Nouvelles de a à z

 

« Il ne faut jamais manquer de répéter à tout le monde les belles choses qu’on a lues »

Sei Shōnagon (Notes de chevet)

 
 
 
           

 

 

Su Tong  苏童

« Dites-leur que je suis parti sur le dos de la grue blanche » 《告诉他们我乘白鹤去了》

par Brigitte Duzan, 10 avril 2015

      

Cette nouvelle a été écrite en 1992, et adaptée à l’écran dix ans plus tard, par Li Ruijun (李睿珺). Su Tong a participé à l’élaboration du scénario et à la conception du film. Il s’est déclaré enchanté du résultat et a participé à sa promotion [1].

       

Chaque œuvre a ses qualités et son style propres. La nouvelle, au départ, se lit comme un conte des temps modernes, qui reflète à la fois la fraîcheur de l’enfance, la douceur de la vieillesse, la nostalgie du passé et de ses traditions, et, par-dessus tout, un monde d’une grande poésie, proche de la nature.

 

 

Su Tong (à dr.) présentant

‘Fly With the Crane’

à la Biennale de Venise, avec Li Ruijun

       


       

儿女们没有见到过那只白鹤,他们的年纪都不小了,可是没有谁见到过白鹤。老人说每天黄昏那只白鹤会到水塘边饮水,长长的嘴巴浸在水中,松软的羽毛看上去比新轧的棉花更白更干净,它就站在离核桃树三步远的地方饮水,有时候青蛙从水草丛中跳到岸上,它就扑开翅膀飞走了,有时候牛在地里哞哞地叫起来,它就扑开翅膀飞走了。春天以来老人一直在向儿女们叙述仙鹤饮水的情景,但儿女们说他们就在水塘边灌溉耕地,他们从来没见过什么白鹤。

       

Aucun des deux enfants n’avait vu la grue blanche ; ils n’étaient plus tout petits, et pourtant ils ne l’avaient jamais vue. Le vieil homme disait qu’elle venait tous les jours au crépuscule boire au bord de l’étang ; avec ses plumes douces d’un blanc encore plus immaculé que le coton juste égrené, elle se mettait à trois pas du noisetier et plongeait son long bec dans l’eau, mais, parfois, sautant d’une touffe de plantes aquatiques jusque sur la berge, une grenouille la faisait s’envoler. C’est au printemps que le vieil homme avait commencé à raconter aux enfants l’histoire de la grue immortelle qui venait boire à l’étang, mais ils disaient qu’ils étaient allés arroser les champs à côté, et qu’ils ne l’avaient jamais vue.

       

老人就站在离核桃树三步远的地方,弯着腰背着双手观察白鹤在水塘边留下的痕迹,他想要是白鹤留下几对足印或者一片羽毛,他就可以证明它来过了,可惜的是白鹤来去匆匆,什么也不肯留下。即使这样老人也不会怀疑自己的眼睛。他的一生都依赖自己的眼睛看天气,看庄稼,看人来人去,他的眼睛到了七十二岁仍然清朗明亮,谁要是说他老眼昏花,那他自己才是瞎了眼呢。

       

A trois pas du noisetier, courbé vers le sol, les mains dans le dos, le vieil homme cherchait les traces laissées par la grue blanche au bord de l’étang. Il pensait que, s’il pouvait trouver des empreintes ou quelque plume, il pourrait prouver que la grue était bien venue là ; malheureusement, elle venait à toute vitesse, et repartait sans  laisser de trace.  Quoi qu’il en soit, il ne doutait pas de ses yeux. Il s’était toute sa vie reposé sur eux pour observer le temps, les récoltes, les allers et venues des gens ; même à soixante-douze ans, il avait encore de bons yeux, seul un aveugle pouvait prétendre le contraire.

       

老人绕着核桃树踯躅了几圈,抬头望树,树枝和树叶上也没有留下白鹤的羽毛,老人长时间的仰着头,脖颈有点酸了,他就按住自己的脖子,慢慢地倚树坐下来。又是黄昏,天边的云朵像一堆未被燃尽的柴堆,他所熟悉的原野、孤树、池塘和房屋又发出一种低沉的叹息声,这种声音只有他能听见,儿女们有耳朵,但他们是听不见这种声音的,他们不相信天黑前的家园会发出叹息。老人在树下坐着,他摸出旱烟袋吸了几口,一阵剧烈的咳嗽声从喉咙里滚出来,他觉得背后的树也被他咳得摇摇晃晃了。或许在烟的事情上儿女们说得对,女儿说他的身体一半是毁在烟上,或许是不该再吸烟了,老人把烟袋里的烟丝倒在地上,很快又捡起来,他想我这是怎么啦,真的是老糊涂了吗?不吸就把烟丝留在烟袋里,怎么把好端端的烟丝倒掉了呢? 

       

Il tourna deux ou trois fois autour du noisetier, leva la tête pour scruter l’arbre, mais il n’y avait de plumes de grue blanche ni sur les branches ni sur les feuilles ; il resta si longtemps la tête en l’air qu’il en attrapa mal au cou ; alors il s’assit lentement contre l’arbre en se tenant la nuque.  C’était le crépuscule, les nuages dans le ciel avaient l’aspect d’un tas de petit bois embrasé qui n’aurait pas fini de brûler, et du paysage qui lui était familier - l’arbre solitaire,  les champs, l’étang et les maisons alentour - s’exhala un profond soupir, ce soupir qu’il était le seul à percevoir et que les enfants n’entendaient pas, bien qu’ils aient des oreilles ; ils ne le croyaient pas quand il leur disait que la nature émettait un tel soupir juste avant la tombée de la nuit.

