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Club de lecture de littérature chinoise (CLLC)

Compte rendu de la séance du 16 octobre 2024

et annonce de la séance suivante

par Brigitte Duzan, 23 octobre 2024

 

Cette deuxième séance de l’année 2024-2025 du club de lecture, désormais hébergé à la librairie le Phénix, était consacrée aux Trois Royaumes (histoire et roman) :

 

- Les Trois Royaumes (《三国演义), le roman de Louo Kuan-tchong (Luo Guanzhong 罗贯中), traduction intégrale, notes et commentaires de Nghiêm Toan et Louis Ricaud, en sept volumes.

Tome I, introduction de Jean Lévi et les 15 premiers chapitres, Flammarion/Unesco, coll. « Aspects de l’Asie », 1987/rééd. 2009.

 

 

 

La série des sept volumes (1987-1991)

 

- Trois Royaumes : La Chine au IIIe siècle, un monde en convulsions, Danielle Elisseeff, Passés/Composés, 2023 [1].

 

Geneviève B. a une superbe édition illustrée du roman – en coffret - qu’elle avait prévu d’apporter, mais elle en a juste envoyé des photos car elle avait mal noté la date et a raté la séance…

 

 

 

 

Lecture ardue

 

C’est surtout le roman de Luo Guanzhong qui a été discuté, avec souvent beaucoup de passion, l’ouvrage de Danielle Elisseeff venant en complément utile dans quelques cas pour donner une vision claire d’une histoire passablement compliquée, ce qui correspond tout à fait à l’objectif de vulgarisation de l’ouvrage. C’est le cas de Giselle H. qui s’est d’abord concentrée sur ce livre, dont elle a trouvé particulièrement intéressants les derniers chapitres sur les découvertes archéologiques.

 

D’ailleurs a-t-il été lancé à ce propos sur un mode ironique, un « Trois Royaumes pour les nuls » serait le bienvenu. Mais finalement pourquoi pas ? Car il faut bien dire que le roman n’est pas une lecture de tout repos, et que l’on peut se perdre dans les méandres de l’action et les retournements de situations. Ainsi Sylvie D. a bien apprécié l’art narratif qui rend très attrayante la lecture de certains épisodes, comme celui du stratagème de Cao Cao quand, capturé au siège de Puyang, il réussit à s’enfuir en traversant la porte en feu de la ville… Le récit se poursuit à un rythme haletant, mais le problème, dit Sylvie, est qu’il lui a été difficile d’avoir une vue d’ensemble, et que sa lecture est restée au stade de bribes.

 

Cette difficulté se retrouve dans le cas de l’autre grand classique qui a été cité en comparaison, pour être bâti selon un schéma semblable de séquences de conteur, avec un infini foisonnement de personnages : le Shuihuzhuan (《水浒传》) c’est-à-dire « Au Bord de l’eau » - roman qui est dans la liste des candidats au programme du club un jour prochain, dans la superbe traduction de Jacques Dars.

 

Mais justement le roman de Luo Guanzhong pèche de ce côté-là : il faut bien dire – comme pour le Zhuangzi – que la traduction française n’aide pas la lecture, bien qu’elle soit plus « lisible ». Ce qui est surtout en cause ici, c’est la transcription des noms, ce qui est gravissime dans une narration qui tient au récit de hauts faits de personnages qu’il est important d’identifier. La transcription EFEO était logique quand la traduction a été réalisée, dans les années 1980 ; aujourd’hui, elle n’a plus cours et on peine à comprendre que, lors de la réédition de la traduction de ce grand classique, en trois tomes, en 2009, l’éditeur n’ait pas pris le soin de rectifier au moins ce trait d’obsolescence [2].

 

Forcément, dans ces conditions, les avis de lecture diffèrent selon que l’on peut ou non s’aider du texte chinois, mais aussi selon que l’on a ou non des références historiques et littéraires, voire des souvenirs d’enfance, permettant de mieux comprendre le récit et in fine d’y prendre plaisir et de se l’approprier. Le roman suscite aussi des passions bibliophiles. On aurait pu faire une synthèse de la séance par thème, mais ce qui est intéressant, c’est la variété des réactions à la lecture d’un tel ovni littéraire, toujours vivant car il ne cesse de se refléter dans la réalité et l’actualité, et dans les esprits.

 

[J’ai ajouté mes commentaires entre crochets. Les citations sont tirées du texte chinois en ligne https://ctext.org/sanguo-yanyi/zhs]

 

Plaisirs de lecture et actualité du roman

 

Beaucoup de membres du club ont des souvenirs des « Trois Royaumes » datant de leur enfance et/ou de leurs études – études en Chine ou en France : F. Josse, par exemple, se souvient des cours de Jacques Pimpaneau sur le sujet, à l’Inalco. Ce qui fait penser dès l’abord au dicton bien connu concernant la lecture des quatre grands classiques (四大名著) :

 

            少不读水浒,老不读三国。

男不看西游,女不看红楼。

            Les jeunes ne devraient pas lire Au bord de l’eau (Shuihuzhuan《水浒传》),

les personnes âgées Les Trois Royaumes (Sanguo yanyi《三国演义》)

Les hommes ne devraient pas lire le Pèlerinage vers l’Ouest (Xiyouji《西游记》),  

les femmes Le Rêve dans le pavillon rouge (Hongloumeng《红楼梦》 ).

