仔声音很大,不知道是不是颠倒过来39,他认为自己见到鬼了。顺子本来还在笑,被他一喝,一下子醒转了。她说,德仔,我想跟你说几句话。
德仔说,我困了40,累死了。
顺子说,就几句话,求你听听。
认真算起来,顺子也读到小学五年级,但这期间她今天要砍柴41不去上学,明天要放牛不能去上学,总之她坐进教室的时间是非常有限的42,因此她的文化也非常有限,通常的情况下,写五个字中,如果只出现三个错别字,就算她超水平发挥了43。至于说话,简直比写字更不如,她常常很难一下子就让词达意起来44。
德仔听来听去没听明白,他问,你钱挣够了,打算洗手不干了?
顺子说,你怎么骂人了?
德仔说,我骂你什么了?
顺子说,你骂我是鸡。
德仔说,你难道不是鸡?
顺子说,我不是。
德仔说,那你是什么?
顺子说,我是顺子。
德仔冷笑一下,说,那还不一样?
顺子说,当然不一样,我是顺子,我跟她们不一样。
德仔说,不一样也是鸡。你挣钱比我痛快,我要是女的也去做鸡。
顺子迟疑了两步,突然往下一蹲,头搁在膝盖上45,大声哭起来。
德仔挺意外的,挠挠头10左右看看。路上静静的没有一个人,沿河排列站立的樟树悉卒响着46,有叶子东一片西一片地落下。德仔说,起来,快回去,跟鬼哭似的,我今天晚上都被你吓死了。顺子不起来,哭得更大声。附近有住户被吵醒47,打开窗四下张望。德仔说,你走不走?你不走我可要走了。
顺子还是不动。德仔犹豫了会儿,跺一下脚48,然后转了身,很快地走掉。
顺子抬头看看,见德仔真的走了,就收了声49。真奇怪,刚才她一直想忍住50,她根本不想在德仔面前哭,可是越忍竟越伤心,五脏六腑50好像比赛似地争着弄出悲痛欲绝的样子51。谁知德仔一走,它们就一下子跑到了终点,宣布比赛结束。顺子站起来,觉得自己应该干嘛,却想不要出干嘛,便一步一步慢悠悠地往关尾街走去。]
阿华阿玲被客人带走了,还没回来,芳姐关着门,不知道有没有人在里头。从楼梯间经过时,顺子故意把脚踩得卟卟响52。这个没良心的德仔53!这个坏蛋德仔53!她嘴里嘟噜着54,一路上骂骂咧咧,但一躺上床,她就把德仔丢到脑后,闭上眼,很快就睡得天昏地暗了。
第二天顺子是被芳姐叫醒的,芳姐倚在门上,双手交叉在胸前55斜眼看她。外面的太阳已经很大了,透过窗子照得满屋都是。顺子瞥一眼桌上的闹钟,已经十一点了,她一挺身从床上滑下来。芳姐说,你还挺会享福的嘛56。
顺子搓搓眼57,见阿华阿玲的床铺还是老样子,她们昨天晚上都没回来,昨天晚上……顺子有点回过神来了,转身开始收拾自己的东西。芳姐说,你要干嘛?顺子说,你不是不让我在店里了吗?
芳姐慢慢走过来,脸上有些很难看的笑。现在你不能走了,芳姐说,你还得在我店里干下去。
为什么?顺子不解地看着她。
叫你干下去你就干下去!芳姐吼起来。
Vocabulaire (3) :
01
肚子顶出老远
dùzi dǐngchū lǎoyuǎn avoir le ventre proéminent,
protubérant
02
焦黑
jiāohēi
noir comme du charbon (brûlé par le soleil)
03
凹凸
āotū plein de creux et de bosses, inégal
突起tūqǐ
surgir,
s’élever/se détacher
04
抠出
kōuchū creuser/graver, ciseler
弧线húxiàn
corde d’un
arc 硬绑绑yìngbǎngbǎng
bien tendu
05
撒娇
sājiāo
minauder, faire la coquette
06
哥长哥短地叫
gēchuán gēduǎnde jiào
appeler
gentiment : frère par ci, frère par là
07
灵敏度língmǐndù
degré de
sensibilité d’un instrument de mesure, en particulier du courant
électrique
开关 kāiguān
interrupteur, commutateur
08
笑乱轰轰
xiàoluàn hōnghōng
des
explosions de rires (de tous côtés, en désordre)
09
胳肢窝gēzhīwō
aisselle (胳肢gézhi
chatouiller)
10
挠
náo
gratter
11
冷不防lěngbufáng
à l’improviste, inopinément
12
蔓延(开)
mànyán(kāi)
se répandre
13
毛孔
máokǒng
pore (de la peau)
齐刷刷qíshuāshuā
uniforme,
égal
14
贼头贼脑
zéitóuzéinǎo agir furtivement, à la dérobée
螃蟹 pángxié
crabe (furtif car marche de travers)
15
尽情享受
jìnqíng xiǎngshòu
jouir à plein de quelque chose
喜悦xǐyuè
joie
16
若无其事
ruòwúqíshì
l’air de rien, comme si de rien n’était
17
大拇指dàmuzhǐ
pouce 食指shízhǐ
index 抵达dǐdá
atteindre
18
恍惚
huǎnghū
vague, confus
19
发育
fāyù
se
développer, mûrir
20
光滑/光泽
guānghuá/guāngzé
lisse / brillant 喷香pènxiāng
qui exhale
un parfum délicieux
21
涩涩
sèsè
âpre, d’une saveur âcre
22
魔法
mófǎ magie 定住dìngzhù stopper,
figer
23
呆不下去
dāibúxiàqù
ne pas pouvoir rester
24
无非
wúfēi
simplement 罢了
bàle
et c’est tout
25
小便
xiǎobiàn
uriner
26播种
bōzhòng
semer 扬花yánghuā
être en floraison (céréales)
抽穗chōusuì
monter en
épi
27
彼此间bǐcǐjiān
entre ces choses-là
28
呼啸
hūxiào
siffler
29
拐进
guǎijìn
tourner dans (rue)
30
搭竹架子dā
zhújiàzi
dresser, installer des échafaudages de bambou
31
猛然一怔měngrán
yīzhèng
être
subitement frappé
de stupeur
32
下意识 xiàyìshí
inconscient 迈过来 màiguòlái
avancer (pas à pas)
33
挑砖砌瓦tiāozhuānqìwǎ
apporter
des briques et poser des tuiles
34
扑腾
pūteng s’agiter, se débattre
35
哆嗦
duōsuō
trembler
36
捉鬼游戏
zhuōguǐ yóuxi
jeu « attraper un
fantôme » (un spectre)
37
不觉
bùjué
sans le vouloir, malgré soi
38
鬼火
guǐhuǒ appellation populaire pour
磷火línhuǒ
feu follet
39
颠倒
diāndǎo mettre à l’envers, sens dessus dessous, renverser
40
困
kùn
ici : avoir sommeil
41
砍柴
kǎnchái couper du bois
42
有限的yǒuxiànde
limité
43
超水平发挥chāoshuǐpíng fāhuī
faire mieux qu’à l’habitude, que la moyenne
44
让词达意
ràngcídáyì
trouver ses mots, arriver à s’exprimer
45
搁在
gē zài
poser, placer sur
膝盖xīgài
genou
46
排列
páiliè
ranger, disposer 樟树zhāngshù
camphrier
悉卒xīzú
onomatopée
47
住户
zhùhù
résident local
被吵醒bèichǎoxǐng
réveillé
par le bruit
48跺脚
duòjiǎo
taper du pied, trépigner
49
收声
shōushēng
litt. : arrêter le bruit (收shōu
= ranger
quand on a terminé + terminer)
50
忍住
rěnzhù
supporter / retenir ses
larmes
51五脏六腑
wǔzàngliùfǔ
les organes internes
51
悲痛欲绝
bēitòngyùjué
avoir envie de pleurer toutes les larmes de son corps (暗自悲伤)
52
卟卟
bǔbǔ
onomatopée
53
没良心
méiliángxin
qui n’a pas de
conscience = sans cœur, ingrat
坏蛋
huàidàn
crapule, salaud..
54
嘟噜
dūlu
ici = 嘟囔dūnang :
嘴里嘟噜zuǐlǐ
dūlu
marmonner dans sa barbe
55
交叉
jiāochā
(se)
croiser
56
享福
xiǎngfú
profiter de la vie, se la couler douce
57
搓眼
cuōyǎn
se frotter
les yeux
Traduction (3) :
Le patron Cai était
assez gros, son cou avait disparu dans la graisse, et son ventre
le précédait de loin. Des hommes de ce genre, Shunzi n’en avait
encore pratiquement jamais vu ; tous les hommes qu’elle avait
vus jusque là étaient tous plus ou moins comme son père,
maigres, la peau brûlée par le soleil, avec, sous la peau, un
tas d’os qui dessinaient des creux et des bosses ; en outre, les
parties proéminentes de leurs corps n’étaient pas du tout les
mêmes que chez le patron Cai : chez eux, c’était le dos qui
était courbé, tandis que le ventre, au contraire, avait la forme
de la corde d’un arc bien tendue. Il était impossible de savoir
l’âge que pouvait bien avoir le patron Cai, mais il était
certainement plus âgé que Fang ; celle-ci, par moments, se
mettait à minauder, et, appuyée sur lui, l’appelait frère par
ci, frère par là. Et lui, en réponse, tendait la main pour lui
tapoter le derrière.
Salon de coiffure |
|
Il aimait bien tapoter
les derrières, ceux d’Ahua et d’Aling en particulier. Sa main
donnait l’impression d’un interrupteur de haute précision : dès
qu’elle établissait le contact avec les trois derrières bien
ronds, cela déclenchait aussitôt une cascade d’immenses éclats
de rires. Au début, Shunzi ne comprenait pas ce que cela pouvait
bien avoir de si drôle, le derrière n’est quand même pas un
endroit chatouilleux. Elle essaya, une fois, de se passer la
main dans le dos, et de se grattouiller avec les cinq doigts, à
travers le tissu de sa jupe et de sa |
culotte ; cela lui fit
l’effet de pattes d’insecte, ce n’était pas drôle du tout, et,
en plus, pas très agréable.
Au début, le patron Cai
ne touchait pas le derrière de Shunzi, on eût dit que quelqu’un
l’avait interdit, et les autres clients ne la touchaient pas non
plus. Mais il s’était produit un léger changement, ces derniers
temps ; alors que Shunzi était en train de masser le cuir
chevelu du patron Cai, elle avait ressenti inopinément comme un
pincement à un endroit précis de la jambe, mais c’était passé
très vite ; c’était comme si elle avait heurté par inadvertance
une prise électrique, et qu’elle avait reçu à cet endroit de la
jambe une décharge, qui s’était ensuite propagée le long de ses
artères comme un courant glacial, faisant se dresser
uniformément tous les poils de son corps, comme ces forêts si
épaisses qu’on ne peut même pas y apercevoir le ciel. Le patron
Cai avait l’attitude furtive d’un crabe, mais un crabe qui
aurait eu les yeux fermés, tout au plaisir de savourer son
massage. Shunzi observait dans le miroir ce visage calme, comme
si de rien n’était, à deux doigts d’être convaincue qu’elle
s’était trompée, lorsque le patron Cai avança le pouce et
l’index pour la pincer à nouveau.