       

Assis au pied de l’arbre, le vieil homme sortit sa pipe et, s’étant mis à fumer, fut pris d’une quinte de toux si violente qu’il lui sembla que l’arbre entier, derrière lui, en était secoué. Peut-être les enfants avaient-ils raison quand ils lui disaient que c’était en grande partie en fumant qu’il s’était ruiné la santé et qu’il devrait arrêter ; il vida sa pipe par terre, mais reprit très vite le tabac : quoi, se dit-il, serais-je devenu un vieil écervelé ? Que je ne fume pas, d’accord, mais ce n’est pas la peine pour autant de jeter du si bon tabac.

       

老人坐在核桃树下,脸上久久凝结着一种自责的表情。池塘对岸翻地耕种的人们早已经走了,儿女们不在那儿了,除了大片翻起的黑土块,除了从土地深处发出的那种叹息声,四周一片寂静,连原野尽头的太阳也寂静地往地上沉落,老人想等会儿天就黑了,天一黑儿女们就要来喊他回去吃饭了,他们对他还不坏,没有嫌他老来多病,但他们只会对他说,爹,回家吃饭了,爹,上床睡吧.他们根本不知道他的心思。他的心思谁知道?核桃树是知道的,核桃树下的白鹤也是知道的,它们不会说话,它们就是说给儿女们听,他们也听不明白,他们根本就不相信那只白鹤在池塘边饮水嘛。老人远远地听见家里人喊他的声音。他站了起来,在离开核桃树之前,他捡起一根树枝,在池塘与核桃树之间的地上来回走了几步,最后他用树枝在泥地上画了一个很大的圆圈。

       

Une expression contrite se figea sur le visage du vieil homme assis sous son noisetier. Les gens qui travaillaient dans les champs de l’autre côté de l’étang étaient déjà partis, les enfants n’étaient plus là non plus ; hormis le large pan de glèbe noire labourée, hormis ce soupir venu du plus profond de la terre, tout respirait la paix, même le soleil, tout là-bas, se couchait paisiblement, et le vieil homme pensa qu’il ferait bientôt nuit et que, là-bas, à la maison, on allait lui crier de rentrer dîner ; ils n’étaient pas méchants avec lui, ne lui en voulaient pas d’être vieux et malade, mais ils lui disaient : papa, faut rentrer manger, papa, faut aller au lit. Ils ne savaient pas le fond de ses pensées, mais qui le savait ? Le noisetier le savait, lui, la grue blanche qui venait au pied du noisetier, elle aussi, le savait, mais ils ne pouvaient pas parler ; ils le disaient aux enfants, mais les enfants ne comprenaient pas, ils ne croyaient même pas que la grue blanche venait boire au bord de l’étang. Le vieil homme entendit, au loin,  qu’on lui criait de rentrer. Alors il se leva, mais, avant de s’éloigner, il ramassa une branche, recula de quelques pas et, sur le sol boueux entre le noisetier et l’étang, dessina un grand cercle.   

      
 
一个小男孩在池塘边捉泥鳅,一个小女孩在核桃树下捕蝴蝶,他们是老人的孙子和孙女,老人带他们来看白鹤,白鹤的踪影迟迟不见,而老人靠着核桃树睡着了。            
白鹤怎么还不来呀?小女孩没有抓到蝴蝶,就伸手去抓老人的耳朵,你说白鹤在池塘边喝水,我怎么没看见白鹤呢? 
太阳烧得正旺呢,白鹤还不会来。老人睁开惺松的双眼望了望天空,他说,太阳一下山白鹤就会来的。           
白鹤住在哪儿?住在大山里吗?小女孩问。            
不是,白鹤从很远的地方飞来,又飞到很远的地方去。老人说,连我也不知道白鹤住在什么地方,大概在一千里之外吧,白鹤住在我们看不见的地方。
 
      

Il avait deux petits-enfants, un petit garçon et une petite fille. Le vieil homme les avait emmenés voir la grue blanche, mais ils n’en avaient pas vu la moindre trace ; le petit garçon s’était mis à pêcher des loches au bord de l’étang, la petite fille à chasser les papillons sous le noisetier, et lui s’était endormi, appuyé contre l’arbre.

Comment se fait-il que la grue blanche ne soit pas encore là ? avait demandé la petite fille, qui n’arrivait pas à attraper de papillon, en tirant l’oreille du vieil homme : tu dis que la grue blanche vient boire au bord de l’étang, alors comment se fait-il qu’on ne la voie pas ?

       

Le soleil est encore trop haut, la grue blanche ne peut pas venir. Le vieil homme scrutait le ciel en écarquillant ses yeux ensommeillés. C’est quand le soleil se sera couché derrière la montagne que la grue blanche viendra.

Elle habite où, la grue blanche ? Dans la haute montagne ? avait demandé la petite fille.

Non, elle vient de très loin, à mille lieues d’ici, et repart là-bas. Même moi, je ne sais pas exactement où elle habite, c’est un endroit que ni toi ni moi ne pouvons voir.