 

Que les jeunes ne doivent pas lire Au bord de l’eau, avec ses récits de sièges et de pillages considérés comme des exploits, c’est pour éviter le danger de leur voir y puiser des idées de crimes et de rébellion [3] ; que le Pèlerinage vers l’Ouest ne soit pas recommandé aux hommes, c’est pour qu’ils ne soient pas déprimés, en voyant les valeureux héros accomplir tant d’exploits, à l’idée que, eux, n’ont rien accompli de tel ; quant aux femmes, elles ne trouveraient que de mauvais exemples dans le Rêve dans le pavillon rouge. Pour les Trois Royaumes, enfin, l’explication généralement donnée est que le roman montre un monde chaotique, où le pouvoir est instable, où les alliances ne durent pas, bref un monde qui rappelle à chaque page l’impermanence des choses, leur caractère éphémère et imprévisible, donc un roman à ne pas mettre entre les mains de personnes déjà hantées par la mort… Le club a vaillamment résisté.

 

Ø  Zh. Guochuan est de celles qui garde de bons souvenirs des Trois Royaumes datant des bancs de l’école, mais surtout sous forme de citations apprises par cœur.

 

Elle l’a donc relu avec plaisir, ou plutôt écouté car elle a d’abord préféré la version audio en 147 épisodes, qui renoue avec le genre pinghua (评话), c’est-à-dire l’art traditionnel du conteur dont est issue la version de Luo Guanzhong. Mais elle s’est rendu compte, malheureusement, que cette version n’allait même pas jusqu’à l’apparition du personnage de Zhuge Liang.

 

Sa seconde lecture lui a surtout permis de mieux apprécier le personnage de Cao Cao, longtemps démonisé dans l’imaginaire populaire et représenté à l’opéra comme le méchant perfide au visage blanc, contrastant avec le visage rouge de Guan Yu symbolisant sa loyauté. Cao Cao reste un personnage complexe et ambigu, qualifié par certains de « héros traître en temps de chaos » (乱世奸雄) tandis que d'autres voient en lui un ministre compétent (治世能臣), au service d’un empereur dépassé par les événements.

 

Après avoir lu la première moitié du roman, elle s’est beaucoup attachée à ce personnage qui a de nombreuses qualités, et d’abord celle de savoir prendre de grandes décisions au bon moment. Une scène qui l’a frappée – par sa construction dramatique - est celle où Lü Boshe (吕伯奢), qui a accueilli chez lui Cao Cao fuyant Luoyang, sort acheter du vin en son honneur. Pendant ce temps, Cao Cao entend derrière la maison un bruit de couteaux et des voix de la famille de Lü disant : «  On va l'attraper et le tuer, qu'en dites-vous ? » ( 缚而杀之,如何? ) Pris de méfiance, Cao Cao tue sans attendre les huit personnes. Ce n'est qu'ensuite qu'il réalise qu'ils avaient seulement parlé d’un cochon qu’ils voulaient tuer pour le lui servir. Mais, après avoir compris qu'il avait tué des innocents, Cao Cao tue Lü Boshe à son tour, de peur que celui-ci, découvrant le massacre, le dénonce aux autorités. Et lorsque Chen Gong le critique en lui disant « Savoir et tout de même tuer, c’est un grand acte d'injustice ! » ( 知而故杀,大不义也!), Cao Cao lui lance sa fameuse réplique : « Mieux vaut que je trahisse les autres que de laisser les autres me trahir » (宁教我负天下人,休教天下人负我 ).

 

Cette phrase célèbre est souvent citée pour illustrer l'absence de pitié de Cao Cao. Cependant, dans cette situation où il est pourchassé par Dong Zhuo, il n’a pas tort de rester vigilant. On dit aussi qu’en tuant Lü Boshe, il a d'une certaine manière abrégé ses souffrances car si Lü Boshe avait  découvert sa famille massacrée, il aurait dû affronter une douleur immense : n’y a-t-il pas plus grande tristesse pour un vieil homme que d’enterrer ses enfants (白发人送黑发人) ?

 

[Cette scène est typique de la dramatisation des événements contés sous la plume de Luo Guanzhong, à l’instar des conteurs, mais aussi du processus de vilification du personnage. Il y a en fait trois versions de cet épisode : dans deux versions, dans deux recueils d’anecdotes, l’accent est mis, en quelques mots rapides, sur les bruits de couteaux venant de la cuisine, suscitant le peur de Cao Cao et sa réaction brutale ; mais, selon le « Livre de Wei » (《魏书》), dans les Annales dynastiques, Lü Boshe n’était pas chez lui quand Cao Cao, fuyant la colère de Dong Zhuo, est passé par là, ses fils et d’autres ont tenté de voler les chevaux de Cao Cao qui a tué les voleurs. Dans les versions précédentes, en outre, Cao Cao dit « il vaut mieux que je trahisse les autres…() », réaction d’auto-défense, dans le roman c’est devenu : « il vaut mieux que je trahisse le monde entier ...  (天下人) ». Cao Cao devient le vilain de la fable.]