Fang, depuis le début,
avait tout vu. Elle fit mine de le prendre en riant, mais, si
elle était tout sourire envers le patron Cai, ce n’était pas le
cas pour Shunzi. Celle-ci en eut un mauvais pressentiment, bien
sûr très vague, juste l’idée qu’elle devrait s’esquiver sans
attendre que l’autre s’en prît à elle. Ahua ou Aling, dans le
même cas, n’aurait certainement pas attendu là, sans réagir, que
l’adversaire ait bien préparé son filet et affilé sa lame…
Fang, accueillant un
nouveau venu, le présenta en disant : il s’appelle Huige.
Il était de petite
taille, comme s’il n’avait pas terminé sa croissance, un peu
comme Shunzi. Mais son visage n’était pas du tout pareil : celui
de Shunzi était lisse et brillant comme une pomme parfumée dont
il exhalait le même arôme ; celui de Huige, en revanche, émaillé
de fines ridules, dégageait une odeur âcre, et était d’une pâleur si blême
qu’on avait l’impression qu’il n’avait pas mangé depuis
plusieurs années.
Fang dit à Shunzi de
lui verser du thé. Puis de lui faire un shampoing. Et enfin de
l’accompagner en ville.
Comme pétrifiée par un
tour de magie, Shunzi resta plantée là sans bouger. L’air
mauvais, Fang la poussa ; Shunzi reprit ses sens, et, sans même
comprendre d’où lui en venait la force, lança en hurlant : non,
je n’irai pas !
A quoi Fang répliqua :
dans ce cas, ce n’est pas la peine de rester ici plus
longtemps !
Avant d’arriver à
Fuzhou, la Shunzi partie en train de son Minbei n’avait pas
encore d’idées très claires sur les rapports entre les sexes.
Pour elle, il s’agissait juste de deux espèces différentes,
point. La seule différence était que les hommes faisaient pipi
debout, les femmes accroupies. En fait, c’était comme le blé et
le riz, les semailles, la floraison, la montée en épis, rien
n’est pareil, aucun rapport. Dans la boutique de Fang,
cependant, elle avait découvert que si, il y a des rapports
entre le blé et le riz […]
[Sur ce, elle sort
en courant du salon de coiffure et, dans son désarroi, va
trouver Dezai sur son chantier. Quand il sort, il n’est pas
particulièrement content de la voir ; comme il la rabroue, elle
s’effondre en pleurs, ce qui l’agace et l’embarrasse encore
plus : il la plante là et elle rentre seule, la mort dans l’âme]
Ahua et Aling étaient
allées accompagner un client et n’étaient pas rentrées, Fang
avait fermé la porte et il était impossible de savoir s’il y
avait quelqu’un dans l’appartement ou non. En passant devant
l’alcôve sous l’escalier, Shunzi fit exprès de faire beaucoup de
bruit en marchant : aucune reconnaissance, ce Dezai ! un vrai
salaud ! marmonna-t-elle dans sa barbe, continuant à le maudire
jusqu’en haut de l’escalier ; mais, une fois couchée, elle
l’oublia complètement ; il lui suffit de fermer les yeux pour
que le sommeil vînt obscurcir ses souvenirs de la journée.
Le lendemain, c’est
Fang qui la réveilla en sursaut : adossée au chambranle de la
porte, les bras croisés sur la poitrine, elle la regardait d’un
œil torve. Dehors, il faisait déjà grand jour, et les rayons du
soleil filtrant à travers la fenêtre illuminaient toute la
pièce. Se frottant les yeux, Shunzi jeta un coup d’œil au réveil
sur la table de nuit : il était déjà onze heures ; se dressant
aussitôt, elle sauta du lit. Tu te la coules vraiment douce !
lui dit Fang.
Continuant à se frotter
les yeux, Shunzi remarqua que les lits d’Ahua et Aling n’étaient
pas défaits, elles étaient sorties la veille au soir et
n’étaient pas rentrées, la veille au soir……
Shunzi retrouva
quelque peu ses esprits, et, tournant les talons, commença à
ranger ses affaires. Tu fais quoi ? demanda Fang. Tu ne m’as pas
dit que tu ne voulais plus de moi ? répondit Shunzi.
Fang approcha
lentement, avec un sourire mauvais. Maintenant il n’est plus
question que tu partes, dit-elle, tu restes.
Et pourquoi ? demanda
Shunzi, en la regardant sans comprendre.
Si je te dis de rester,
tu restes, c’est tout ! vociféra Fang.
四
顺子后来知道是蔡老板不让她走的,蔡老板听说芳姐要赶人,一大早就给芳姐打电话,接着又到店里,没看到顺子,脸都黑了。芳姐反复解释,低声细气的好像蔡老板才是这个店的老板。阿玲说,看来这回老母猪要栽1在小母猪手上了。顺子没听明白,就问:你说什么呀?阿玲拍拍顺子的头,说,傻子还真有傻福嘛2。
阿华好像想帮顺子,就劝阿玲说,你别涮她了3,她确实还小。
阿玲哼了一声:还小?我这么大时早就上路了。
阿华说,你是天才,有什么办法呢?爹妈给的。
俩人大笑起来,很开心。顺子呆呆地看着她们,她反正不开心。不过也有开心的,那就是德仔。德仔现在碰到她,就跟换了个人似的。他说,顺子,对不起,那天晚上我把你一个人丢下,太不像话了4。顺子早忘了那天晚上的事,她被德仔弄得有点受宠若惊5,连连摇着头,脸上笑得跟捡到万两黄金似的6。德仔和顺子一样在生人面前很害羞7,但顺子在熟人面前也害羞,德仔却能够从容自如8,甚至还很深沉老练8,这一点就让顺子挺佩服的。晚上下班经过大排档9,油炸海蛎饼10的香味让顺子直流口水,顺子花五角钱11买了块,端在手上又不吃了,带回去,放到楼梯间里;或者自己袜子穿得破个洞,到夜市去挑来挑去找便宜的,结果却挑了两双男袜回来,也放到楼梯间去了。
德仔说,这要多少钱?我把钱还给你吧。顺子说,不要不要,没几个钱的,不要算了。德仔也就不勉强,把蛎饼吃掉,把袜子穿起,顺子看了,比自己穿了还高兴。
德仔挺恨蔡老板的,这一点顺子看出来了,德仔一说起蔡老板,眼珠子都要咣当咣当12掉出来了。顺子说,蔡老板给你工做给你钱挣,你干嘛气他呢?
德仔说,这个人心真他妈的黑,把我们当狗一样使唤,工钱却一直拖着不给。
顺子觉得奇怪,德仔讲的这个蔡老板好像不是她认识的那个蔡老板,一个人怎么会这样那样地不一样呢?不过想来想去她还是更相信德仔,德仔不会说假话的。那你再找其他的工做吧。顺子帮德仔出主意13。德仔叹口气,说,现在工多难找,到处都是闲人,能找到其他的活我早就走了。顺子也跟着叹口气,想想自己,她觉得自己真的比德仔幸运,她都要走了,又被芳姐留住了,这一点她一直非常感谢蔡老板,蔡老板对她比对德仔好,所以她跟德仔不同,她不恨蔡老板。
蔡老板其实跟辉哥很熟,辉哥也是做生意的,蔡老板说自己赚的是硬钱,辉哥赚的是软钱14。辉哥开了家信息咨询公司14,专门给介绍到国外工作的,他赚介绍费,这就是蔡老板说的软钱。以前辉哥的公司开在外地,前不久才搬到福州,就在蔡老板的工地附近,俩人很快就熟了,互相请来请去的喝酒,成了朋友。
现在辉哥也常来店里,就是不洗头,也爱来坐坐,滔滔不绝地16说着天南地北听来的趣事,还有很多黄段子17,让芳姐挺高兴的。芳姐说,哗,多亏18有辉哥这样的人,天下才不闷了。
辉哥就接上话说,芳姐你不会看上我吧19?
芳姐推推他,说,我这样的老太婆怎么敢有非份之想呢20?
辉哥靠上去,搂住芳姐的腰说,我有非份之想还不行吗?
你非份之想的是顺子吧。芳姐说,你看芳姐我多疼你,把个童子鸡留给你,可惜你没福享受。
辉哥瞥一眼顺子,稍稍有些不自在。芳姐是想让我把这只童子鸡破了,免得蔡老板没心没事的老是流口水吧。这句话辉哥说得飞快,他说得太快了,收都来不及收。话出口后,一屋子人都愣愣地看过来,芳姐的脸本来还像花一样摇摆着21,这会儿一下子就阴得要下大雨了。辉哥也知趣22,拍拍屁股,说,我走了。不过第二天他又来了,没事儿一样仍然说黄段子,芳姐也不记仇23,嘻嘻嘻地笑了一场又一场。不过,再怎么样,辉哥都不如蔡老板人缘好24,阿华与阿玲都跟辉哥做过生意,这生意当然是指在床上。过后阿华老说没劲没劲25,阿玲却骂这人王八蛋25,钱抠得就跟便秘一样26困难。
其实辉哥的钱看上去并不会比蔡老板挣得少,但辉哥钱花得却很大,花在哪里,不知道。有时到了吃饭时间,他还在店里赖着27不走,明显想蹭一顿饭吃28,芳姐哪里肯吃这个亏29,打情骂俏30着硬是把他赶走了。如果蔡老板也在场,芳姐便不赶他,多熬些汤31,叫顺子到街上多买两块馒头就是了。但蔡老板拦住顺子,说不要去了,我请客,到饭店里吃吧。阿华阿玲高兴起来,拍着手掌说蔡老板万岁万万岁。
蔡老板爱喝酒,他的酒量非常大,喝多少瓶都无动于衷32,辉哥却不行,几杯下肚后脸就红得像西红柿。蔡老板问他,喂,你公司最近这批去新加坡33的工人招得怎样了?辉哥摆摆手,说,太多人报名了,快把我公司大门挤破了。一个月五百坡币哩,等于我们这里三千元钱,还能没人去?
芳姐端起酒杯敬34辉哥,她说,辉哥啊,什么时候把我也介绍出国吧,我也去吹吹洋风35。
辉哥说,那怎么行呢,芳姐你走了,中国男人寂寞了36怎么办?蔡老板寂寞了怎么办?蔡老板一听,哈哈大笑,一桌的人跟着也笑了。顺子心突然一动,她小心翼翼地37问道:到新加坡去需要什么条件?
辉哥挥挥手说,还要什么条件?猪仔运到南洋去38,没病没灾有力气还能缴得起一万元订金39就行了。
顺子问德仔,你有一万元钱吗?
德仔说,没有。想了想,觉得奇怪,又问:你干嘛问钱?
顺子就说起辉哥,说起新加坡,说起五百坡币。德仔眉头皱起40,盯着顺子直看,他有点不相信顺子。顺子脸红起来,好像自己要抢走德仔钱似的浑身不自在。她说,我只是想帮你,出了国应该会比在福州多赚钱吧,辉哥说一个月能挣三千块钱哇。
德仔嗯了一声41,没再说什么,就去工地了。
过了两天,德仔到店外招招手,把顺子叫出去。德仔说,新加坡我想去,你找辉哥说说,帮个忙吧。顺子唯恐42德仔会后悔似的连连点头,原来自己果真43还是有用的啊,她很高兴。你有一万块钱吗?她还有点放心不下。德仔说,你先去说说看吧,反正只要能走得成,我肯定拿出一万块钱来就是了。
[顺子就去找辉哥,她第一次去辉哥公司,一路上心跳得咚咚响,手脚冰得不听使唤44。公司这两个字,读起来都让她冒汗,更何况45还要走进去,在人山人海46中找到辉哥,对他说能不能照顾一下47,给德仔一个名额。辉哥会不会同意呢?会,不会,不会,会,她心里反复估算着答案48,一会儿是这样,一会儿又是那样。不过她还没走到辉哥的公司,就在路上碰到辉哥了,辉哥说,顺子,这么巧49,我正要到店里去哩。
顺子就转了身,与辉哥一道向店走去。辉哥兴致很高,朗声50说着什么,他的话带着热气呼呼从顺子耳边飞过,既没有停顿,也没有拐弯51,顺子反正一个字都没有听清,她心里一个劲地怂恿自己52:说吧说吧说吧。最后,一直到店门口,顺子才终于说出德仔的名字,请辉哥让德仔去新加坡。芳姐耳朵尖,从里头叫出来:哦,我们顺子学雷锋做好事了53。
辉哥一脚跨进店内,在椅子上叉开四肢坐下54。顺子,他说,你不会是当真的吧?