       

小男孩抓到了一条泥鳅,他用衣服包住泥鳅,跑过来向老人展示他的战利品,我抓到了一条泥鳅。小男孩对他祖父说,你把泥鳅切碎了扔进水里,那只大鸟就会来的,大鸟最喜欢吃泥鳅。       

那不是大鸟,老人说,是白鹤,白鹤是最吉祥的鸟,白鹤飞到哪儿,哪儿就有一个人乘着白鹤到天堂去。

你要乘着白鹤去天堂吗?小男孩问。            
我想乘着白鹤去天堂,可我不知道白鹤肯不肯驮我去。老人唇边掠过一丝悲凉的微笑,他站起来沿着地上划出的圆圈走了几步,他说,不是什么人都能乘上白鹤的,我也不敢想我能乘上白鹤,可我说什么也不会让他们把我拉到西关去。

他们拉你到西关去干什么?小男孩说,谁要把你拉到西关去呀?          
西关有个火葬场,老人对孙子比划了几下,嘴里发出噼啪啪模拟火焰的声音,他说,人到了西关就化成一股黑烟,看着你爹你叔叔你姑姑他们吧,等我一死他们就会把我拉到西关去,他们商量好了,他们要送我去火葬。

       

Le petit garçon avait attrapé une loche ; il l’avait mise dans un pan de sa veste et avait couru montrer son butin à son grand-père en lui disant : regarde, j’ai attrapé une loche, coupe la en morceaux, on va les jeter dans l’eau, ça fera venir le grand oiseau, les grands oiseaux aiment bien les loches.      

       

Ce n’est pas un grand oiseau, avait dit le vieil homme, c’est une grue blanche. Les grues blanches sont des oiseaux de bon augure ; on peut monter sur leur dos pour s’envoler au paradis.

       

Tu aimerais monter sur le dos de la grue blanche pour t’envoler au paradis ? avait demandé l’enfant.

Moi j’aimerais bien, mais je ne sais pas si la grue blanche voudra me prendre sur son dos, avait répondu le vieil homme en souriant tristement. Il s’était levé et avait fait quelques pas au bord du cercle dessiné par terre : ce n’est pas n’importe qui, qui peut monter sur le dos d’une grue blanche, je n’ose même pas y songer. Je peux dire ce que je veux, je ne les empêcherai pas de m’emmener à Xiguan [2].

       

Pourquoi on va t’emmener à Xiguan ? avait demandé l’enfant. Qui veut t’emmener là-bas ?

A Xiguan, il y a un immense crématoire, avait expliqué le vieil homme à ses petits-enfants avec de grands gestes, en imitant le crépitement d’un brasier ; là-bas, on est transformé en une fumée noire ; quand je serai mort, votre père, votre oncle et votre tante veulent m’emmener là-bas, ils ont tout arrangé pour me conduire au grand crématoire.          
      
你不想去就不去呗,小男孩话一出口就知道自己说错了,于是他咯咯地傻笑起来,你要是死了就不能动了,我明白了,小男孩说,你要是死了,他们想拉你去哪儿就去哪儿。            
对了,他们想拉我去哪儿就去哪儿。老人摸了摸孙子的头发,忽然剧烈地咳嗽起来,老人揪着自己的喉部,一边咳嗽着一边说,我让他们……长成…………他们…………把我变成……烟。

      
 Si tu n’as pas envie d’y aller, tu n’as qu’à pas y aller, avait dit le petit garçon, mais il avait réalisé tout de suite que c’était une bêtise, alors il s’était mis à rire bêtement. Quand tu es mort, tu ne peux plus rien faire, j’ai bien compris ça, avait-il  ajouté, les gens t’emmèneront où ils voudront.

Exactement, ils m’emmèneront où ils voudront, avait dit le vieil homme en caressant la tête des enfants, puis il avait soudain été pris d’une violente quinte de toux, et s’était saisi la gorge en articulant entre deux quintes : …. c’est…grâce à … moi … qu’ils sont … des hommes … et ils vont… me… transformer en … fumée.

       

小男孩发现祖父的眼睛里突然噙满了泪,他用手去抹了抹祖父的眼睛,你别怕,小男孩想了想安慰祖父道,他们是吓唬你的,人怎么会变成烟?人不会变成烟的。             

人会变成烟,老人终于止住了咳嗽,老人一动不动地靠在核桃树上说,人是会变成一股烟的。
      

Le petit garçon avait vu les yeux de son grand-père se remplir de larmes, et les lui avait essuyés de la main. N’aie pas peur, avait-il ajouté après un moment de réflexion pour le consoler, ce sont des racontars pour t’effrayer, comment quelqu’un pourrait-il être transformé en fumée ? Ce n’est pas possible.

Mais si, avait rétorqué le vieil homme, adossé contre le noisetier, dont la toux s’était enfin calmée, mais si, on peut être transformé en fumée.

       

春天午后的阳光照耀着祖孙三人,蜻蜓在池塘的水面上飞,粮食种子在池塘边的泥上下生根发芽,蒲公英在路边开出了黄色的小花,那些年幼的生命都环绕着七十三岁的老人飞翔或者生长,老人朝它们挥了挥手,他靠在核桃树上又闭上了眼睛,但他刚睡着就被孙女的声音吵醒了。

       

C’était un après-midi de printemps ; le soleil illuminait le grand-père et ses deux petits-enfants, des libellules volaient à la surface de l’étang, les graines de céréales commençaient à germer dans la terre humide tout autour, et des petites fleurs jaunes de pissenlit s’ouvraient au bord du chemin. Le vieil homme de soixante-treize ans était entouré de cette faune et de cette flore dans leur prime jeunesse, les uns volant, les autres en pleine croissance ; il les salua de la main et, calé contre le noisetier, referma les yeux, mais il s’était à peine endormi qu’il fut réveillé par les cris des enfants.