 

Cao Cao, cependant, avait des qualités et savait en particulier repérer les personnes talentueuses et s'entourer de gens compétents. Guochuan cite l’exemple de son amitié avec Guan Yu. Cao Cao lui a organisé des banquets, offert des tuniques de brocart, de l’argent, de belles femmes, et même le légendaire cheval Lièvre rouge (赤兔马), [qui avait été offert à Lü Bu par Dong Zhuo]. Il lui a même offert un sachet pour sa barbe, afin de montrer son estime envers ce « Beau Barbu » (美髯公). Un autre exemple des qualités de cœur de Cao Cao concerne le général Dian Wei (典韦) : lors d'une bataille, Cao Cao a perdu son fils aîné, son neveu et un précieux cheval, et en outre son grand général Dian Wei. Pourtant, c’est uniquement pour Dian Wei qu’il a versé des larmes, exprimant son profond attachement envers lui en disant : « Perdre mon fils aîné et mon neveu ne m’afflige pas autant que la perte de Dian Wei » (吾折长子爱侄俱无深痛,独号泣典韦也! )

 

Enfin, Cao Cao était également un grand poète. Il est, avec ses fils, la figure de proue de la littérature dite de l’ère Jian’an (建安文学). On trouve ses poèmes dans un recueil intitulé Poèmes de Cao Cao, traduit par Jean-Pierre Diény et édité par le Collège de France [4]. Il y a un poème que presque tous les lycéens chinois ont appris par cœur, car il figure dans le manuel de chinois pour la classe de Seconde (人教版高一必修上册语文) : c’est celui composé par Cao Cao à la veille de la bataille de la Falaise rouge.

 

[Ce poème est tellement célèbre qu’il en a inspiré de nombreux autres, dont des Odes de Su Shi, ainsi que nombre d’illustrations en peinture, et même en gravure de sceaux :

http://www.chinese-shortstories.com/Histoire_litteraire_Breve_Histoire_VI_Trois_Royaumes_

1D_Falaise_rouge.htm]

 

Enfin, Guochuan a noté un détail intéressant qui montre à quel point Cao Cao est toujours présent dans la société d’aujourd’hui : outre une chanson très populaire du chanteur JJ Lin Junjie que tout le monde de sa génération connaît par cœur (https://www.youtube.com/watch?v=3J_bkgexrE8), elle a remarqué, dans les rues parisiennes, des taxis portant le nom de Cao Cao ! En effet, Cao Cao chuxing 曹操出行 (anciennement 曹操专车) est le nom d’une plateforme de covoiturage chinoise (https://www.caocao.com.cn/). Selon les informations données sur le site, la rapidité étant l’un des objectifs principaux de cette entreprise de covoiturage, son nom a été choisi en raison de l’expression populaire « Quand on parle de Cao Cao, le voilà » ( 说曹操,曹操到 ) ! [5]

 

Ø  MRC apporte une vue très personnelle des Trois Royaumes car, dit-il, « il a grandi avec ». C’est-à-dire en regardant le premier feuilleton, celui réalisé en 1994 : un épisode par jour pendant six mois quand il était enfant.

 

Les 84 épisodes (d’une quarantaine de minutes) de ce feuilleton de 1994 sont en ligne sur YouTube [6] :

https://www.youtube.com/playlist?list=PLIj4BzSwQ-_ueXTO7EBmShk1b3lEqc5b_

C’est l’un des feuilletons les plus « chers » de l’histoire de la télévision chinoise, avec des reconstitutions de batailles impressionnantes, qui vaudrait un développement à part entière, ne serait-ce que pour le chant introductif, une ode au fleuve Jaune… mais aussi son sous-titre évoquant les Trois Royaumes comme un tripode soumis aux vents du changement (sān zú dǐnglì, fēngyún biànhuàn 三足鼎立 风云变幻).

 

Visite à la Cité des Trois Royaumes, à Wuxi

En vacances en Chine cet été, il est allé à Wuxi (无锡), dans le Jiangsu, sur les bords du lac Taihu et du Grand Canal [7], pour visiter la cité du cinéma, au bord du lac, véritable studio en plein air où se trouve, entre autres, la « cité des Trois Royaumes » (无锡三国影视城) construite en 1987 pour le tournage du feuilleton de 1994.