顺子说,我是当真的,是真的,德仔是我的老乡,我在福州就认识他一个老乡,你就帮帮他吧,就当是帮帮我。
芳姐说,辉哥为什么要帮你呢?你还不买人家的帐哩55。
顺子低下头,拎起一个衣角左右绞着56。阿玲说,顺子不会是爱上德仔了吧?
顺子眼睛湿漉漉的57,她说,我还这么小,我我我怎么爱啊?
这么小?阿玲说,在你们山区这种年龄都可以生孩子了。
辉哥看看顺子,见她眼泪已经下来了,就说,看来顺子心肠很好啊。这样吧顺子,你先给我捶捶背58,捶好了我就答应你,不过一万元订金可是一分都不能少的噢。
顺子马上破涕为笑59,她一边给辉哥捶着,一边问:这样好吗?好吗?辉哥暖洋洋地应着:很好很好,顺子你真好啊。]
几天后顺子和德仔一起到辉哥的公司,一万元钱德仔用报纸包了一层又一层,厚厚的像个砖块似的垒60在内衣口袋里。辉哥的公司没有顺子想的那么可怕,就两三个人,也不在。德仔说公司有大有小,..
大小反正都是公司,能去新加坡就行。我去问了,别人说这样可以去得成。顺子点点头,松了口气。辉哥的公司没那么气派61,她本来还担心德仔失望...。现在既然德仔不介意62,她当然就放心了。
辉哥一张张点好钱,然后说,出国手续63很麻烦的,需要办一些时间,你安心等着吧。到时我通知你。
顺子抢着回答64:好好好,谢谢谢谢。
顺子脸上红扑扑的,她不断看着德仔。德仔长得真高,顺子必须整个脑袋都仰起来才能看到他的头顶。德仔挺高兴的,这个顺子看到了,德仔还很感激顺子,这个顺子也看到了。顺子没想到自己还挺厉害的,居然帮了德仔的忙。
Vocabulaire (4) :
01
栽
zāi
ici :
tomber (à pic, droit)
02
傻子有傻福
shǎzi yǒu shǎfú
aux innocents les mains pleines
03
涮 shuàn rincer/tremper dans l’eau bouillante, faire bouillir –
d’où : faire marcher, duper
04
不像话
búxiànghuà
très choquant, scandaleux
05
受宠若惊shòuchǒng
ruòjīng
(formule litt.) être surpris et flatté d’être l’objet
d’attentions, de faveurs
06
捡到
jiǎndào
trouver (par terre)
万两黄金wànliǎng
huángjīn
dix mille liang d’or (1 liang = 50 g),
environ vingt mille onces d’or (1 once d’or = 28 g), mais c’est
imagé : une fortune, une mine d’or, etc…
07
害羞
hàixiū
timide, apeuré, effarouché
08
从容自如cōngróng
zìrú
calme et maître de lui-même
深沉老练
shēnchén
lǎoliàn très
expérimenté
09
大排档
dàpáidàng
longue rangée d’étals
10
油炸海蛎饼yóuzhá
hǎilìbǐng
crèpes (frites) aux huîtres (spécialité du Fujian, Xiamen, etc…)
http://www.dianping.com/shop/3197683/photos
11
五角钱
wǔjiǎoqián
cinquante centimes (fen) de yuan
(10分为1角)
12
咣当
guāngdāng
onomatopée (bruit de quelque chose qu’on frappe, qu’on heurte…)
13
出主意
chūzhǔyi
faire des suggestions pour essayer de trouver une solution
14
硬/软
yìng/ruǎn
dur/mou (opposition sur le modèle de
硬件/软件yìngjiàn/ruǎnjiàn
hardware/software)
15
信息咨询
xìnxī zīxún
information et
conseil
16
滔滔不绝
tāotāobùjué
parler sans arrêt, en
un flot /intarissable
17
趣事 qùshì anecdote, histoire amusante 黄段子huángduànzi
blagues salaces, plaisanteries obscènes
18
多亏 duōkuī
avoir de la
chance de …
19
看上kànshàng
trouver à son goût, jeter son dévolu sur
20
非份之想
fēifenzhīxiǎng
convoiter ce qui ne vous appartient pas
21
摇摆
yáobǎi
osciller, se balancer
22
知趣
zhīqù
se comporter avec tact
23
不记仇bújìchóu
oublier et pardonner, ne pas garder de rancune
24
人缘rényuán
popularité (rapports avec les gens)
25
没劲
méijìn
aucun intérêt, pas drôle
骂这人王八蛋mà
wángbādàn
traiter de gredin, de salaud
26
抠
kōu ici : avare, pingre
便秘biànmì
constipé
27
赖
lài
ici :
rester
28
蹭饭吃
cèngfànchī
s’inviter (à un repas)
29
吃亏 chīkuī
subir une perte, un dommage, des conséquences fâcheuses, avoir le
dessous
30
打情骂俏
dǎqíngmàqiào flirter et coqueter
31
熬
āo
faire bouillir / áo faire mijoter
32
无动于衷wúdòngyúzhōng
rester
totalement indifférent, impassible, ne pas s’émouvoir
33
新加坡
Xīnjiāpō
Singapour
招zhāo
recruter
34 敬一杯
jìng yìbēi
offrir un toast
35
去吹洋风qù
chuīyángfēng
aller respirer le vent du large = aller à l’étranger, émigrer
36
寂寞
jìmò
être seul, solitaire
37
小心翼翼xiǎoxīnyìyì
très prudemment, avec beaucoup de précaution
38
猪仔zhūzǎi
homme
parti travailler comme coolie à l’étranger
南洋
nányáng
Asie du Sud-Est
39
缴得起
jiǎodeqǐ
capable de payer… 订金dìngjīn
dépôt
40
眉头皱
zhòu méitou
froncer les sourcils
41
嗯
ńg
hum..
(exprime ici le doute)
42
唯恐
wéikǒnɡ
de peur que
43
果真
guǒzhēn
réellement,
effectivement
44
不听使唤
bùtīng shǐhuan ne
pas obéir aux ordres
45
更何况
gēng hékuàng
d’autant plus que,
et à plus forte raison
46
人山人海rénshānrénhǎi
flot humain, marée humaine
47
照顾
zhàogù
accorder une attention spéciale, un
traitement de faveur
48
估算
gūsuàn
estimer, essayer de deviner
答案
dá’àn
réponse
49 这么巧
zhèmè qiǎo
quelle
coïncidence, quel (heureux) hasard
50 朗声
lǎngshēng
à voix forte
51
停顿
tíngdùn faire une pause
拐弯guǎiwān
faire un
détour / changer de sujet
52
一个劲地 yígejìnde
ne pas cesser de (不停地)
怂恿sǒngyǒng
inciter, encourager, pousser à
53
学雷锋,做好事
xué Léi Fēng,
zuò
hǎoshì se
mettre à l’école de Lei Feng pour faire de bonnes actions
Note : Lei Feng est un
héros de la légende maoïste, né en 1940 dans une famille de
paysans pauvres du Hunan tués pendant la guerre civile, le
laissant orphelin à l’âge de sept ans ; il est élevé dans
l’armée, devient travailleur modèle de l'aciérie d'Anshan en
Mandchourie, et meurt accidentellement à 22 ans, en 1962,
laissant un journal intime où sont consignées ses bonnes actions
entrecoupées de citations du président Mao. La campagne qui en
fit un héros modèle commença dès 1963, alors que la Chine se
relevait péniblement des années du Grand Bond en avant.
54 叉开四肢(坐下)
chǎkāi
sìzhī (zuòxià)
(s’asseoir) en écartant les bras et les jambes =
s’affaler sur un siège
55
不买人家的帐 bù mǎi
rénjiāde zhàng
ne pas être supérieur,
ne rien avoir d’extraordinaire (qui suscite ou mérite le
respect)
56
拎起
līnqǐ
soulever 衣角yījiǎo
coin
inférieur de la bordure d’un pan de vêtement
绞yǎo
mordiller
Note :
绞着衣角 est une
expression traditionnelle pour indiquer la détresse d’une femme
injustement attaquée
57
湿漉漉
shīlùlù
humide
58
捶背
chuíbēi frapper, marteler le dos = technique de massage
59
破涕为笑
pòtìwéixiào
cesser de pleurer pour
se mettre à sourire
60
砖块的垒
zhuānkuàide lěi
rempart de briques
61
气派
qìpài
impressionnant
62
不介意
bú jièyì
ne pas attacher d’importance à, ne pas prêter attention à
63
手续
shǒuxù
procédures
64
抢着
qiǎngzhe
se disputer, se presser pour / faire quelque chose d’urgence
Traduction (4)
Shunzi apprit par la
suite que c’était le patron Cai qui était intervenu pour elle :
il avait entendu dire que Fang voulait limoger quelqu’un, alors
il avait téléphoné très tôt à Fang, et était ensuite venu à la
boutique ; ne voyant pas Shunzi, son visage s’était assombri.
Fang s’expliqua à nouveau, d’une voix tenue, à peine audible,
qui donnait l’impression que c’était Cai le vrai patron de la
boutique. On dirait, dit Aling, que la vieille mère cane est
tombée sous la coupe de la jeune oiselle. N’y comprenant
rien, Shunzi demanda :
qu’est-ce que tu dis ?
Aling lui tapota la tête et lui dit : vraiment, aux innocents
les mains pleines.
Ahua sembla vouloir
venir en aide à Shunzi : arrête de la faire marcher, dit à
Aling, c’est encore un bébé.
Aling s’étouffa :
quoi ? moi, à son âge, je faisais déjà des passes.
C’est que tu as un don
inné pour ça, dit Ahua, qu’est-ce que tu veux, tu as ça dans le
sang.
Elles éclatèrent de
rire. Shunzi, elle, les regardait sans trouver cela drôle du
tout.
Celui qui s’était
déridé, lui aussi, c’était Dezai. Rencontrant inopinément
Shunzi, il lui parut transformé : Shunzi, dit-il, excuse-moi de
t’avoir laissé tomber, l’autre soir, je me suis conduit comme un
mufle. Shunzi avait oublié depuis longtemps cette histoire,
mais, flattée de cette attention, hocha longuement la tête, en
rougissant comme si elle avait soudain découvert une mine d’or à
ses pieds. L’un et l’autre étaient extrêmement timides en
présence d’inconnus, mais Shunzi l’était aussi en présence de
gens qu’elle connaissait bien, alors que Dezai était capable de
se montrer parfaitement maître de lui, et même très habile ;
elle l’admirait énormément pour cela. Un soir, en sortant du
travail, et passant devant une rangée d’étals où l’odeur de
crêpes aux huîtres lui mettait l’eau à la bouche, elle en acheta
une, pour cinquante centimes, la rapporta dans le creux de la
main sans la manger, et la posa dans l’alcôve sous l’escalier ;
comme ses chaussettes étaient trouées, elle alla ensuite au
marché de nuit en acheter, mais, au bout du compte, jeta son
dévolu sur deux paires de chaussettes d’homme, qu’elle déposa
aussi dans l’alcôve.