      
小女孩跳到地上的大圆圈里蹦着跳着,她大声说,为什么要在这里划一个大圆圈呢?    
别在里面玩,老人睁开眼,他朝孙女摇着头说。那是爷爷的地方,你们别在里面玩。
这是你睡觉的地方吗?小女孩说,家里有床,床上才是你睡觉的地方呢。            
等爷爷死了就不能睡家里的床了。老人摇着头说,爷爷只能睡在这儿,就连这儿也睡不成,他们会把我拉去西关的,你爹你叔叔你姑姑他们,他们肯定会把我拉去西关的。
      

La fillette s’amusait à sauter dans le cercle marqué par terre en criant : pourquoi tu as dessiné un grand cercle ici ? 

Ne joue pas là, lui dit le vieil homme en écarquillant les yeux et en hochant la tête. Cet endroit est réservé à votre grand-père, allez jouer ailleurs.

C’est l’endroit où tu dors ? demanda la petite fille. Mais tu as un lit à la maison, c’est là que tu dois dormir.

Quand il sera mort,  grand-père ne pourra plus dormir dans son lit à la maison, expliqua le vieil homme, il ne pourra plus dormir qu’ici ; mais, comme ce n’est pas possible, alors ton père, ton oncle et ta tante vont certainement m’emmener à Xiguan.

      
你要是把自己藏在这里,他们找不到你就不会拉你去西关了。小男孩眼睛一亮,忽然拉住祖父的胳膊说,你要是钻到地下死了,他们找不到你,你不是可以永远躺在这里吗?            
不能躺在这里,小女孩尖声说,这里没有床,还会有毒蛇来咬你的。            
老人转过脸凝望着孙子,他把小男孩揽到怀里说,你刚才说什么?让我钻到地下去死?那是个好办法,可我怎么能钻到地下去呢?            
活埋。男孩眨巴着眼睛想了一会儿,大声说,活埋就是挖个坑,把人埋进去,再把上盖住,你喘不出气来就会死,这样你不就钻到地下去了吗?
      

Mais, si tu te caches ici, ils ne pourront pas te trouver pour t’emmener à Xiguan, dit le petit garçon, les yeux brillants, en saisissant le bras de son grand-père, si tu fais un trou pour mourir sous terre, ils ne te trouveront pas, et alors tu pourras rester allongé ici et y dormir éternellement, non ?

Tu ne peux pas rester dormir ici, dit la fillette d’une voix aigüe, il n’y a pas de lit, et en plus il y a des serpents venimeux qui viendront te piquer.

        

Le vieil homme tourna la tête pour fixer attentivement son petit-fils ; il prit le petit garçon dans ses bras et lui demanda : qu’est-ce que tu viens de dire ? Que je me cache ici sous terre pour mourir ? C’est une très bonne idée, mais comment faire ?  

On t’enterre vivant, dit le petit  garçon en ajoutant avec un clin d’œil, d’une voix forte, après avoir réfléchi un moment : enterrer vivant, ça veut dire creuser un trou et y mettre quelqu’un, puis le recouvrir ; on ne peut plus respirer, alors on meurt. Tu ne veux pas faire ça ?

        

聪明的孩子。老人的身子哆嗦了一下,他的眼神惨淡无光,所以他的笑意看上去凄苦而无奈,多么聪明的孩子,老人紧紧地搂住孙子说,可是谁来给我挖这个坑呢?爷爷年纪大了,力气没了,挖不了这个坑,谁肯来为爷爷挖这个坑呢?
我来挖,男孩说,我会挖坑!
我也会挖坑!女孩也在旁边唯恐落后地叫起来。
你们太小了,老人推开了孙子,一边揉着眼睛一边埋下头来说,挖坑是个力气活,你们干不了的。            
干得了,我挖过坑的。男孩在焦急之中暴露了一件秘密,他附在祖父的耳边说,你记得三叔家的那头羊吗?那头羊不是走丢的,是被我活埋的!

      
Tu n’es pas bête, dit le vieil homme en tremblant, le regard éteint, son visage souriant comme envahi d’une infinie tristesse. Il serra l’enfant très fort dans ses bras : tu es vraiment intelligent, mais qui va creuser ce trou pour moi ? Ton grand-père est trop vieux, il n’a plus la force de creuser un tel trou, qui va le faire pour lui ?

Moi je vais le faire, dit l’enfant, je peux creuser le trou !

Moi aussi je peux le creuser, cria la petite fille qui ne voulait pas être de reste. 

Vous êtes trop petits, répondit le vieil homme en relâchant le petit garçon pour se frotter les yeux, la tête baissée, creuser un trou demande beaucoup de force, vous n’y arriverez pas.

Bien sûr que si, que je peux, rétorqua l’enfant, qui, tout excité, glissa un secret dans l’oreille de son grand-père : tu te rappelles le mouton du troisième oncle ?  Il ne s’est pas perdu, je l’ai enterré vivant ! 