 

On peut y voir le camp naval de Cao Cao et celui de l'armée de Wu, au bord du lac Taihu. La scène la plus grandiose de la série — la bataille de la Falaise Rouge — a été filmée là. Mais on trouve aussi le Jardin des Pêchers où les « trois valeureux héros » Liu Bei, Guan Yu et Zhang Fei « nouent amitié jurée et festoient » au premier chapitre du roman (宴桃园豪杰三结义), ou encore le palais de Wu où Liu Bei vient épouser la sœur de Sun Quan (chapitre 54). MRC souligne l’important travail de préparation des acteurs, en particulier, pour ces feuilletons de grands classiques réalisés dans les années 1980 et 1990, dont Le Rêve dans le Pavillon Rouge (de 1987) est sans doute le plus célèbre, avec stages de guzheng, de calligraphie et de peinture, discussion du scénario, etc. Ces feuilletons suscitent toujours des passions pour leur qualité artistique, ce qui montre bien, dit-il, combien ces grands classiques restent ancrés dans le cœur des Chinois.

 

Un exemple de l’art narratif du roman : le chapitre 46

(épisode 34 du feuilleton de 1994)

 

Dans le titre du roman San Guo Yanyi (《三国演义》), le terme yǎnyì 演义 désigne une forme littéraire proche du roman historique qui consiste à retravailler les faits historiques en les modifiant dans un sens littéraire, en y intégrant des épisodes fictionnels, non sans exagération parfois, mais aussi avec beaucoup de réalisme. MRC prend la première partie du chapitre 46 [8] comme exemple de cet art narratif : « Par le moyen d’une ruse extraordinaire, Kong Ming [c’est-à-dire Zhuge Liang] soutire ses flèches à l’ennemi » (《用奇谋孔明借箭) [9]  [ou plutôt « emprunte () des flèches à l’ennemi » pour rendre l’ironie du titre].

 

L’épisode se passe avant la bataille de la Falaise rouge, alors que les deux camps se préparent et fourbissent leurs armes, mais les rivalités ne cessent pas pour autant. Le commandant de l’armée de Cao Cao, Zhou Yu, jaloux de Zhuge Liang qu’il n’ose pas assassiner froidement, tente de profiter de cette occasion pour se débarrasser de lui. Pour cette bataille navale, les flèches sont l’arme préférable, mais l’armée de Cao Cao n’en a pas assez. Zhou Yu charge Zhuge Liang de la mission (impossible) d’en fabriquer cent mille en dix jours, ce que Zhuge Liang accepte sans broncher, le sourire aux lèvres, en répondant même que dix jours, c’est bien trop long, que trois lui suffiront… Le récit fait ensuite monter la tension.

 

L’assistant de Zhou Yu, Lu Su, inquiet, accepte pour aider Zhuge Liang de mettre à sa disposition, comme il le lui dmande, trente bateaux munis de voiles bleues et de bottes de foin disposées de chaque côté. Sur quoi … premier jour : il ne se passe rien ; deuxième jour, rien non plus. Mais cette nuit-là, un épais brouillard tombe sur le fleuve. C’est le moment qu’attendait Zhuge Liang, et qu’il avait prévu, pour faire avancer les bateaux sur le camp de Cao Cao qui, comme prévu aussi, ne se hasarde pas à lancer ses propres bateaux dans un tel brouillard, et se contente de larder de flèches les bateaux ennemis… Zhuge Liang a gagné son pari.

 

C’est aussi un sommet littéraire. Après la tension qui a précédé, pendant que pleuvent les flèches, Zhuge Liang joue paisiblement du guqin en buvant avec Lu Su. L’auteur a même inséré un long poème narratif ( ) présenté comme la citation d’un ancien poème chantant « l’épaisse brume sur le fleuve » (大雾垂江赋) : « Immense en vérité le long fleuve, touchant à l’ouest aux monts Emei et Min, filant au sud à travers les trois Wu, etc. »  (大哉长江,西接岷峨,南控三吴,…). Le fleuve est élevé au rang d’allégorie,  mais, en même temps, le récit est extrêmement réaliste : si les bateaux avaient été couverts de flèches d’un seul côté, ils auraient chaviré ; Zhuge Liang les fait donc pivoter à mi-course. Tout cela est conté avec un humour réjouissant [10].

 

Ø  En lisant le roman pour cette séance du club de lecture, W. Lei s’est elle aussi remémoré des souvenirs d’enfance qui lui sont liés : le premier chapitre, « Le Serment au jardin des pêchers », l’a transportée à l’époque du collège, où elle s’est remémoré avoir formé avec des amis proches une sorte de « serment de fraternité » (拜把子). C’étaient des années de jeunesse pleines d’ambition, mais, dit-elle, cette culture du « serment de fraternité » est encore très répandue dans la Chine d’aujourd’hui, représentant une forme d’amitié solide qui pourrait parfois dépasser les liens du sang.

 

Puis, en raison de son admiration pour Zhuge Liang, elle a commencé à lire sérieusement à partir du chapitre « Liu Bei rend trois fois visite à la chaumière » (刘玄德三顾草庐 chapitre 37) jusqu’à sa mort, soit « Zhuge Liang à Wuzhangyuan conjure les étoiles » (五丈原诸葛禳星chapitre 103) et « La grande étoile tombe, le Premier ministre monte au ciel » (陨大星汉丞相归天 chapitre 104). Elle a été frappée par la qualité littéraire de l’ouvrage, mais aussi par les idées qu’il véhicule, illustrations de la pensée confucéenne, ce qui l’a amenée à se poser des questions sur la portée de l’œuvre aujourd’hui.

