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Li Ang « Tuer son mari » - chapitre introductif

李昂《殺夫》 几则新闻

Un fait divers

par Brigitte Duzan, 1er février 2016

 
Dépêche du … de l’année….
××年×月×日讯。

 

一对住鹿城北角陈厝的夫妇,男陈江水,四十多岁,以杀猪为业,妻陈林市,年二十余。×日陈林市突然以丈夫杀猪用的屠刀,谋害亲夫,肢解尸体,将尸体斩为八块,装置藤箱中企图灭尸,幸赖隔邻警觉,及时发现报警。
问何以杀夫,陈林市回答,丈夫对她太凶狠残暴,每日喝酒赌博,回来打骂她作乐。知道她害怕见人杀生,还强带她至屠场观其杀猪。事发之日,丈夫带回来一把屠刀,状极凶恶,恐不利于她,天亮俟丈夫熟睡后,她即以所见的屠宰方法,将丈夫像杀猪一样的肢解了。想他一生残害猪只不计其数,也算管生灵报仇。

 

按陈林市供词,于情于理皆不合。自古以来,有道无奸不成杀,陈林市之杀夫,必有奸夫在后指使,有待有关当局严查。又有谓陈林市神经有病,久看丈夫杀猪,得一种幻想恐惧病而致杀夫。但谋杀亲夫乃是社会道德问题,岂能以神经患病为由加以恕有,还待当局严加办理此案,以息舆沦,以区社会风气。
轰动一时的陈林市谋杀亲夫一案,虽查不出奸夫,但以陈林市这伦,罪大恶极,判决监候枪毙,昨已送进台南府大车。为应社会舆论、民俗国情,在送大牢前特将陈林市绑在送货卡车上,由八名刑警监押,另一人打锣游街。陈林市所到,真是人山人海,万人空巷。然有观者称惜,谓陈林市既不美貌,又不曾看到奸夫,游街因而不十分好看。
然将谋害亲夫之淫妇游街示众,有匡正社会风气之效,故此次陈林市之游街,虽少奸夫仍属必需,相信妇辈看了能引以为戒,不致去学习洋人妇女要求什么妇女平权、上洋学堂,实际上却是外出抛头露面,不守妇戒,毁我于年妇女名训。
寄望这次游街,可使有心人士出力挽救日愈低落的妇德。
 


Le couple dont il va être question habitait le district de Chencuo, au nord de Lucheng. Le mari, Chen Jiangshui, boucher de son état, avait dépassé les quarante ans, et sa femme, Chen Lishi, en avait un peu plus de vingt. Le…, Chen Lishi a soudain empoigné le couteau de son mari et l’a tué, puis elle a découpé le cadavre en huit morceaux, qu’elle a cachés dans une malle d’osier. Elle se disposait à éliminer le corps lorsque, fort heureusement, des voisins l’ont aperçue à temps et ont alerté la police.

 

Interrogée sur les mobiles de son crime, Chen Lishi a répondu que son mari était tyrannique et violent, qu’il passait son temps à boire et à jouer, et que, quand il rentrait, il ne cessait de l’injurier et de la battre à plaisir. Et comme, en outre, il savait qu’elle avait du mal à supporter le spectacle des animaux qu’il maltraitait, il la traînait chaque jour à l’abattoir pour qu’elle l’observe égorger les porcs. Ce jour-là, Chen Jiangshui tenait encore son couteau quand il était rentré, et il avait l’air encore plus mauvais que d’habitude. Chen Lishi avait donc eu très peur. Elle avait attendu l’aube, et, alors qu’il était encore profondément endormi, elle l’avait tué et dépecé comme elle l’avait vu faire des porcs. Elle s’était dit que, ce faisant, elle vengeait aussi l’âme des innombrables bêtes qu’il avait martyrisées comme elle.

 

Mais les aveux de Chen Lishi n’avaient pas une once de bon sens. Depuis l’aube des temps, on sait bien qu’un meurtre conjugal est la suite d’un adultère, et on attendait donc des autorités qu’elles recherchent l’amant. D’autres pensaient au contraire que Chen Lishi était une névrosée qui avait développé une compulsion obsessive à force de voir son mari tuer les porcs, et en avait fini par le tuer. Mais tuer son mari est une atteinte à la moralité que la société doit réprouver sans que la maladie puisse être une excuse, il fallait donc traiter ce cas avec la plus grande sévérité, dans l’intérêt de la morale publique.

 

Bien que l’on n’ait pu prouver que Chen Lishi avait un amant, cette affaire retentissante fut résolue par sa condamnation à mort, en raison de l’extrême gravité de son acte. Dans l’attente de son exécution, elle a été conduite hier à la prison de la préfecture de Tainan où, pour se conformer aux attentes de la population et aux usages nationaux, avant de l’enfermer, on l’a promenée dans les rues, ligotée à l’arrière d’une camionnette, encadrée par huit gardes accompagnés d’un neuvième homme battant le tambour. Il y avait un monde fou sur son passage, les ruelles alentour étaient désertes. Pourtant les gens ont été déçus, d’abord parce que Chen Lishi n’avait rien d’une beauté, et ensuite parce qu’il n’y avait pas d’amant, ce qui enlevait beaucoup d’attrait au spectacle.

 

Pourtant, parader ainsi aux yeux de tous une femme dénaturée qui a tué son mari est utile pour la morale publique ; je suis persuadé que les femmes en tireront un message de retenue, bien nécessaire par les temps qui courent, afin d’éviter que les femmes aillent singer les Occidentales en réclamant je ne sais quelle égalité de droits, pour aller étudier dans les universités étrangères, par exemple, mais en fait pour se montrer tête haute sur la place publique sans respect pour les principes de modération qui conviennent aux femmes ; le sort de Chen Lishi sera une leçon pour elles.

 

 

 

 

 

 

 

 

     

 

 

 

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