                
老人下意识地伸出手去,他想揪孙子的耳朵,但手伸出去后便疲乏地落下来,落在膝盖上,老人的手在膝盖上哆嗦着,他说,埋羊和埋人不是一回事,羊是牲畜,可爷爷是一个人,爷爷还是一个活人呀。            
人也一样嘛,把坑挖大一点不就行了吗?男孩说。
      

Dans un réflexe automatique, le vieil homme tendit la main pour tirer l’oreille de l’enfant, mais il la laissa retomber et, d’un air las, la posa, tremblante, sur ses genoux. Il ajouta : enterrer un mouton et enterrer un homme, ce n’est pas la même chose ; un mouton, c’est du bétail, mais ton grand-père est un homme, et un homme vivant.

Un homme, c’est pareil, répliqua l’enfant, il suffit juste de creuser un trou un peu plus grand, non ?

      
可是你怎么能把爷爷活埋了呢?我是你爷爷,没有我就没有你爹,没有我也就没有你,你怎么能把你亲爷爷活埋了呢?老人捂着胸又咳嗽了一通,他卷起衣角抹了抹眼睛,说,那不行,你爹知道了非揍死你不可。

只要我们保密,他们就不会知道。男孩回头看了眼他的妹妹,他说,你别担心她,她不敢说出去的,她要敢说出去,看我不揍死她。
      

Mais comment pourrais-tu enterrer ton grand-père vivant ? Sans moi, ton père ne serait pas là, et toi, tu ne serais pas là non plus, tu ne peux pas enterrer ton ancêtre vivant, quand même ? Se tenant la poitrine, le vieil homme se mit à tousser ; prenant un coin de sa blouse, il s’essuya les yeux avant de continuer : non, ça ne va pas, si ton père l’apprend, il va te passer une de ces raclées !  

       
Il n’y a qu’à garder le secret, si on ne dit rien, personne n’en saura rien, dit l’enfant. Tournant la tête vers sa petite sœur, il ajouta : et ne t’en fais pas pour elle, elle n’osera rien dire, sinon, tu peux compter sur moi pour la rosser comme il faut.
        
老人笑了笑,他不再说话。他闭起眼睛想着孙子的那一番话,老人的嘴角上残存着那丝宽和的微笑,但他知道眼泪正在不知不觉中流出来,他听不见眼泪滚落的声音,只听见四周的土地仍然散发着沉沉的叹息声。

男孩把手放在老人的鼻孔下试了试,他说,爷爷,你还在呼吸吧?            
我还在呼吸,我还活着呢,老人仍然闭着眼睛靠在核桃树上,他说,带你妹妹到池塘那边去玩吧,别太吵,你们不是想看白鹤吗?太吵就会把白鹤吓跑的。
      

Le vieil homme se mit à rire et ne dit plus rien. Il ferma les yeux en pensant aux paroles de l’enfant ; il gardait au coin des lèvres un sourire plein de mansuétude, mais ne pouvait retenir des larmes, qui coulaient en silence, sans qu’il en soit conscient ; la seule chose qu’il entendait, c’est ce soupir profond venu des entrailles de la terre, tout autour de lui.  

      
Le petit garçon lui passa la main sous le nez, et lui demanda : grand-père, tu respires encore ?

Mais oui, je respire, je suis encore vivant, répondit le vieil homme, les yeux toujours fermés, appuyé contre le noisetier ; va jouer au bord de l’étang avec ta sœur, et ne faites pas tant de bruit, vous voulez voir la grue blanche, non ? Si vous faites autant de bruit, vous allez lui faire peur et elle ne viendra pas. 
      
小男孩带着小女孩跑到池塘那侧捉泥鳅,他们站在一条新开的沟渠里忙乱了一会儿,没有再捉到一条泥鳅,却看见沟渠里扔着一把铁镐和一把铲子,不知是谁在挖好沟后忘在那儿了。小男孩起初没在意那两件农具,但是在不见白鹤也不见泥鳅的情况下,他觉得很无聊,后来他就捡起了它们,一手拖着铁镐,一手拖着铲子朝核桃树下走去。小男孩一边走一边对小女孩说,你什么都不懂,爷爷害怕火葬,他不想被火烧成一股烟,他想把自己埋起来,埋人一定要先挖一个坑!
      

Le petit garçon partit en courant, et emmena sa sœur du côté de l’étang attraper des loches ; ils restèrent un moment à patauger dans un canal d’irrigation qui venait juste d’être creusé, sans attraper de poisson, mais il trouvèrent une pioche et une pelle que quelqu’un avait dû oublier là après avoir fini le canal. Au début, l’enfant n’avait pas fait attention aux deux outils, mais, sans la moindre grue blanche ni poisson, il commença à s’ennuyer ferme, alors il ramassa les outils, et, traînant la pioche d’une main et la pelle de l’autre, s’en revint vers le noisetier. Tout en marchant, il expliqua à la fillette : tu n’as pas compris, mais grand-père a très peur d’être incinéré, il n’a pas envie d’être brûlé et transformé en fumée, il veut être enterré, mais pour l’enterrer, il faut d’abord creuser un trou !