 

Deux idées essentielles se dégagent de cette lecture :

• d’une part, la pensée confucéenne (儒家思想) y est parfaitement illustrée. Contrairement à l’idéal taoïste de retrait du monde prôné par Zhuangzi, Les Trois Royaumes mettent en avant l’engagement social préconisé par Confucius. Par exemple, le serment de Liu Bei, Guan Yu et Zhang Fei pour restaurer la dynastie Han (chapitre 1) et l’entrée en scène de Zhuge Liang après les trois visites de Liu Bei (chapitre 37).

 

Certains passages qui l’ont particulièrement marquée peuvent être résumés par les six vertus confucéennes de :

- Loyauté (zhōng ) : Huang Gai se soumet à un supplice corporel pour tromper Cao Cao (苦肉计,诈降, chap. 46-47) /  Zhuge Liang, chargé de la tutelle de l’empereur orphelin, consacre sa vie à la restauration de la dynastie Han / Cao Cao, malgré son ambition, refuse de renverser la dynastie Han et se contente du titre de roi de Wei.

- Fraternité ( ) : l’amitié fraternelle entre Liu Bei, Guan Yu et Zhang Fei / Guan Yu laisse échapper Cao Cao à Huarong (chapitre 50 : (诸葛亮智算华容,关云长义释曹操)).

- Courage (yǒng ) : vertu incarnée dans les « Cinq Généraux Tigres » (Guan Yu 关羽, Zhang Fei 张飞, Zhao Yun 赵云, Ma Chao 马超, Huang Zhong 黄忠) et Zhou Yu (周瑜), frère d’armes de Sun Ce (孙策), fondateur de Wu.

- Bienveillance (rén ) : le succès de Liu Bei reposant sur la maxime « Celui qui gagne le cœur du peuple gagne l’empire » (得人心者得天下) – littéralement « tout sous le ciel ». Partout où il passait, le peuple le soutenait. / Zhuge Liang capture Meng Huo à sept reprises et, après l’avoir capturé, lui rend son titre de roi du Sud (南王), ce qui lui vaut la loyauté du peuple du sud (chapitres 87-90).

- Sagesse () en fait autant ruse et stratégie : Zhuge Liang dans l’épisode des flèches obtenues par ruse (草船借箭) (chapitre 46) – voir plus haut/  Sa stratégie pour venir à bout de Zhou Yu  (三气周瑜) (chapitres 51, 55, 56) / Son succès à contenir les cinq armées ennemies en maintenant une attitude calme (安居平五路) (chapitre 85).

- Piété filiale (xiào ) : c’est surtout la piété filiale envers la mère qui joue un rôle déterminant.

Sun Quan est influencé par sa mère qui lui interdit à plusieurs reprises d’attaquer Liu Bei. La femme de Liu Bei (孙夫人) quitte son mari pour retourner voir sa mère et ne le reverra plus jamais [11].

 

[À cet égard, il est intéressant de noter ce que dit Pablo Ariel Blittstein dans son ouvrage sur « Le Haut Moyen Âge chinois », dans le chapitre V sur l’évolution des lettrés aux 3e-4e siècles [12] : dans un contexte où les grandes familles lettrées reviennent, en les renouvelant, vers les grands principes confucéens et les classiques pour fonder une nouvelle autorité et un nouveau prestige, c’est la piété filiale qui devient la vertu centrale, avec l’amour pour la mère élevé au même rang que celui pour le père.]

 

• d’autre part, sont également mises en relief la politique et les stratégies militaires (l’art de la guerre bīngfǎ 兵法), dont les ruses de guerre (« La guerre est un art de la tromperie, entre vrai et faux » 真真假假,虚虚实实). Un exemple frappant est la capacité de Zhuge Liang et de Cao Cao à bien utiliser leurs hommes (知人善用), avec une gestion claire des récompenses et des punitions (赏罚分明), comme le montre l’exécution de Ma Su par Zhuge Liang, malgré ses larmes (诸葛亮挥泪斩马谡 chapitre 96).

 

Mais cela n’enlève rien à la valeur littéraire du roman :

Les personnages sont décrits de manière fine, et les récits sont captivants.

De nombreux proverbes chinois célèbres proviennent de cet ouvrage :

 « Zhou Yu frappe Huang Gai, l’un frappe et l’autre accepte d’être frappé » (周瑜打黄盖,一个愿打一个愿挨)(chapitre 46) / « Perdre la femme et l’armée » (赔了夫人又折兵) (chapitre 55) [13].

 

Plusieurs extraits littéraires issus des Trois Royaumes ou inspirés par cette œuvre figurent dans les manuels scolaires chinois :

- Le  « Mémorandum de départ au champ de bataille » de Zhuge Liang (《出师表》).