Dezai lui demanda
combien cela lui avait coûté : je te le rendrai, dit-il. Non,
pas la peine, dit Shunzi, ce n’est vraiment rien.
Dezai n’insista pas, mangea la crêpe et mit les chaussettes, ce
qui rendit Shunzi bien plus heureuse que si c’était elle qui les
avait eues aux pieds.
Dezai détestait son
patron, Shunzi s’en était rendu compte car, dès qu’il en
parlait, elle avait l’impression que ses yeux allaient ploc !
lui sortir des orbites. Il te donne du boulot, lui dit-t-elle,
il te paie, pourquoi t’es en colère contre lui ?
Ce type est une merde,
dit Dezai, il nous traite comme des chiens, on n’arrive même pas
à se faire payer.
Shunzi trouva cela
étonnant : le patron que décrivait Dezai ne ressemblait pas à
celui qu’elle connaissait, comment le même homme pouvait-il
apparaître sous des jours aussi différents ? En y réfléchissant,
cependant, elle se dit que c’était Dezai qui devait avoir
raison, il ne pouvait pas inventer ce qu’il disait. Dans ce cas,
lui suggéra-t-elle, tu devrais chercher un autre emploi. Dezai
soupira : maintenant, dit-il, ce n’est pas facile d’en trouver,
il y a des chômeurs partout, si je pouvais trouver un autre
boulot, ça fait longtemps que j’aurais essayé. Shunzi soupira à
son tour, pensant qu’elle avait vraiment de la chance, en
comparaison ; elle avait voulu quitter son travail, et Fang
l’avait retenue ; elle en était infiniment reconnaissante au
patron Cai, il était bien plus sympa avec elle qu’avec Dezai, et
elle ne pouvait donc être d’accord avec lui, elle n’avait pas de
raison de le détester.
Le patron Cai, en fait,
connaissait bien Huige ; celui-ci faisait aussi des affaires,
mais Cai disait que son business à lui était du hardware alors
que celui de Huige était du software. Huige avait créé une
société d’information et de
conseil, spécialisée dans la recherche d’emplois à l’étranger ;
comme il vivait des commissions versées, Cai disait que c’était
du software. Huige avait une société à l’étranger, auparavant,
et s’était installé à Fuzhou depuis peu, non loin du chantier de
Cai ; les deux hommes avaient donc vite fait connaissance, et, à
force de s’inviter à prendre un verre, étaient devenus amis.
Maintenant, Huige était
devenu un client régulier de la boutique, et pas seulement pour
se faire laver les cheveux, il aimait aussi rester à bavarder
sans fin, en racontant toutes sortes d’histoires drôles, y
compris des blagues salaces, à la plus grande joie de Fang. Ah !
dit-elle, on a de la veine d’avoir un type comme Huige, ça égaye
l’atmosphère.
A quoi il répondit du
tac au tac : tu ne serais pas en train de me faire des avances ?
Comment une vieille
peau comme moi pourrait-elle avoir de telles prétentions ? se
défendit Fang,.
S’approchant et lui
enlaçant la taille, l’autre lui dit alors : et moi, je peux
avoir de telles prétentions ?
Celle à qui tu
prétends, c’est Shunzi, dit Fang ; pour te montrer combien je
t’adore, je te laisse ce poussin, tant pis pour toi si tu ne
sais pas profiter de l’aubaine.
Huige lorgna vers
Shunzi, un tantinet mal à l’aise. Fang préfère que ce soit moi
qui m’occupe de ce poussin pour éviter de voir saliver Cai,
lança Huige tout à trac, mais un peu trop vite, sans réfléchir.
Ses paroles jetèrent un froid autour de lui, Le visage de Fang
frémit comme une fleur à l’arrivée soudaine de nuages annonçant
une averse. Huige détourna la conversation, tapota quelques
derrières, et dit : bon, faut que j’y aille.
A son retour, le
lendemain, il raconta ses blagues comme si de rien n’était, et
Fang, de son côté, riant à qui mieux mieux, semblait avoir passé
l’éponge. Huige, cependant, n’avait pas la popularité du patron
Cai ; Ahua et Aling étaient bien sorties avec lui, et cela avait
évidemment fini au lit. Après cela, Ahua dit qu’il n’était pas drôle, mais
Aling, elle, le traita de tous les noms, un vrai grippe-sou,
dit-elle, qui a du mal à sortir le fric pire que s’il était
constipé.
Il semblait bien ne pas
en gagner moins que le patron Cai, mais en dépenser bien plus,
comment, nul ne le savait. Parfois, à l’heure du déjeuner, il
s’éternisait dans la boutique dans l’espoir de se faire inviter,
mais c’était bien mal
connaître Fang, elle n’était pas du genre à se faire gruger ;
doucement mais fermement, elle l’envoyait ad patres. Si, en
revanche, c’était le patron Cai qui s’incrustait, c’était
différent : elle faisait juste chauffer un peu plus de soupe et
envoyait Shunzi acheter deux petits pains de plus. Le patron
Cai, cependant, arrêtait Shunzi et invitait tout le monde au
restaurant. Ahua et Aling, ravies, l’applaudissaient en criant :
vive le patron Cai, vive le patron Cai !
Il aimait bien boire et
il tenait bien l’alcool, il pouvait boire autant qu’il voulait,
cela ne l’affectait pas ; Huige, en revanche, le supportait
mal : après quelques verres, il était rouge comme une tomate. Le
patron Cai lui demanda : dis, tous ces gens à qui tu devais
trouver du travail à Singapour, récemment, comment ça marche ?
Huige secoua la tête : il y en avait tellement qui étaient venus
s’inscrire, j’ai cru qu’ils allaient défoncer ma porte. Le
salaire mensuel, là-bas, est de cinq cents dollars
singapouriens, c’est l’équivalent de trois mille yuans ici,
alors qui n’aurait pas envie d’y aller ?
Levant son verre pour
trinquer à sa santé, Fang lui dit : dis-moi, quand est-ce que tu
me trouves quelque chose à l’étranger, j’aimerais bien changer
d’air, moi aussi.
Impossible, dit Huige,
sans toi, Fang, la gent masculine, en Chine, serait réduite à
une solitude sans issue, Cai le premier. A ces mots, tout le
monde, à la table, éclata de rire. Shunzi eut soudain une idée,
et demanda timidement : c’est dans quelles conditions qu’on peut
aller à Singapour ?
Huige répondit gestes à
l’appui : quelles conditions ? Pour partir travailler à
l’étranger, il faut être en bonne forme, avoir de l’énergie à
revendre, et payer un dépôt de dix mille yuans.
Shunzi demanda par la
suite à Dezai : tu as dix mille yuans ?
Non, répondit-il. Puis,
en y pensant, trouvant la question bizarre, il demanda à son
tour : et pourquoi tu me demandes ça ?
Shunzi lui parla alors
de Huige, de Singapour, des cinq cents dollars singapouriens.
Dezai fronça les sourcils et regarda Shunzi droit dans les yeux,
d’un air quelque peu méfiant. Shunzi rougit, d’un air
embarrassé, comme si elle avait voulu lui extorquer de l’argent.
Je veux juste t’aider, dit-elle, en partant à l’étranger tu
pourras gagner bien plus d’argent qu’à Fuzhou, Huige a dit qu’on
pouvait gagner trois mille yuans par mois.
Dezai émit un
borborygme et, sans ajouter un mot, partit travailler.
Deux jours plus tard,
il vint se planter devant la boutique en faisant de grand signes
pour appeler Shunzi. Il lui annonça qu’il avait décidé d’aller à
Singapour : si tu veux m’aider, va discuter avec Huige, lui
dit-t-il. Ravie de voir qu’elle pouvait lui être utile, Shunzi
opina plusieurs fois de la tête, comme craignant qu’il ne revînt
sur sa décision. Mais elle n’était pas tout à fait rassurée : tu
as les dix mille yuans ? Dezai lui dit d’aller d’abord
discuter, pour voir, s’il pouvait partir, il était sûr de réunir
l’argent.
[Shunzi rencontre
Huige alors qu’elle va le voir et ils reviennent ensemble au
salon de coiffure ; elle demande alors à Huige d’aider Dezai à
partir, ce qui ne manque pas d’attirer les railleries des
autres. Finalement l’affaire est conclue comme une faveur
accordée à Dezai, donnant par là même « de la face » à Shunzi.]
Quelques jours plus
tard, Shunzi et Dezai se rendirent ensemble au bureau de Huige ;
Dezai avait soigneusement enveloppé les dix mille yuans dans du
papier journal et fourré l’épais paquet dans sa poche intérieure
où la bosse qu’il formait lui faisait comme un rempart de
brique. L’entreprise de Huige n’était pas aussi impressionnante
que l’avait imaginé Shunzi, il y avait à peine deux ou trois
personnes. Dezai dit qu’une entreprise, quelle que soit sa
taille, c’était toujours une entreprise, et si elle donnait les
moyens d’aller à Singapour, très bien. Il s’était renseigné, et
on lui avait dit qu’on pouvait par ce moyen réussir à partir.
Shunzi hocha la tête et soupira. L’entreprise de Huige en
imposait tellement peu qu’elle craignait que Dezai fût déçu….
Mais, quand elle vit qu’il n’y attachait aucune importance, elle
se sentit rassérénée.
Après avoir compté les
billets un à un, Huige leur dit que les formalités de sortie du
territoire étaient assez complexes, que cela prenait du temps,
qu’il leur fallait attendre patiemment et qu’il les préviendrait
en temps utile.
Shunzi se répandit
aussitôt en remerciements : très bien très bien très bien, merci
merci merci.
Ecarlate, elle ne
quittait pas Dezai des yeux. Comme il était très grand, il lui
fallait se tordre la tête pour apercevoir le sommet de son
crâne. Elle vit qu’il était ravi, et nota aussi qu’il la
remerciait profusément. Elle n’aurait jamais cru pouvoir faire
quelque chose d’aussi formidable, et donner un tel coup de main
à Dezai.
五
阿玲出了点事,她怀孕了,到医院做人流时,医生发现她得了尖锐湿疣1。这些都是阿华告诉顺子的,顺子很好奇,问什么叫尖锐湿疣。阿华说性病,不是什么好东西,你这么惊喜的样子,以为阿玲中彩票了吗2?