      
他们走到核桃树下时发现老人睡着了,老人睡梦中的脸让兄妹俩想起了冬天里丝瓜架上的最后一条丝瓜,兄妹俩站在地上的那个大圆圈,他们朝老人看了一会儿,又互相小声地嘀咕了一会儿,后来哥哥就模仿大人挥起铁镐,在大圆圈的中心挖下了第一块泥土。            
铁镐的声音再次惊醒了老人,老人睁开眼说,我让你们别吵,怎么还在这儿吵?白鹤会被你们吓跑的。

没有白鹤,小女孩说,爷爷你骗人,我爹说你老眼昏花,把池塘里的鹅当成白鹤了。         
白鹤会来的。老人抬头望了望天空,他说,太阳还很高呢,等太阳落山白鹤就会来的。
      

Quand ils arrivèrent au noisetier, ils virent que le vieil homme était en train de dormir ; son visage ensommeillé leur rappelait la dernière courge restée sur l’étagère à la fin de l’hiver et ils restèrent là, sur le grand cercle dessiné par terre, à le regarder un moment, en discutant tout bas entre eux ; puis, imitant le geste d’un adulte brandissant une pioche, le grand frère entama la première motte de glaise, au centre du cercle.  

       

Le bruit de la pioche réveilla le vieil homme en sursaut ; écarquillant les yeux, il leur dit : je vous ai dit de ne pas faire de bruit, pourquoi est-ce que vous continuez ? Vous allez faire fuir la grue blanche.        
Il n’y a pas de grue blanche, grand-père, tu nous racontes des histoires, dit la petite fille, papa dit que tu n’y vois plus très bien, que c’est une oie de l’étang que tu as prise pour une grue blanche.

La grue blanche va venir, dit le vieil homme en levant la tête pour scruter le ciel, mais le soleil est encore trop haut, c’est quand il se sera couché derrière la montagne qu’elle va venir.
      
小男孩把铁镐藏在身后,把铲子踩在脚下,他看见老人的目光轻易地找到了它们,突然黯淡,突然又亮了。老人凝视着那两样农具,一直喘着粗气,小男孩便有点惊慌失措,他说,是你自己要活埋的,你可不能去跟我爹告状!

我不告你的状。老人笑了笑,垂下头用手揉着眼睛说,我睡糊涂了,睡这么会儿就把自己的话给忘了,是我自己要活埋的,我不想让他门拉去火葬,我不想变成一股烟,我想留在这里让白鹅把我带走嘛。
      

Le petit garçon avait caché la pioche derrière son dos et mis les pieds sur la pelle, par terre, mais il vit bien qu’ils n’avaient pas échappé au regard du vieil homme, et que son regard éteint avait soudain retrouvé un nouvel éclat. Fixant les deux outils, il reprit son souffle. Quelque peu effrayé, l’enfant lui dit : c’est toi qui veux être enterré, il ne faudra pas en faire le reproche à papa.

Je ne reproche rien à personne, dit le vieil homme en riant, et baissant la tête pour se frotter les yeux. J’ai tellement bien dormi, ça m’a brouillé les idées, je ne me rappelle pas ce que j’ai dit. Si je veux être enterré, c’est pour ne pas être incinéré, et réduit en fumée ; ce que je souhaite, c’est que la grue blanche m’emmène sur son dos.

      
爷爷你忘了?要活埋就要先挖一个坑呀!小男孩说。           
是得先挖一个坑,可是这个坑要挖得很大很深,要能把爷爷的身体藏住,你能挖得那么大那么深吗?老人说。
不用挖得很大,只要挖深就行了,你可以站进去的。小男孩说。            
聪明的孩子。老人慈爱地看着孙子,还有孙子手中的铁镐,还有地上的铲子。过了一会儿老人说,那你就挖吧,抓镐抓得高,挖起来会容易些,挖吧,要是有人问你在干什么,你就说挖坑种树。

小男孩响亮地答应着,再次挥起了铁镐,他对他妹妹说,闪一边去,你什么都不会干,别在这儿碍我的事。

      
Grand-père, tu as oublié ? Si tu veux être enterré, il faut d’abord qu’on creuse un trou ! dit le petit garçon.

Bien sûr qu’il faut d’abord creuser un trou, mais il faut qu’il soit très grand et très profond si tu veux que grand-père puisse s’y cacher ; tu crois que tu vas pouvoir en creuser un suffisamment grand et suffisamment profond ?      

Ce n’est pas la peine d’en creuser un très grand, objecta l’enfant, il suffit d’en creuser un très profond, alors tu pourras t’y mettre debout.    

       

Quel enfant intelligent ! se dit le vieil homme en regardant affectueusement son petit-fils qui tenait encore la pioche, avec la pelle à ses pieds. Il finit par lui dire : eh bien, creuse, vas-y ; lève la pioche bien haut, ce sera plus facile. Et si quelqu’un te demande ce que tu fais, tu n’as qu’à dire que tu creuses un trou pour planter un arbre.
L’enfant acquiesça d’une voix claire et brandit à nouveau la pioche en disant à sa petite sœur : tu ne peux rien faire, alors sors-toi de là, ne me gêne pas.     