- Les poèmes de Cao Cao.

- La poésie « Linjiang Xian » de Yang Shen ( 临江仙》), thème de la série télévisée bien connue du grand public.

 

Mais le roman a aussi ses côtés pleins d’humour, et W. Lei trouve que l’équipe de Liu Bei peut être comparée à celle du « Pèlerinage vers l’Ouest » (《西游记》) :

- Liu Bei ressemble à Tang Sanzang (唐三藏) : trop gentil, faible, pas assez compétent.

- Zhang Fei à Zhu Bajie (豬八戒) : brutal, goinfre, avec de nombreux défauts.

- Zhuge Liang (et Zhao Yun) à Sun Wukong : le sage capable de tout faire, y compris par magie.

- Guan Yu pourrait peut-être correspondre à Sha Seng, le « moine des sables » (沙和尚), bien que son rôle soit plus important.

 

Au-delà de ces aspects littéraires, W. Lei trouve que le roman suscite interrogations et réflexions :

 

                •  Une réflexion personnelle sur le rôle du chercheur et les conditions de la recherche

Le discours de Zhuge Liang sur la distinction entre les lettrés vertueux et les lettrés médiocres dans « La joute verbale contre les lettrés » (舌战群儒, chapitre 43) l’a particulièrement touchée en l’incitant à réfléchir sur sa propre vie de chercheuse : pourquoi faire de la recherche et pour quels objectifs ?

儒有君子小人之别。君子之儒,忠君爱国,守正恶邪,务使泽及当时,名留后世。若夫小人之儒,惟务雕虫,专工翰墨,青春作赋,皓首穷经;笔下虽有千言,胸中实无一策。

« Il y a une différence entre les lettrés vertueux et les lettrés médiocres. Le lettré vertueux est loyal envers son souverain, aime son pays, défend la droiture et déteste le mal, et s’efforce de faire en sorte que ses bienfaits profitent à son époque tout en laissant un nom dans la postérité. Quant au lettré médiocre, il ne se concentre que sur de petites fioritures littéraires, maîtrisant uniquement la calligraphie et l’écriture. Jeune, il compose des poèmes, et une fois vieux, il se plonge dans des études sans fin ; bien qu’il puisse écrire des milliers de mots, il n’a en réalité aucune stratégie propre. »

 

L’exemple de Zhuge Liang montre qu’il faut éliminer les distractions extérieures pour une réflexion profonde.

Avant de s’engager dans la vie publique, Zhuge Liang s’est retiré pendant plus de dix ans pour se consacrer à ses études et à la réflexion. Il faisait de même lorsqu’il devait élaborer des stratégies importantes.

 

                •  Mais les conditions de la réussite dépendent d’une conjonction du bon moment, du bon lieu et de la bonne entente (天时地利人和). Mais sans exclure le rôle du destin.

 

•  Enjeux politiques contemporains :

« Les Trois Royaumes » illustrent avec finesse les luttes de pouvoir. Peut-on penser que sa popularité depuis des siècles incite les Chinois à poursuivre un pouvoir (absolu), sans limite ?

 

Ø  C’est ce genre de réflexion qui résonne aussi dans l’avis de Lou Lee Po qui affectionne particulièrement ce roman,

 

et tout spécialement ce petit exemplaire

d’une édition illustrée

qu’on lui a offert et qui date de 1974

 

 
 

 

Ce qui l’a frappée, d’abord, c’est la diversité du style :

 

- Alternance de styles, entre les dialogues et la narration, dans un style directement issu de la tradition orale des conteurs qui se sent dans les nombreuses traces d’oralité dans le texte : « Repassons maintenant … », « mais laissons pour un moment ce personnage de côté …», outre le suspense en fin de chapitre pour tenir le lecteur en haleine comme dans les romans classiques « à chapitres ».

[Fin du chapitre 2 : si vous n’avez pas compris le sens de la réaction de Cao Cao, cela vous sera expliqué dans le prochain chapitre….  Fin du chapitre 10 : un homme s’est dressé pour prendre la parole lors d’une réunion d’urgence dans la ville de Suzhou menacée par Cao Cao. « Qui donc était cet homme. Le prochain chapitre va vous le dire. » Et effectivement début du chapitre 11 : « Et maintenant revenons à cet homme … »]

- Elle a été frappée par les métaphores animales pour décrire les personnages importants, ainsi que la personnification des armes ou des montures (« Dragon vert », la hallebarde de 80 livres de Guan Yu, ou le cheval « Lièvre rouge »)

 

- Alternance de rythme aussi : des accélérations succèdent à de longues descriptions très précises, de batailles en particulier [sans compter les nombreux poèmes qui émaillent le texte].

 

L’œuvre invite à une réflexion sur l’écriture de l’histoire [14] : maintes fois remanié en fonction des enjeux du moment, le texte pose la question de son sens dans le contexte de la Chine maoïste.