阿华又说,以后小心点,短裤不要和她放在一起洗。
顺子觉得阿华在关心自己,挺感动的。她弄不懂短裤怎么回事,也不敢再问,只管老实点点头。看阿华说话的口气那么恐怖,顺子以为阿玲一定变得挺可怕了,回头见了阿玲,却发现她没有任何变化,照样3有说有笑的。顺子说,阿玲你不是病了吗?阿玲瞪她一眼,说,病了又怎样?病了老了还是一朵花。
但芳姐把阿玲辞退了,芳姐说别把客人都吓跑了。然后又吩咐4阿华和顺子,不要对外说。顺子忍了忍,没有忍住,德仔问她这两天怎么没有看到阿玲,她就说了实情。德仔脸变得煞白5,他说,你不会也有吧?这种病是会传染的6。
顺子说,真的吗?真的有那么可怕吗?我看阿玲一点事都没有哩。
德仔说,算了,我不跟你多说了,我要找工去。
一万元订金缴给辉哥后,德仔就炒了蔡老板的鱿鱼7。[...]但没有工做就没有收入,德仔欠了那么多钱,他不愿白白站在那里闲着,就每天到路边去,像鸟一样蹲在那里,等着需要小工的人来唤他。经常德仔在路边晒了一整天太阳也没人找上他,他垂头丧气地8回来,连饭也舍不得吃。顺子心里难过,在楼梯间外站了会儿,就出去买两块馒头回来给他。不要难过,顺子安慰着。德仔说,是不难过,反正就要去新加坡了,什么钱都挣得回来。顺子看到他衣服上粘着一块泥巴,伸过手要帮他拨掉,德仔却突然像被烫了一下,猛地跳开去。
怎么了?顺子问。
德仔说,别碰我。
顺子说,为什么这样?
德仔很不耐烦了:你走开走开走开。
那天晚上回到房间后,顺子去洗了个澡。卫生间里有镜子,脱掉衣服后顺子站在镜子前认真看着自己,看了很久。
蔡老板说,顺子真是越来越漂亮了。
蔡老板好几天没来店里,他的工地接近完工,忙着封顶,他怕关键时候出事,死死盯在那里。忙过了,才和辉哥一起来。芳姐倒了茶给他,蔡老板放在嘴角抿着9,眼睛看到顺子身上,他说顺子越来越漂亮了。
辉哥说,顺子你给蔡老板按摩按摩吧。
蔡老板说,就是,来吧,替我放松一下。
[顺子把椅子的靠背放下一点,两只手放到蔡老板的肩上,轻轻揉着。蔡老板说,不得了10,顺子进步很快啊,按摩的手法赶上芳姐了。顺子没吱声,她闻到酒气。酒装在瓶子里时闻起来很香,装到人的胃里再散发出来时,就臭得像泔水了11。她转到侧面,提起蔡老板的胳膊,一寸一寸地捏着,人也跟着往下移动。蔡老板突然坐起,一把将她揽到大腿上12,哈哈大笑。顺子叫道你干嘛干嘛!一滑溜,从蔡老板手中挣脱出来。辉哥过来,又把她往蔡老板身上推,辉哥说,你吃这碗饭了,还想装纯洁13,装什么装!
顺子往前一冲,反而把辉哥推个趔趄14。她歇斯底里地喊道15:干什么啊你们!]
芳姐火了,走过来给了顺子一巴掌。芳姐说,你以为你是谁啊?敢打我的客人。
顺子捂着脸,她已经哭出声了。本来她想应一句,她没打人,她只是推了辉哥一下,哪里打人了?但是两片嘴唇却仿佛被钢筋拴住了16,怎么也扯不动17。难道她不该推辉哥吗?她差点就咬他一口了18。
阿华说,你真是太傻了。
顺子噜着嘴,她还是不承认自己傻。但是第二天她开始后悔,她觉得辉哥其实对她也挺好的,没强迫她做什么,还给她面子介绍德仔去新加坡。顺子现在最担心的就是这个,辉哥介绍德仔去新加坡,是看在她的面上,她得罪了辉哥,辉哥会不会就不让德仔去新加坡了?
她跟德仔说,德仔,我会不会害了你啊?
德仔倒觉得问题没这么严重。辉哥收了钱,收了那么多钱,还能不办事?还能卷了钱逃走?看上去他还没那么坏嘛。德仔说。...
这一天是顺子的生日,顺子说,德仔,我过生日,请你吃饭吧。德仔说我请你吧,你帮了我。顺子说,还是我请吧,你没工钱,我有。德仔说那你请我吃什么呢?顺子说,沙县伴面19。
[...]
德仔突然想到什么,停了一下。他说,顺子,你真的没有性病吧?
顺子不笑了,但她没有生气,对德仔她生不起气,她老老实实地回答:我没有,真的没有,不信你问芳姐去。我不做生意的,我要是做了生意,以后回家怎么见人呢?
是吗?德仔半信半疑的。顺子觉得能够这样就不错了,德仔没有一定认为她就是鸡,德仔这个人还是很好的。
几天后阿华失踪了20 ,阿华失踪了顺子不急,急的是芳姐。
阿华是半夜走掉的,她跟蔡老板出去玩,结果就没有再回来。芳姐是看着蔡老板把阿华带出去的,她没拦,拦也白拦。当晚阿华没回来,芳姐也没合眼。第二天阿华还是没回来,芳姐过来翻翻阿华的行李,东西都在,东西都在才更可怕。
芳姐给蔡老板打手机,关机;又给阿华打传呼21,不回。阿华的传呼还是芳姐借给她的,她居然不回。芳姐在屋里走过来走过去,最后她不走了,打个的出去。回来时,脸上都是泪,衣服领口上的扣子也没了。顺子从来没看到芳姐流泪,芳姐每天都像一块铁板似的立在那里,谁会想到铁板也会湿漉漉成这样?阿华留下的东西现在成了芳姐出气筒22,她揪起这个撕烂,扯出那个扔出去23,一边骂着:婊子养的24!他妈的!妖精烂婆子25!
阿华被蔡老板包去了,芳姐气的就是这一点。
蔡老板在温泉支路26有一套房子,以前芳姐也去过一两回。芳姐很希望蔡老板说一句话,让她留下,长住那里27,但蔡老板不对芳姐说,却对阿华说了,阿华在芳姐眼皮底下不动声色地把蔡老板夺走28,顺子没想到阿华这么厉害。好东西被认识的人和不认识的人所得,感觉是不一样的。蔡老板如果包的是其他人,芳姐不见得29就一定这么不高兴,阿华是芳姐的手下,芳姐怎么都觉得自己高人一等30,芳姐不甘心的就是这点,这点甚至比失去蔡老板还更让她生气。顺子有些替芳姐难过,那天芳姐打了一巴掌,顺子其实也不舒服,在这之前,除了父母外,顺子想不起还有谁打过她,就是连父母也是不舍得31打她的,她砍柴就砍柴,放牛就放牛,让上学就上学,不让上学就不上学,然后又叫她到福州就到福州,她这样做女儿的,父母还怎么舍得打?父母都不打,却让别人打了。但顺子想想芳姐的好处,也就算了。芳姐少给她钱,骂了她,打了她,她还是觉得芳姐好,芳姐把她留在店里,单这一点就该感激不尽了。阿华对她也好,但阿华现在被蔡老板包走了,得了便宜32,不像芳姐,这么伤心的样子。
不过很快顺子就顾不得芳姐了,她比芳姐遇到的事不知要严重多少倍,因此她也比芳姐不知要伤心多少倍。
辉哥也失踪了,公司的门挂上锁,所有的人都不见了。
德仔把顺子从店里拖出来,上下牙齿都格格打颤着。你看你看你做的好事,那个辉哥逃走了,什么出国挣钱,他妈的是骗人的把戏!
顺子脑中白花花的一片33。她觉得德仔一定是疯了,所以弄出这么可怕的话来吓她。德仔却反过来说是她疯了,什么辉哥什么新加坡什么一个月三千元,你你你,把钱还给我!他的手指就锥子一样戳过来了34。
Vocabulaire (5) :
01
做人流
zuò
rénliú se faire avorter (人流 = abréviation pour
人工流产
avortement)
尖锐湿疣jiānruì
shīyóu
verrue génitale (vénérienne)
02
中彩票
zhòng
cǎipiào gagner à la lotterie, avoir le numéro gagnant
03
照样
zhàoyàng de la même manière, (comme) toujours
04
吩咐...不要
fēnfù…búyào
enjoindre de ne pas = interdire de
05
煞白
shàbái livide, pâle comme un mort (煞shà
= à l’origine une
divinité des enfers, un esprit mauvais, d’où le sens de
maléfique/mortel)
06
传染的
chuánrǎnde
contagieux
07
炒鱿鱼
chǎoyóuyú
se faire virer
08
垂头丧气chuítóusàngqì
la tête
basse, complètement abattu
09
抿
mǐn
entr’ouvrir (la bouche voir 2.29) / siroter, déguster en buvant à petits
coups
10不得了
bùdéliǎo
formidable, super !
11
泔水
gānshuǐ eaux grasses de cuisine, eau de vaisselle
臭
chòu puer,
empester
12
揽
lǎn
saisir, attirer à soi
13
装纯洁
zhuāng chúnjié
faire l’innocente,
jouer les saintes nitouches
14
趔趄
lièqie tituber, chanceler
推个趔趄
tuī gelièqie
faire chanceler en poussant
15
歇斯底里
xiēsīdǐlǐ
hystérique
16
钢筋
gāngjīn
tige d’acier (du genre utilisé dans le béton armé)
拴住shuānzhù
attacher
17
扯不动
chěbúdòng
ne pas pouvoir
prononcer un mot (扯chě
au sens de
bavarder =
闲谈)
18
咬一口
yǎo yìkǒu
se
retourner pour mordre comme le chien qui se défend
19
沙县伴面Shāxiàn
bànmiàn
plat de nouilles, bon marché et populaire, spécialité de
Shaxian, district de Sanming, dans le Fujian.
20
失踪
shīzōng disparaître, être porté disparu (dont on a perdu la trace)
21
打传呼dǎ
chuánhū laisser un avis d’appel, demander qu’on rappelle
22
出气筒chūqìtǒnɡ :
quelqu’un ou
quelque chose sur quoi on passe sa colère (比喻发泄怨气的对象)
23
揪起
jiūqǐ
saisir
撕烂sīlàn
déchirer,
mettre en pièces扯chě
tirer/déchirer (+ voir 17)
24
婊子养的
biǎozi yǎngde
fille de pute
25
妖精
yāojing ensorceleuse,
démone
烂婆
lànpó
vieille ordure
26
温泉支路
wēnquánzhīlù
la rue de la Source chaude (支路zhīlù
embranchement/déviation contournant une ville pour éviter le
centre) – emplacement central dans Fuzhou :
http://maps.google.fr/maps?hl=fr&q=%E7%A6%8F%E5%B7%9E%E6%B8%A9%E6%B3%89%
E6%94%AF%E8%B7%AF&rlz=1R2GGIE_fr&um=1&ie=UTF-8&hq=&hnear=China%E7%A6%8F%
E5%BB%BA%E7%9C%81%E7%A6%8F%E5%B7%9E%E5%B8%82%E6%99%8B%E5%AE%89%
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27
长住
chángzhù
s’installer
28
不动声色
búdòngshēngsè
rester impassible, sans broncher
夺
duó
s’emparer de force,
arracher
29
不见得
bújiàndé
pas nécessairement, probablement pas
30
高人一等
gāorényìděng
(se considérer) à un niveau, une tête au-dessus des
autres.
31
不舍得
búshěde
ne
pas se résigner à, ne pas aller jusqu’à
32 (她)得了便宜
(tā)
déle piányi elle s’en tirait bien
33
白花花
báihuāhuā
d’un blanc immaculé (vierge et sans traces)
34
戳
chuō
piquer, percer 锥子
zhuīzi
poinçon
Traduction (5) :
Aling a eu un petit
problème, elle est tombée enceinte, et, lorsqu’elle est allée à
l’hôpital pour se faire avorter, le médecin lui a trouvé une
verrue génitale. C’est Ahua qui l’apprit à Shunzi et celle-ci
lui demanda avec curiosité ce que c’était, une verrue génitale.
