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Dossier Réforme agraire

 

Préambule

B. Le Soviet du Jiangxi

par Brigitte Duzan, 10 mars 2021

 

Brève histoire du Soviet

 

Après sa fondation, en 1921, le Parti communiste a commencé très vite à organiser les paysans les plus pauvres autour de sa base de Canton. Peu à peu, ce mouvement s’est développé dans tout le sud de la Chine, dans le cadre du premier Front uni avec le Guomingdang à partir de 1924, en accord avec le principe de Sun Yat-sen de distribution égalitaire de la terre. Mais, en avril 1927, le Guomingdang rompt le Front uni en massacrant des milliers de Communistes à Shanghai. C’est le début d’une période de conflit armé ; les Communistes établissent des « Soviets » dans le sud et le sud-est de la Chine et procèdent aux premières confiscations et redistributions de terres.

 

Le Soviet du Jiangxi, ou République soviétique chinoise du Jiangxi (Zhōnghuá Sūwéi'āi Gònghéguó 中华苏维埃共和国), est créé à Ruijin (瑞金) le 7 novembre 1931, date anniversaire de la Révolution d’Octobre de 1917 qui avait porté les Bolchéviques au pouvoir.

 

Profitant du départ des troupes nationalistes vers le nord pour combattre les Japonais qui venaient d’envahir la Mandchourie, Mao

 

Création du Soviet du Jiangxi, 7 novembre 1931

organise, avec l’appui soviétique, une base centrale regroupant plusieurs bases de guérillas communistes éparpillées sur le territoire chinois. C’est là que, de Shanghai, se déplace le centre du PCC ; Zhou Enlai y arrive en décembre pour prendre ses fonctions de chef du Parti. Il s’agit de centraliser et d’organiser les opérations.  

 

Les locaux du gouvernement provisoire du Soviet du Guangxi

 

Le Soviet est assiégé à diverses reprises par les troupes nationalistes ; la cinquième campagne d’encerclement (第五次围剿), débutée en septembre 1933, est décisive : un an plus tard, le 15 octobre 1934, Mao décide de rompre le blocus et d’entreprendre la Longue Marche jusqu’au Shaanxi. Mais le Soviet a continué d’exister jusqu’en 1937 dans les zones sous contrôle communiste. Il ne disparaît officiellement qu’avec la proclamation du deuxième Front uni avec le Guomingdang le 22 septembre 1937.

 

Réforme agraire : 1931-1937

 

Le Soviet s’est doté d’une banque (établie le 1er février 1932) et d’institutions étatiques, dont un service postal et un bureau de collecte des impôts. Mais sa réalisation la plus importante fut la campagne de réforme agraire lancée dès l’établissement du Soviet avec l’expropriation manu militari des grands propriétaires terriens.

 

Parallèlement à la fondation du Soviet est réuni un « Premier Congrès des soviets de délégués [d’ouvriers, de paysans et de soldats] de toute la Chine » (第一次全国代表大会) qui ratifie les confiscations de terres déjà réalisées. Puis est promulguée une « Loi agraire de la République des soviets de Chine » (《中华苏维埃共和国土地法》) qui est une

 

Un billet émis par la Banque nationale du Soviet, avec l’effigie de Lénine

première mouture de la Loi de 1946, première ébauche de la Loi de 1950. Elle stipulait que les terres des propriétaires et paysans riches devaient être confisquées sans compensation, mais avec quelques aménagements dans le cas de paysans travaillant eux-mêmes leurs terres et non engagés dans des activités contre-révolutionnaires.  

 

C’était un programme radical, conçu sous l’influence des conseillers soviétiques, les « 28 Bolchéviques » présents à Ruilin, malgré les tensions latentes dans la direction collective. Le préambule mettait l’accent sur les objectifs de ce programme de confiscation et redistribution : détruire l’ordre social féodal, ainsi que le pouvoir du Guomingdang, et accomplir une révolution agraire et anti-impérialiste pour bâtir un régime de soviets de paysans et de travailleurs.  Cependant, comme les suivantes, la loi soulignait bien qu’il s’agissait de détruire les structures féodales, mais qu’il ne fallait en aucun cas recourir à la force.

 

En 1934, lors d’un deuxième Congrès des soviets, Mao Zedong annonça que des millions de paysans avaient procédé aux expulsions de propriétaires et de riches paysans et que l’usure et les diverses taxations abusives avaient été abolies, selon la politique du Soviet. C’est la politique poursuivie jusqu’à l’établissement du deuxième Front uni avec le Guomingdang, conclu en septembre 1937 pour lutter contre l’envahisseur japonais.

 

Après 1937

 

Retour au Front uni

 

Le Front uni marquait la fin du Soviet, mais aussi de sa politique radicale de réforme agraire, remplacée par une « politique agraire de Front uni » qui mettait un bémol aux expropriations pour mettre en œuvre la politique dite de « Double réduction » : réduction des taux d’intérêt et des fermages. C’était en fait le programme du Guomingdang, établi à Nankin en 1927, qui visait à aider les paysans sans s’en prendre aux propriétés ; mais il était resté sur le papier. Appliqué par les Communistes à partir de 1937, il représentait un compromis en temps de guerre, demandant à tous, paysans et propriétaires, de faire des sacrifices pour sauver la patrie.

 

Retour à la réforme après la guerre

 

Ce programme vola en éclats après la défaite du Japon en 1945, du fait de la guerre civile. Pour vaincre le Guomingdang, les Communistes avaient besoin de mobiliser l’ensemble des paysans ; l’heure était à nouveau aux expropriations, étendues à une plus large proportion de paysans, avec un vaste programme précisé dans une nouvelle loi dite « Loi du 4 mai » promulguée en 1946, peu de temps avant que soit officiellement déclarée la guerre dite « de Libération » le 7 juin.

 

Une guerre en suivait une autre, et la Réforme agraire entrait dans une nouvelle phase dont le but était maintenant la victoire contre le Guomiingdang comme dernier bastion du féodalisme.

 

 

Bibliographie

 

The Foundations of Mao Zedong’s Political Thought, 1917-1935, Branly Womack, University of Hawai’I Press, 1982. Chapter 4 : Governing the Chinese Soviet Republic 1931-1934, pp. 143-185.

 

Party, Society, and Local Elite in the Jiangxi Communist Movement, Journal of Asian Studies 1987 https://www.jstor.org/stable/2056015?seq=1

[Le Soviet marquait le retour en force des Communistes dans le Jiangxi après l’échec du soulèvement de Nanchang en 1927 et la fuite vers le sud qui semblait condamner le mouvement révolutionnaire dispersé. Pourtant, trois ans plus tard, les communistes étaient de retour en force. On a expliqué ce succès à la fois par la « stratégie rurale » de Mao et l’ineptie du gouvernement nationaliste.]

 

 

     

 

 

 

 

 

     

 

 

 

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