- Différentes représentations semblent aller dans le sens d’une légitimation de la victoire des communistes, victoire contre les vilains corrompus du Guomingdang auxquels on pense notamment dans les passages sur les Dix Eunuques (chap. 2) ou sur Dong Zhuo ; quant à Tchang Kaï-chek, elle le perçoit en filigrane dans certains traits des descriptions de Cao Cao, duplicité et brutalité.

- Les techniques militaires utilisées par Liu Bei privilégiant l’embuscade évoquent aussi la guérilla maoïste.

- La traduction Flammarion va d’ailleurs dans le sens d’une telle lecture en utilisant des éléments du langage  communiste : Zhang Fei insulte l’inspecteur venu voir Liu Bei en le traitant d’ « ennemi du peuple », de  « misérable pou, suceur du sang du peuple » (chap. 2, pp. 25 et 26).

- La logique de « Front uni » [15] apparaît quand Liu Bei et ses hommes s’allient à Cao Cao contre les Turbans jaunes.

 

LLP a été frappée par l’importance dans le roman de la dimension surnaturelle et spirituelle, et de la magie en particulier, liée à la religion populaire et ses cultes, mais aussi à la dimension épique des personnages :

-  Importance des sacrifices : une fois achevé leur Serment du jardin aux pêchers, les trois « frères » offrent un sacrifice à la Terre et au Ciel, avec offrande, préparée à l’avance, d’un buffle noir et d’un cheval blanc.

- Le roman évoque l’Iliade, à la fois creuset mythologique et épopée mettant en scène des divinités de la culture populaire chinoise, en particulier Guan Yu, loué pour son honnêteté et sa loyauté, et élevé au rang de divinité protectrice des forces de police, de l’armée, et de la mafia.

- C’est tellement présent dans la culture populaire qu’on devine les personnages avant même qu’ils soient nommément cités, simplement par leurs attributs – ainsi, au début, lors de l’entrée en scène de Guan Yu dans la lutte contre les Turbans jaunes : il apparaît soudain devant une colonne de soldats arborant des bannières rouges dont il est le chef « un grand corps de sept pieds de haut, les yeux minces et étroits et une longue barbe. » Cela suffit pour camper le personnage [comme un personnage d’opéra]. On retrouve ensuite ces mêmes traits symboliques, en les développant, chaque fois qu’apparaît Guan Yu devant une assistance qui ne le connaît pas : « un homme de neuf pieds de haut, une barbe de deux pieds de long, des yeux rouges cinabre comme ceux d’un phénix, etc… » (chap. 5, trad. p. 82) [on voit là aussi la source orale du roman, tout l’art du conteur se déployant en brodant sur les descriptions initiales]

 

L’impression générale que LLP a retirée de sa lecture – dès les premiers chapitres - est celle d’un monde violent, le récit reflétant le climat qui régnait dans cette époque chaotique.

- les gens « bredouillent de terreur », sont dépecés, fendus en deux, déchiquetés en menus morceaux, hachés vivants (sous le coup de la colère)… 

- l’imagination du narrateur-conteur fait feu de tout bois dans les descriptions de tueries sanglantes, comme au chapitre 4 pour l’assassinat de l’impératrice : elle est prise à bras-le-corps, précipitée par la fenêtre, la concubine est étranglée, et l’empereur légitime contraint de boire une coupe de poison. Tout cela, toujours, sous l’emprise de la rage.

- violences sexuelles aussi, dans ce même chapitre, perpétrées par le sinistre Dong Zhuo : « il y violait les femmes et les filles du palais au cours de scandaleuses scènes de débauche ».

- et même traces de cannibalisme : « ne savez-vous pas que tout le peuple de cet Empire se réjouirait de manger la chair de vos Dix Eunuques ? » demande un ministre osant une remontrance à l’empereur (chap. 2)

- apologie de l’ivresse : la succession de batailles est entrecoupée de scènes d’ivresse.

 

Ce monde violent est un monde masculin (ou quasi exclusivement tel), qui s’adresse à un lectorat masculin et propose un mode de gouvernance autoritaire, « d’en haut », qui bat en brèche l’idéal confucianiste de modération des souverains et serait plutôt à mettre en parallèle avec les principes du légisme selon le Hanfeizi :

- Le sommet de l’état n’est jamais responsable ;

- Les gens honorables souffrent d’une mise à l’écart systématique ;

- La dénonciation des abus du pouvoir fait courir de « très graves dangers » (p. 63) ;

- La corruption est signe de désordre et de décadence morale (ainsi, Liu Bei, trop honnête, suscite la fureur d’un inspecteur qui attendait de lui un pot de vin).

 

Difficultés de lecture et questions

Outre le système de transcription du chinois particulièrement fastidieux, la lecture est rendue particulièrement difficile, tant en français qu’en chinois, par la lourdeur et la confusion qu’entraîne la  profusion de noms propres : pour chaque personnage sont donnés un patronyme + un prénom + un surnom + une localité ou circonscription + un grade/charge/titre, voire des références aux ancêtres.