      
小女孩朝祖父跑去,她伏在祖父的膝盖上看着她哥哥挖坑,她说,爷爷你别把自己埋起来,埋起来透不出气,你会死的。            
老人在孙女的脸上亲了一口,他说,聪明的孩子,爷爷是会死的,可是死在土里比死在火里好,死在火里爷爷就变成一股烟,死在土里爷爷还能看见白鹤,爷爷想让白鹤带着走呢。

老人紧紧地搂着孙女,看着他的孙子挖坑,老人说,歇口气再挖,别累着,爷爷现在觉得有点力气了,让爷爷自己来挖几镐吧。
      

La petite fille courut vers son grand-père et s’assit, appuyée contre ses genoux, pour regarder son frère creuser. Grand-père, dit-elle, il ne faut pas t’enterrer ; si tu t’enterres, tu ne pourras plus respirer et tu mourras.

Le vieil homme l’embrassa sur la joue en lui disant : tu n’es pas bête, grand-père va mourir, c’est vrai, mais il vaut mieux mourir enterré, que mourir brûlé ; si grand-père meurt dans les flammes, il partira en fumée, alors que, s’il est enterré, il pourra encore voir la grue blanche pour lui demander de l’emmener.
Le vieil homme serra très fort sa petite-fille dans ses bras et regarda son petit-fils qui continuait à creuser. Repose-toi un peu, lui dit-il, ne te fatigue pas, grand-père a repris des forces, maintenant, laisse-le te relayer un peu.

      
池塘那边的小路上偶尔有人经过,有人看见老人带着孙子孙女在核桃树下挖土,他们以为那祖孙三人是在种树,他们想老人疾病缠身,多年末作农活,那么个老人也只能栽栽树了,还有人看见老人带着孙子孙女坐在池塘边东张西望的,他们听说过老人与白鹤的事情,他们从来没见过白鹤,因此就不相信那件事情,他们捂嘴一笑,说,这老汉,今天带着孙子孙女来看白鹤呢。

      
Le hasard voulut que des gens passent sur le chemin au bord de l’étang. Certains virent le vieil homme avec ses petits-enfants creuser sous le noisetier, et ils crurent qu’ils voulaient planter un arbre ; ils pensèrent que ce vieil homme malade n’avait pas travaillé la terre depuis des années, mais qu’on ne pouvait pas empêcher un vieillard d’avoir envie de planter un arbre. D’autres le virent regarder de tous côtés, avec ses petits-enfants, et l’entendirent raconter l’histoire de la grue blanche ; ils n’en avaient jamais vu, et n’y croyaient donc pas ; alors ils s’en allèrent en riant sous cape : ah ce vieux, le voilà qui emmène ses petits-enfants voir la grue blanche, maintenant !    

      
黄昏时候池塘边仍然没有白鹅饮水的身影,核桃树下的上坑却挖得很深了,参加挖坑的祖孙三人都已经累坏了,他们坐在潮湿的新土堆上俯视着脚下的深坑,看见阳光无力地透过核桃树投在坑内,坑内似乎闪烁着许多碎金的光芒,看上去温暖而神秘。'老人替孙子抹去了额上的汗,他说,看把你累成什么样子了,可你不知道你帮爷爷干了件多大的事呀。
      

Au crépuscule, il n’y avait toujours pas eu l’ombre d’une grue blanche venue boire au bord de l’étang ; en revanche, le trou sous le noisetier était maintenant très profond, mais les trois compères étaient épuisés ; assis sur le tas de terre humide, ils observaient le trou profond à leurs pieds, en contemplant les rayons du soleil qui, passant sans effort à travers les feuilles du noisetier, venaient en éclairer l’intérieur ; on aurait dit un écran scintillant de mille particules de lumière dorée, donnant une impression de chaleur et de mystère. Le vieil homme essuya la sueur sur le front de son petit-fils en lui disant : regarde dans quel état de fatigue tu es, mais tu ne sais pas l’immense service que tu as rendu à ton grand-père.

       

男孩说,不累,等会儿盖土就省力啦。            
老人让孙子去听深坑里的声音,他说,你听见坑里发出的声音了吗?那是泥土在下面叹气呢,泥土其实一年四季都在叹气的。
男孩趴在坑沿上听了会儿,拾起头说,没有叹气,土里什么声音也没有。            
你也听不见。老人摇了摇头说,你们都听不见泥土叹气的声音,只有我知道它在叹什么气,现在泥土正为我叹气呢。
      

Je ne suis pas fatigué, dit le petit garçon, mais j’économise mes forces pour refermer le trou, tout à l’heure.

Le vieil homme fit écouter à l’enfant le bruit qui venait des profondeurs du trou : tu entends le bruit qui vient du trou ? C’est la terre, en dessous, qui soupire ; en réalité, elle soupire tout le temps.

Le petit garçon se pencha au bord du trou pour écouter, mais il releva la tête au bout d’un instant en disant : mais non, on n’entend rien, il n’y a pas de soupir.

Tu n’entends pas, dit le vieil homme en hochant la tête, personne n’entend, il n’y a que moi qui sait que la terre soupire ; maintenant, elle vient de soupirer pour moi.    

       
爷爷,你是不是不想进去了?男孩端详着祖父的脸,他说,你怎么哭了?是你自己要这样的,你要是不想埋就别埋了,我们回家吧。            
不,我就要进去了,老人缓缓地站起来,他扶住孙子的肩膀说,我是高兴才掉的泪,你才这么小,却帮了爷爷的大忙,现在爷爷真的要藏起来了,等会儿盖土的时候千万别怕,你得把爷爷盖得严严实实的,他们才找不到我,千万别怕,记着你是在帮我,爷爷不想变成一股烟呀。            
我不怕。男孩看着手里的铲子说,我会用铲子,铲土很容易。
      

Grand-père, tu veux t’y mettre ou pas ? demanda l’enfant en scrutant le visage de son grand-père, pourquoi tu pleures ? C’est toi qui as voulu qu’on fasse ça, mais si tu ne veux plus qu’on t’enterre, on ne t’enterre pas, on rentre à la maison.