C’est une maladie vénérienne, dit Ahua, c’est pas réjouissant, à
voir ta mine, tu penses sans doute qu’elle a gagné le gros lot ?
Ahua lui dit encore de
prendre bien soin, à l’avenir, de ne pas mélanger ses culottes
avec les siennes.
Voyant qu’Ahua se
faisait du souci pour elle, elle en fut touchée. Elle ne
comprenait pas trop l’histoire des culottes, mais, n’osant plus
poser de questions, se contenta d’opiner sagement de la tête. Le
ton apeuré d’Ahua lui donna à
penser qu’Aling était certainement devenue quelqu’un de
terrifiant, or, lorsqu’elle la revit peu de temps après, elle ne
la trouva pas changée du tout, elle bavardait et riait comme
toujours. Aling, tu n’es pas malade ? lui demanda-t-elle.
Malade, et alors ? répondit Aling en la regardant droit dans les
yeux, malade, vieille, qu’est-ce que ça change ?
Mais Fang la renvoya,
disant qu’elle ferait fuir les clients. Puis elle interdit à
Ahua et Shunzi d’en parler à l’extérieur. Shunzi
s’efforça de ne rien dire, mais ne put y tenir ; lorsque Dezai
s’étonna de ne pas avoir vu Aling depuis deux jours, elle lui
raconta tout. Dezai devint livide, et lui demanda : tu es sûre
que tu ne l’as pas attrapée toi aussi ? C’est une maladie très
contagieuse.
Vraiment ? dit Shunzi,
il y a vraiment de quoi avoir peur comme ça ? Aling n’a pas
l’air d’être très malade.
Ah zut, dit Dezai, je
ne te dis plus rien, faut que j’aille travailler.
Après avoir versé les
dix mille yuans à Huige, Dezai se fit virer par le patron Cai. …
Le problème, c’est que, s’il n’avait pas de travail, il n’avait
pas de salaire, et, comme il devait beaucoup d’argent, il ne
pouvait pas rester sans rien faire ; alors il sortait tous les
jours et attendait dans la rue, comme un oiseau sur son
perchoir, que quelqu’un en manque de main d’œuvre vînt
l’embaucher. Après être resté toute la journée sous un soleil de
plomb sans avoir été engagé, il rentrait la tête basse et le
moral en berne, sans même pouvoir se payer à manger. Cela
attristait Shunzi ; un soir, après être restée un moment plantée
devant l’alcôve, elle partit
lui acheter deux petits pains et essaya de le consoler : il ne
faut pas t’en faire comme ça. Non, lui dit Dezai, je ne m’en
fais pas, de toutes façons, je vais partir à Singapour et me
faire plein de fric avant de revenir. Voyant qu’il avait un peu
de boue collée sur sa veste, elle tendit la main pour la faire
tomber, mais Dezai, alors, s’écarta précipitamment, comme si
elle l’avait ébouillanté.
Qu’est-ce que tu as ?
demanda Shunzi.
Ne me touche pas, dit
Dezai.
Et pourquoi ça ?
demanda Shunzi.
Ne t’approche pas, ne
t’approche pas, dit Shunzi impatiemment.
Ce soir-là, en
rentrant, Shunzi alla prendre un bain. Il y avait un miroir dans
la salle de bains ; après s’être déshabillée, elle se planta
devant, en s’observant attentivement, pendant très longtemps.
Shunzi, tu es vraiment
en train de devenir de plus en plus belle, lui avait dit le
patron Cai.
Le patron Cai n’était
pas venu au salon de coiffure de quelques jours ; son chantier
approchait de la fin, il en était à la toiture et préférait
rester à surveiller le travail pour éviter un incident au moment
crucial. Ce n’est que lorsque la
pression se relâcha qu’il vint avec Huige. Fang lui servit du
thé, et il le dégusta à petites gorgées, tout en observant
Shunzi ; c’est alors qu’il lui dit : Shunzi, tu es en train de
devenir de plus en plus belle.
Shunzi, fais-lui un
massage, dit Huige.
C’est ça, dit Cai,
détends-moi un peu.
[la séance de
massage tourne mal : Cai lui attrape la jambe en riant, Shunzi
tente de se libérer, et bouscule en hurlant Huige qui tente de
l’en empêcher]
Furieuse, Fang lui
envoya une gifle en lui disant : tu te prends pour qui, hein ?
tu oses frapper un de mes clients !
Shunzi se mit à pleurer
en se cachant le visage. Elle voulait répliquer qu’elle n’avait
frappé personne, qu’elle avait juste poussé un peu Huige, où
est-ce qu’elle l’avait vue frapper quelqu’un ? Mais ses lèvres
restaient fermées, comme rivées par une barre d’acier, elle se
sentit incapable de prononcer un mot. Elle n’aurait donc pas dû
pousser Huige ? Elle avait même failli se retourner pour le
mordre.
Tu es vraiment trop
bête, dit Ahua.
Les lèvres pincées,
Shunzi se dit qu’elle n’était pas bête. Le lendemain, cependant,
elle commença à avoir des remords ; après tout, Huige avait été
très gentil avec elle, il ne l’avait obligée à rien, et en plus,
il avait rehaussé son prestige
en acceptant de chercher un emploi à Singapour pour Dezai. C’est
cela qui l’inquiétait le plus
maintenant : si Huige avait pris Dezai en charge, c’était pour
elle, alors maintenant qu’elle l’avait offensé, peut-être qu’il
allait ne plus s’occuper d’envoyer Dezai là-bas ?
Dezai, lui dit-elle, tu
crois que tu vas subir les conséquences de cette histoire ?
Mais Dezai n’y voyait
rien de grave. Huige avait pris l’argent, une somme si
importante, comment aurait-il pu ne rien faire ? Il n’allait
quand même pas empocher l’argent et filer avec, il n’était pas
une crapule de ce genre, dit Dezai.
Ce jour-là, c’était
l’anniversaire de Shunzi ; alors elle dit à Dezai : je t’invite
au restaurant. C’est moi qui t’invite, dit Dezai,
pour te remercier de ton aide. Mais non, dit Shunzi, c’est moi
qui t’invite, tu n’as pas d’argent, moi j’en ai.
Et tu m’emmènes manger quoi ? demanda Dezai. Des nouilles de
Shaxian, dit Shunzi….
Pensant soudain à
quelque chose, Dezai s’arrêta et dit : Shunzi, tu n’as vraiment
pas attrapé de maladie vénérienne ?
Cela ne fit pas rire
Shunzi, mais elle ne se mit pas non plus en colère, elle ne
pouvait pas se mettre en colère contre Dezai ; elle répliqua
très calmement : non, vraiment, et si tu ne me crois pas,
demande à Fang. Moi je ne fais pas la grue ; si je le faisais,
en rentrant à la maison, ensuite, comment est-ce que je pourrais
regarder les gens en face ?
Vraiment ? dit Dezai, à
moitié convaincu. Shunzi trouva que ce n’était déjà pas mal que
Dezai ne la prît pas sans hésiter pour une grue, il était
quelqu’un de très bien.
Quelques jours plus
tard, Ahua disparut ; cela ne préoccupa pas tellement Shunzi ;
celle que cela préoccupa, c’est Fang.
Ahua était partie au
milieu de la nuit ; elle était sortie faire une virée avec le
patron Cai et n’était pas encore rentrée. Lorsqu’elle voyait Cai
emmener Ahua, elle ne disait rien, ça n’aurait servi à rien. Ce
soir-là, Ahua n’étant pas rentrée, Fang ne put fermer l’œil. Le
lendemain, comme Ahua n’était toujours pas revenue, Fang alla
fouiller dans ses affaires, tout était là, ce qui était encore
plus inquiétant.
Fang passa un coup de
fil à Cai, raccrocha ; puis laissa un message à Ahua lui
demandant de rappeler. Etonnamment, elle ne rappela pas, bien
que l’appel fût de Fang. Fang faisait les cent pas dans
l’appartement, lorsque,
sur un coup de fil, elle finit pas sortir. Lorsqu’elle revint,
elle avait le visage baigné de larmes, et n’avait plus de bouton
au col de sa robe. Shunzi ne l’avait jamais vue en larmes ; elle
était toujours debout, solide comme un roc, qui eût pu penser
que le roc pût devenir aussi humide ? Fang, alors, passa ses
nerfs sur les affaires qu’Ahua avait laissées, saisissant une
chose pour la mettre en pièces, en déchirant une autre et la
jetant, le tout en envoyant des bordées d’injures : fille de
pute ! enfoirée ! vieille sorcière, ensorceleuse !
Ahua était partie avec
le patron Cai, c’était cela la cause de la fureur de Fang.
Le patron Cai avait un
appartement dans la rue de la Source chaude, Fang y était allée
une ou deux fois. Elle aurait bien aimé que Cai lui dise d’y
rester, à demeure, mais ce n’est pas à elle qu’il l’avait dit,
c’était à Ahua ; celle-ci l’avait conquis sans faire de bruit,
sous les yeux mêmes de Fang, Shunzi n’aurait jamais cru Ahua
capable de cela. Les choses qui vous arrivent, ce n’est pas la
même chose quand elles viennent de quelqu’un qu’on connaît ou de
quelqu’un qu’on ne connaît pas. Si le patron Cai était parti
avec quelqu’un d’autre, il est
probable que Fang ne l’aurait pas pris aussi mal ; mais Ahua
était son employée, Fang se considérait comme nettement
supérieure, c’était ce point-là qui la blessait le plus, c’est
ce qui la mettait le plus en colère, bien plus que le fait que
Cai fût parti. Shunzi était très triste pour elle ; le jour où
Fang l’avait giflée, Shunzi
avait vraiment ressenti une impression désagréable ; à part ses
parents, elle n’arrivait pas à voir qui d’autre, dans le passé,
aurait pu la gifler, et ceci dit, même ses parents n’étaient
jamais allés jusque là : si elle devait allait couper du bois,
elle y allait, si elle devait mener paître le buffle, elle le
faisait, si on lui disait d’aller à l’école, elle y allait, et
si on lui disait de ne pas y aller, elle n’y allait pas, puis,
quand on lui avait dit d’aller à Fuzhou, elle y était allée ;
elle s’était toujours comportée en fille obéissante, alors
pourquoi ses parents l’auraient-ils giflée ? Ce n’étaient pas
ses parents qui l’avaient fait, c’était quelqu’un d’autre. Pourtant, en y
réfléchissant, Fang avait des bons côtés, alors tant pis, pensa
Shunzi. Il est vrai qu’elle ne la payait pas beaucoup, qu’elle
l’avait insultée et giflée, pourtant Shunzi la trouvait bien ;
elle l’avait gardée dans sa
boutique, rien que pour cela elle devait lui être
reconnaissante. Ahua aussi était bonne pour elle, mais Ahua
maintenant était partie avec le patron Cai, elle s’en tirait
bien, mieux que Fang, qui portait sur le visage les marques du
malheur.
Mais, bien vite, Shunzi
ne s’occupa plus de Fang, ce qui lui arriva était
incommensurablement plus grave, et son malheur
incommensurablement plus grand.
Huige disparut lui
aussi, en mettant la clef sous la porte, personne n’entendit
plus parler de lui.
Dezai vint chercher
Shunzi à la boutique ; il tremblait tellement que ses dents
s’entrechoquaient. Tu as vu, tu as vu ton exploit, ce Huige a
filé, cette histoire d’aller travailler à l’étranger, c’était un
tour de filou !
Shunzi eut l’impression
que tout devenait d’un blanc immaculé dans sa tête. Elle pensa
que Dezai était devenu fou, et que tout ce qu’il disait était
pour lui faire peur. Dezai, cependant, lui dit que c’était elle
qui était folle, avec son Huige, avec ses histoires de Singapour
et de dix mille yuans : tu tu tu, tu vas me rendre mon argent !
Et de lui pointer un index acéré comme une vrille pile devant le
nez.
六
好大的雨啊,好像所有的大江大河都被谁搬到了天上,又挂不住,就稀哩哗啦地掉下来了。顺子在雨中跑了鼓楼,跑了台江,跑了仓山,跑了晋安1,到福州这么久走的路也没现在一天走的多。她其实也不知要跑到哪里才能找到辉哥,总之不跑她反正也没办法安静坐下来一分钟。有一个叫辉哥的人你知道吗?她这样问人。见人家摇头,她又比比划划2,这么矮,这么瘦,脸这么白,胳膊这么细。对方却还是摇头。
她只好去找蔡老板,去工地上找。工地已经不热闹了,只有几个人在走动。蔡老板不是辉哥的朋友吗,应该知道辉哥去哪儿了。
但蔡老板也是摇头,蔡老板说,辉哥去哪儿我怎么知道?
顺子的头发被雨淋后都贴在脸上,黑黑的东一撮西一撮,好像戴着一个古怪的面具。蔡老板说,顺子,你也不是每时每刻都是漂亮的嘛。
顺子说,你告诉我辉哥去哪里了吧,我求求你了。
蔡老板说,求也没用,我又不是辉哥的爹,他去哪里怎么会告诉我?
顺子突然把嘴一张把头一仰哗地哭出来。辉哥把德仔的一万块钱都拿走了,德仔要我赔,我怎么赔得起啊。
蔡老板说,我房子还没有最后完工哩,你别在我办公室里哭,不吉利3。
顺子卟通一声跪下了,她说,告诉我吧,辉哥在哪里,我要找到他,把德仔的钱找回来,钱不找回来德仔会认为我是跟辉哥合起来骗他的,他会杀了我。
蔡老板点了根烟,慢慢站起来。[...]扯扯顺子的头发,说,起来,跪着干什么,别人以为我欺侮你哩4。
顺子顺着头发的扯动,站起来。她想不出还有谁能帮她,只有蔡老板了。蔡老板摸摸顺子的脸,顺子站着不动。蔡老板又摸摸顺子的屁股,顺子还是站着不动。蔡老板说,不就是一万块钱吗?
顺子眼前很多金星飞来飞去,每一个金星都像蔡老板的嘴,这些嘴一张一合,说的都是同样的话。蔡老板果然就是那样说的,他说,一万元钱算得了什么。我再弄套房子,包你一年,给你一万五千块钱,怎么样?
顺子突然把蔡老板的手打掉,转身像只被开水烫着的狗一样飞快跑出去。她后来把找蔡老板的经过说给芳姐听,芳姐眯着眼看她,好像想到其他事情上去了。不知道,也许有一天你会后悔吧,芳姐说。
你找阿华试试看,阿华不知会不会帮你问问,芳姐又说。阿华走后芳姐好像变了个人,变得没以前那么厉害了。按顺子的性格,她是想报答6芳姐的,但她现在整天在外面跑来跑去找辉哥,还怎么帮芳姐。芳姐店里没其他人了,只剩芳姐自己一个,她有时干脆7连门也不开,躲在自己房间里睡大觉,睡得眼皮肿肿的。
这期间阿玲回来过一次,阿玲说她病好了,要芳姐再雇她8。芳姐冷着脸,把她狠骂了一通。阿玲说,芳姐你有没有搞错啊,我不是阿华啊。芳姐说,你和她都不是好东西,你给我滚9!阿玲也是有脾气的,阿玲说,滚就滚,又不是就你这里有男人,到别的地方我就挣不到钱了?好笑!
顺子已经好一阵没见到阿华,阿华与以前完全不一样了,她头发束起来往上盘个发髻10,仍然化妆11,但不像以前那么浓了,脂粉口红11都淡淡的,非常好看。至于衣服,衣服的变化最大,以前阿华与阿玲比看着谁穿的裙子更短领口更低,现在阿华却穿着规规矩矩的套装12,看上去谁会相信她曾在发廊里呆过那么长的时间呢。
是顺子给阿华打电话的,阿华犹豫很久,话筒中传出她粗粗的喘气声,最后总还是同意出来。阿华说,到麦当劳吧13,我请客。
顺子是第一次到麦当劳店,她来得很早,在门外走来走去的。店里大都是小孩,或者是带着小孩的大人。店里店外是用玻璃隔开的,顺子站在那里看了半天,不知怎么就觉得那块玻璃无限扩大增厚14,把她推得越来越远,她恍惚间往后挪几步15,就撞上了一个人,扭头一看,是阿华。
阿华很有耐心地听顺子说了一句又一句,顺子的话常常是重复的,阿华也不急。阿华不仅外表变了16,性格也跟以前很不同。等到顺子说得泣不成声了17,阿华才开口。
其实辉哥本来是可以把德仔弄出国的,阿华说,辉哥的公司介绍了很多人到国外去。
顺子说,你还帮他说话,他都把钱骗走了!
阿华说,你不要急,我是说辉哥本来真的可以把德仔弄到新加坡去,这一批二十个人钱都交了,做成了,辉哥可以挣一大笔钱的。但是,你可能不知道,辉哥吃白粉18,白粉,还打老虎机18,今天收到钱,明天不是输掉就是吸掉19,没有了钱,他就逃。这几年他这里那里开了好几家公司,也逃了好几个地方了。
顺子一直盯着阿华的脸,阿华的眼睛里有一层东西,隐隐约约地遮在那里20。辉哥又吃粉又打老虎机,阿华以前为什么不告诉她呢?阿华说,我也是刚知道不久,听蔡老板说的。停一下,阿华又说,辉哥也向蔡老板借了钱,但把公司的房产做了抵押21,所以辉哥跑了,蔡老板什么也没少。
阿华自己要了一杯可乐22,给顺子点了套餐。后来阿华喝掉一杯可口后,又要了一杯芬达22,顺子却什么也不吃。很多孩子说着笑着,辉哥和白粉,还有老虎机的哒哒响着,这就是顺子对麦当劳的印象。离开麦当劳前,阿华递给顺子100
元钱,顺子没要,顺子说,你钱挣得也不容易。阿华迟疑一下,收起了钱。然后,两人就分手了。顺子以后再也没见到过阿华,当然顺子以后几乎也再没想起阿华,就这样过去了。
德仔几天不吃不喝躲在楼梯间不肯出来,房东闻到了臭味,进去一看,德仔大小便拉了一地23,就把他揪着拖到街上。德仔老老实实地跟着走,到了街上,突然踢了房东一脚,又一口接一口地吐口水,房东火了,推了他一把,德仔就吼叫着扑过来咬住房东肩膀。有人打了110
,德仔被带走了。
后来110
说德仔疯了,又把他送到精神病院。
顺子去医院看他,德仔很高兴的样子,老是笑。去新加坡,去新加坡。他说。顺子向芳姐借了一千元,又把这几个月自己存的24一点钱都拿出来,顺子说,德仔你放心,我会帮你治病,我还会帮你还钱。德仔说,去新加坡,去新加坡。
芳姐不想开店了,她在店门外贴了张纸,上面写着低价盘点25,有意者请联系。顺子说不开店了你干嘛去呢?芳姐说我在社会上闯了25这么多年,难道还会饿死?芳姐看着顺子,她挺担心顺子的,顺子才十六岁,还什么都不懂。你以后怎么办呢?芳姐说。
顺子摇摇头。
芳姐说,要不回家去吧,我给你买车票,你回到父母身边吧。
顺子还是摇摇头。顺子现在脑子糊糊的,什么主意都没有,但她知道自己需要钱,没有钱怎么给德仔治病?又怎么还德仔欠的那么多钱?她看看外面,福州比半年前她刚来时漂亮多了,干净多了,她喜欢福州。以后她还要在福州住下去,住多久,不知道,总之还要住下去。
Vocabulaire
(6) :
01
鼓楼,台江,仓山,晋安
Gǔlóu, Táijiāng,
Cāngshān, Jìn’ān :
les quatre quartiers centraux de Fuzhou
http://maps.google.fr/maps?hl=fr&q=fuzhou+map&rlz=1R2GGIE_fr&um=
1&ie=UTF-8&hq=&hnear=Fuzhou,+Fujian,+Chine&gl=fr&ei=JzPdS4mOJI35-AbG_JSbBw&sa=X&oi=geocode_result&ct=image&resnum=1&ved=0CAsQ8gEwAA
02
比划
bǐhua
faire des gestes de la main (sans parler)
03
撮
cuō
(dial.) prendre entre le pouce et l’index une pincée de quelque chose /
une poignée de…
04不吉利bù
jílì de
mauvais augure, qui porte malheur
05
欺侮
qīwǔ
maltraiter, brutaliser
06
报答
bàodá
savoir gré à, être reconnaissant envers
07
干脆
gāncuì
tout
simplement, carrément
08
雇
gù
embaucher, employer
09
滚
gǔn
rouler
(sens propre et fam.)
10
发髻
fàjì
chignon 盘
pán
ici : enrouler (头发盘成一个髻
les cheveux
enroulés en un chignon)
11
化妆
huàzhuāng
se maquiller
脂粉口红
zhīfěn
kǒuhóng
fard et rouge à lèvres
12
规矩
guīju
normes, règles// conforme aux règles : sage, approprié…套装tàozhuāng
costume, ensemble
13
麦当劳
Màidāngláo
Mac Donald
14
无限
wúxiàn
infini,
illimité 扩大kuòdà
élargir, étendre
增厚zēnghòu
épaissir
15
恍惚间
huǎnghū jiān
dans sa confusion
往后挪..
wǎnghòu nuó…
reculer…
(挪nuó
bouger)
16
外表
wàibiǎo extérieur
17
泣不成声qìbùchéngshēng
avoir des sanglots dans la voix, être suffoqué par les pleurs
18
吃白粉
chī
báifěn
prendre de l’héroïne
打老虎机 dǎ
lǎohǔjī jouer aux machines à sous
19
输掉
shūdiào perdre au jeu
吸掉xīdiào
perdre en
fumant
20
隐约
yǐnyūe indistinct, confus
遮zhē
cacher, dissimuler
21
抵押
dǐyā
hypothéquer 房产 fángchǎn
biens
immobiliers, propriété immobilière
22
可乐
kělè
Coke
可口 kěkǒu
Coca
芬达 Fēndá
Fanta
点一套餐 diǎn
yi tàocān
commander un repas
23
大小便拉了一地daxiǎbiàn
lāleyídì il avait uriné et déféqué partout par terre
24
存
cún
épargner
25
低价
dījià
baisser
les prix
盘点pándiǎn
faire
l’inventaire
26
闯
chuǎng
s’aguerrir,
se tremper
Note :
allusion ironique au slogan
让青年人到社会上去闯练闯练
ràng
qīngniánrén dào shèhuì shàngqù chuǎngliàn chuǎngliàn
faire s’aguerrir
les jeunes au sein de la société
Traduction (6) :
Il tombait une pluie
diluvienne ; on eût dit que quelqu’un avait vidé dans le ciel
l’intégralité des fleuves et des rivières, et que toute cette
eau, ne pouvant rester accrochée là, retombait avec un bruit
d’enfer. Sous cette pluie battante, Shunzi parcourut un à un
tous les quartiers de la ville, cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas fait autant
de chemin en un seul jour. Il est vrai qu’elle ne savait pas où
aller pour trouver Huige, mais elle ne pouvait pas, de toute
façon, rester assise une minute tant elle était inquiète. Vous
ne connaissez pas quelqu’un du nom de Huige ? demandait-elle
autour d’elle. On lui faisait un signe négatif de la tête, et
elle passait sans rien ajouter, si petite, si frêle, si pâle,
les bras si menus, que les gens en la voyant hochaient la tête.