        

Non, je vais m’y mettre, déclara le vieil homme qui se leva tout doucement en s’appuyant sur l’épaule de l’enfant, c’est parce que je suis content que je pleure ; tu es encore petit, mais tu as été d’une grande aide à ton grand-père, maintenant il va pouvoir se cacher là ; après, n’aie pas peur de me couvrir de terre, il faut bien me recouvrir, pour qu’on ne puisse pas me trouver, et surtout n’aie pas peur, rappelle-toi que c’est pour m’aider, pour que ton grand-père ne parte pas en fumée.

       

Je n’ai pas peur, répondit l’enfant en regardant la pelle qu’il avait dans les mains, je sais bien me servir d’une pelle, c’est très facile.

       
老人朝池塘上空观望了一会儿,自言自语着,太阳下山了,白鹤该飞过来了。老人扣好了衣服的扣子,又转向呆坐在旁边的小女孩说,等会儿你别朝爷爷看,你看着池塘,你会看见白鹤的,喏,白鹤就在那边喝水。            
老人小心翼翼地滑进了深坑中,祖孙三人的劳动竟然巧夺天工地容纳了老人的身体,老人站在坑内,仰着脸对孙子露出了满意而欣慰的笑容,他说,好孩子,现在开始铲立吧,记住,一铲接住一铲,我不让你停你就千万别停,来,开始铲土吧。
      

Le vieil homme contempla l’étang d’un regard éteint, en murmurant comme pour lui-même : le soleil se couche derrière la montagne, la grue blanche va venir. Il boutonna sa blouse bien comme il faut, et se tourna vers la petite fille qui était assise à côté sans broncher : maintenant, tu ne vas plus regarder grand-père, tu vas bien regarder l’étang, et tu vas voir arriver la grue blanche qui va venir boire sur le bord. 

       

Alors le vieil homme se laissa glisser à l’intérieur du trou avec d’infinies précautions ; c’était un superbe travail qu’il avait accompli avec les deux enfants, le trou était parfaitement à sa taille ; il s’y allongea et, content, tourna vers son petit-fils un visage souriant en lui disant : c’est bon, tu peux commencer à envoyer la terre, et surtout rappelle-toi bien, une pelletée après l’autre, il ne faut surtout pas t’arrêter, allez, vas-y.

      
男孩顺从地开始铲土,除了几声沉闷的咳嗽声,他没再听见祖父的嘱咐。祖父已经嘱咐过了,不让他停他就不能停。于是男骇一铲接一铲地往坑里填土,他看见潮湿新鲜的黑土盖住了祖父花白的头发,这时候他犹豫了一下,他说,爷爷,再填你会透不过气的,他听见了祖父在泥土下面的回答,祖父说,别停,再来一铲土,告诉他们,我乘白鹤去了,泥上下面传来的声音听来很遥远,但却是清晰的,男孩记住了他祖父最后一句话,他想祖父在泥土下面或许也能透气的,他还在说话嘛,他说他乘着白鹤去了。
      

Le petit garçon obéit et se mit à pelleter la terre, sans plus rien entendre de son grand-père, hormis quelques quintes de toux caverneuses. Il lui avait dit de ne pas arrêter, alors il n’était pas question d’arrêter. Il envoya une pelletée de terre après l’autre dans le trou, mais, quand il vit la terre noire, fraîche et humide, couvrir les cheveux blancs de son grand-père, il eut un instant d’hésitation et demanda : grand-père, quand j’aurai terminé, tu ne pourras plus respirer. Alors il l’entendit lui répondre de dessous la couche de terre : n’arrête pas, continue à pelleter, tu leur diras que je suis parti sur le dos de la grue blanche. Le son de sa voix semblait venir de très loin, mais il était très net. En se rappelant les dernières paroles de son grand-père, par la suite, l’enfant se dit qu’il arrivait peut-être encore à respirer, sous la terre, en tout cas, il pouvait encore parler : il avait dit qu’il était parti sur le dos de la grue blanche.

       

那天夜里男孩一手拉着他妹妹,一手拖着把铁铲回到了家,男孩站在门口拍打着身上的泥土,他突然觉得有点害怕,他用一种尖厉的声音对大人们说,爷爷乘着白鹤去啦!

       

Ce soir-là, l’enfant rentra chez lui en traînant d’une main sa petite sœur et de l’autre la pioche ; sur le seuil, il se brossa un peu pour faire tomber la terre qu’il avait sur lui, et, brusquement, il eut un peu peur, alors il cria d’une voix stridente à ses parents : grand-père est parti sur le dos de la grue blanche !

       

       

      


[1] Voir l’analyse comparée de la nouvelle et du film :

http://www.chinesemovies.com.fr/films_Li_Ruijun_Fly_with_the_Crane.htm

[2] Xiguan, littéralement "la passe de l’Ouest", nom symbolique, l’Ouest étant le séjour des morts.

      
      

 


      

      

     

 

 

     

 

 

 

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