Elle pensa qu’elle
ferait mieux d’aller voir le patron Cai. Le chantier était
beaucoup plus calme, il n’y restait plus que quelques ouvriers.
Le patron Cai était l’ami de Huige, alors il devait savoir où il
était parti.
Mais il secoua la tête
lui aussi : et comment je pourrais savoir où il est allé ?
dit-il.
A cause de la pluie,
Shunzi avait les cheveux plaqués des deux côtés du visage, deux
masses noires qui lui faisaient comme un ancien masque. Shunzi,
lui dit Cai, je t’ai vue plus belle.
Dites-moi où Huige est
parti, dit Shunzi, je vous en supplie.
Ça ne sert à rien de me
supplier, lui dit le patron Cai, je ne suis pas son père,
pourquoi serait-il venu me dire où il allait ?
Levant la tête, bouche
grande ouverte, Shunzi se mit soudain à pleurer bruyamment.
Huige est parti avec les dix mille yuans de Dezai, et maintenant
Dezai veut que je lui rende son argent, comment je vais faire ?
Je n’ai pas encore
totalement terminé cet immeuble, dit le patron Cai, ne pleure
pas comme ça dans mon bureau, ça va me porter malheur.
Shunzi tomba à genoux,
l’implorant : dites-moi où est Huige, il faut que je le
retrouve, que je rapporte son argent à Dezai, sinon il va penser
que je suis de mèche avec Huige, et il va me tuer.
Le patron Cai alluma
une cigarette, et se leva lentement. […] . La tirant par les
cheveux, il lui dit : relève-toi, ne reste pas à genoux comme
ça, on va croire que je te maltraite.
Ainsi tirée par les
cheveux, Shunzi se releva. Si le patron Cai ne l’aidait pas,
elle ne voyait pas qui d’autre le ferait. Le patron Cai lui
tapota la joue, lui tapota même le derrière, sans obtenir aucune
réaction. Il lui dit alors : ce n’est qu’une affaire de dix
mille yuans ?
Shunzi vit des milliers
d’étoiles lui danser devant les yeux, qui toutes ressemblaient à
la bouche du patron Cai, et toutes ces bouches s’ouvraient et se
fermaient, disant toutes la même chose, c’est-à-dire ce que
disait le patron Cai : je vais te proposer quelque chose, pour
ces dix mille yuans. Je vais commencer un autre chantier, dans
un an je te promets que tu auras tes quinze mille yuans,
qu’est-ce que tu en dis ?
Shunzi se dégagea
soudain et partit en courant, détalant comme un chien qui aurait
reçu un baquet d’eau bouillante. Lorsqu’elle raconta ensuite à
Fang ce qui s’était passé, celle-ci la regarda en plissant les
yeux, comme si cela lui faisait penser à autre chose : je ne
sais pas, mais peut-être que tu le regretteras un jour,
dit-elle.
Va voir Ahua,
ajouta-t-elle, on ne sait jamais, elle pourra peut-être t’aider.
Ahua, semble-t-il, n’était plus la même personne que quand elle
travaillait avec elle, elle n’était plus aussi dévergondée.
Shunzi était reconnaissante envers sa patronne, c’était son
caractère. Mais maintenant, à courir de tous les côtés toute la
journée comme elle faisait, elle n’avait pas le temps de se
soucier d’elle. Il ne restait plus que Fang dans la boutique, il
y avait des jours où elle n’ouvrait même pas ; elle restait dans sa
chambre et passait son temps à dormir, au point d’en avoir les
paupières gonflées.
Aling était revenue une
fois, pour dire qu’elle était guérie, et demander à Fang de la
reprendre, mais celle-ci l’avait regardée froidement, et lui
avait lancé une bordée d’injures fielleuses. Vous vous trompez,
avait dit Aling, vous me prenez pour Ahua. Tu es comme elle,
avait dit Fang, une peste, tu m’as roulée ! Aling s’était mise
elle aussi en colère : bon, d’accord, je t’ai roulée, dit-elle,
mais tu crois qu’il n’y a qu’ici qu’il y a des hommes, et que je
ne peux pas me faire du fric ailleurs ? Tu me fais rire !
Cela faisait un bout de
temps que Shunzi n’avait pas vu Ahua, elle la trouva
complètement changée : les cheveux ramassés en un chignon sur le
haut de la tête, elle était toujours maquillée, les ongles
faits, mais ce n’était plus aussi tape à l’œil, son vernis à
ongles comme son rouge à lèvres étaient moins épais, c’était
superbe. Sa manière de s’habiller, aussi, avait énormément
changé : auparavant, il était impossible de rencontrer jupes
plus courtes et décolletés plus audacieux que ceux d’Ahua et
Aling, mais maintenant, Ahua mettait des ensembles très sages ;
qui aurait pu croire en la voyant qu’elle avait travaillé aussi
longtemps dans un salon de coiffure ?
Lorsque Shunzi lui
téléphona, Ahua hésita un long moment, on pouvait entendre le
son rauque de sa respiration à l’autre bout du fil, mais elle
finit par accepter de la voir : rendez-vous au Mac Do, dit-elle,
je t’invite.
Mc Do Fuzhou |
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C’était la
première fois que Shunzi allait au Mac Do ; arrivée très
en avance, elle attendit dehors en faisant les cent pas.
A l’intérieur, il y avait surtout des enfants, ou plutôt
des adultes accompagnant des enfants. Toute la façade du
restaurant était de verre ; Shunzi resta plantée un long
moment à la regarder : cette surface vitrée lui semblait
s’élargir, s’épaissir, la repousser de plus en plus
loin, suscitant en elle une confusion qui la fit reculer
de quelques pas ; elle heurta alors quelqu’un, se
retourna et vit que c’était Ahua. |
Ahua l’écouta avec
infiniment de patience, tout du long, et sans s’énerver malgré
les nombreuses répétitions. Elle n’avait pas seulement changé en
apparence, son caractère aussi n’était plus le même. Ce n’est
que lorsque Shunzi finit par éclater en sanglots qu’elle ouvrit
la bouche.
C’est un fait, Huige
aurait très bien pu aider Dezai à émigrer, dit-elle, sa société
a réussi à faire passer plein de gens à l’étranger.
Tu as beau dire, dit
Shunzi, ça n’empêche qu’il a filé avec l’argent !
Ne te fâche pas, dit
Ahua, tout ce que j’ai dit, c’est que Huige aurait très bien pu
faire passer Dezai à Singapour ; les vingt personnes d’avant, il
ne les a pas escroquées, il les a fait passer, il était capable
de gagner beaucoup d’argent. Mais, et c’est quelque chose que tu
ne sais peut-être pas, Huige était toxicomane, accro à
l’héroïne, et, en plus, il jouait au machines à sous, alors,
tout ce qu’il gagnait un jour, il le perdait le lendemain soit
en drogue soit au jeu, et, quand il ne lui restait plus rien, il
filait. Toutes les années passées, il a monté affaire sur
affaire, un peu partout, en fuyant chaque fois ailleurs.
Shunzi ne quittait pas
Ahua des yeux, devinant, cachées dans son regard, des myriades
de choses plus ou moins secrètes. Ahua, lui dit-elle, si tu
savais que Huige était toxicomane et jouait aux machines à sous,
pourquoi tu ne me l’as pas dit plus tôt ? C’est que, dit Ahua,
ça ne fait pas longtemps que je l’ai appris, c’est le patron Cai qui
me l’a dit. Elle s’arrêta un instant, puis continua : Huige lui
avait aussi emprunté de l’argent, mais le
patron Cai avait pris une hypothèque sur ses biens, alors, quand
Huige a filé, il n’a rien perdu.
Ahua avait commandé un
verre de Coke pour elle, et un repas pour Shunzi. Elle but un
autre verre de coca, puis un verre de Fanta, mais Shunzi ne put
rien avaler. Tous ces enfants qui riaient, Huige et son héroïne,
et le cliquetis des machines à sous, aussi, tout cela, c’est
l’impression que laissa le Mac Do dans l’esprit de Shunzi. Avant
de la quitter, Ahua lui tendit cent yuans, mais Shunzi refusa en
lui disant : toi aussi il faut que tu trimes pour gagner cet
argent. Ahua hésita un court instant, et reprit le billet. Puis
elles se séparèrent. Shunzi ne revit plus jamais Ahua, et, tout
naturellement, ne pensa même presque plus jamais à elle, c’est
ainsi que tout cela se termina.
Quant à Dezai, il resta
plusieurs jours sans manger et sans boire, couché dans son
alcôve ; comme il en émanait une odeur infecte, le propriétaire
alla voir ; Dezai avait uriné et déféqué partout, alors il le
traîna dehors. Dezai le suivit d’abord docilement, mais, arrivé
dans la rue, il lui envoya un coup de pied, et se mit à lui
cracher dessus ; le propriétaire se mit en colère et le repoussa
violemment, alors Dezai se précipita en hurlant sur lui et le
mordit à l’épaule. Quelqu’un appela le 17 et on l’emmena.
Les policiers dirent
ensuite qu’il était devenu fou et qu’on l’avait emmené à
l’hôpital psychiatrique.
Shunzi alla le voir ;
la mine réjouie, il ne cessait de répéter en riant : je vais
aller à Singapour, je vais aller à Singapour. Shunzi avait prêté
mille yuans à Fang, la totalité de ce qu’elle avait économisé
les quelques mois précédents. Ne t’en fais pas, dit-elle à
Dezai, je vais t’aider à te soigner, et, une fois que tu seras
guéri, je t’aiderai à récupérer ton argent. Dezai répétait : je
vais aller à Singapour, je vais aller à Singapour.
Fang n’avait pas
l’intention de rouvrir sa boutique ; elle colla un papier sur la
porte : fermeture pour inventaire, pour tout renseignement
prière de prendre contact. Si tu ne rouvres pas, lui dit Shunzi,
qu’est-ce que tu vas faire ? Fang lui répondit : cela fait si
longtemps que je travaille pour le bien du peuple, on ne va pas
me laisser mourir de faim, si ? En revanche, elle était très
inquiète pour Shunzi : elle n’avait que seize ans, et elle était
encore si naïve. Qu’est-ce que tu vas faire, maintenant ? lui
demanda-t-elle.
Shunzi secoua la tête.
Tu devrais revenir chez
toi, dit Fang, je vais te donner de quoi t’acheter un billet de
train, rentre chez tes parents.
Mais Shunzi secoua à
nouveau la tête. Elle n’avait pas d’idées très claires, mais il
y avait une chose dont elle était sûre, c’est qu’elle avait
besoin de gagner de l’argent, sans cela, comment pourrait-elle
faire soigner Dezai ? Et pire, comment pourrait-elle lui
rembourser tout l’argent qu’elle lui devait ? Elle jeta un coup
d’œil par la fenêtre, Fuzhou était bien plus belle que quand
elle était arrivée, six mois auparavant, bien plus propre ; elle
aimait bien cette ville. Elle voulait rester vivre là, combien
de temps, elle ne savait pas, il fallait laisser la vie suivre
son cours.
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