La confusion est alimentée par ces multiples appellations des personnages et par le fait que, à première lecture, il  est difficile de savoir quels sont les personnage principaux et quels sont ceux qui ne sont que secondaires, et sont amenés à mourir quelques pages plus loin.

 

Le foisonnement d’intrigues et de personnages, dans « Les Trois Royaumes », forme une fresque qui n’est pas sans rappeler le Shuihuzhuan… Mais la narration suscite des questions

 

- Le roman fourmille de citations encore courantes aujourd’hui – oui, dit W. Lei, j’en ai utilisé une encore hier dans un mail à une amie… Mais, hormis la bataille de la Falaise rouge (赤壁之战), on peut se demander quelles sont les anecdotes incontournables des Trois Royaumes, comparables au Rêve du papillon ou à l’histoire du boucher Ding du Zhuangzi, ou à la scène 10 [Le rêve interrompu 惊梦] du Mudanting.

 

[on peut citer celles évoquées au début de la séance – en particulier le stratagème du chapitre 46 décrit par MRC :  « prendre des flèches à l’ennemi par la ruse ». C’est sans doute la plus souvent citée et représentée, y compris en jeux vidéo. Mais il y a aussi le caractère emblématique – ou archétypique - des personnage de Guan Yu, Zhuge Liang et Cao Cao et de certains épisodes les concernant. Dans son introduction à la traduction Flammarion, Jean Levi en fait un trio aussi familier en Chine que les Trois Mousquetaires chez nous, dressant un parallèle entre Luo Guanzhong et Dumas père, mais un Dumas mâtiné de Machiavel.]

 

- Quelle est la trajectoire de cette œuvre pendant la période maoïste ?

Mao était un fervent lecteur du Shuihuzhuan comme des « Trois Royaumes ». Guochuan fait remarquer que, dans son introduction (p. V), Jean Levi dit qu’il y aurait puisé nombre de ses maximes stratégiques.

 

[Mais Levi cite aussi le commentaire de Mao Zonggang (毛宗岗), au 17e siècle, soulignant les contradictions de l’œuvre, entre incitation à la rébellion et à la désobéissance, voire au massacre des supérieurs, le tout dans le contexte d’une affirmation de la légitimité impériale. En fait, la tripartition, comme les trois pieds d’un tripode, selon le titre du premier chapitre du roman, a valeur exemplaire et dimension quasi cosmique : souverain du ciel (au nord), de la terre (au sud), et des hommes (au centre), triade qui a tendance à se résoudre en une opposition binaire entre nord et sud, comme le montrera la suite de l’histoire[16].].

 

Guochuan ajoute que Mao s’en est inspiré aussi dans ses poèmes.

 

[Il y a en particulier un poème célèbre de juin 1956 écrit par Mao au moment de son premier bain dans le Yangtsé : « Nage, sur l’air du prélude shuidiao getou » (《水调歌头·游泳》)

才饮长沙水,又食武昌鱼。

万里长江横渡,极目楚天舒。

« Ayant bu l’eau de Changsha,

et mangé le poisson de Wuchang,

je traverse à la nage les mille lis du fleuve,

sous l’immensité sans fin du ciel de Chu… »

Mao lui-même a expliqué que le poème est inspiré d’un épisode des « Trois Royaumes » où Sun Hao (孙皓), souverain du royaume de Wu (242-284), veut transférer sa capitale de Jianye (aujourd’hui Nankin) à Wuchang, contre les vœux de la population qui exprime son désaccord en chantant: « Plutôt boire l’eau de Jianye que manger le poisson de Wuchang. » ( “宁饮建业水,不食武昌鱼。” ) Mao a remplacé Jianye par Changsha, sa ville natale.

Nota : il s’agit en fait d’un épisode non du roman mais de la « Chronique des Trois Royaumes » (Sanguozhi《三国志》) : « Livre de Wu. Biographie de Lu Kai » (《吴书·陆凯传》).

 

Le poème de Mao « Nage » au pied du monument (érigé en 1969)

commémorant l’inondation de 1954 à Wuhan :

 

 

 

 

Par ailleurs, l’image du tripode mentionnée ci-dessus, et donc l’influence de la rhétorique des Trois Royaumes, peut être étendue à l’analyse de la politique de Mao pendant la Guerre froide, l’alliance sino-soviétique contre les États-Unis pouvant être comparée à celle de Shu et de Wu contre la puissance dominante de Wei.[17]]

 

- Mais finalement, quelle est la « morale de l’histoire » ? se demande LLP.

Cette succession ininterrompue de batailles dont personne, en fin de compte, ne sort vainqueur serait-elle une ode à la neutralisation mutuelle entre puissances co-existantes ?

Ce mythe est-il utilisé aujourd’hui en référence aux tensions sino-américaines par l’intelligentsia chinoise ?

Ne serait-ce pas la réponse chinoise au fameux « piège de Thucydide » théorisé par Graham Allison[18] dans lequel les puissances chinoise et américaine seraient embarquées presque malgré elles ?

 

- Enfin, dans son introduction (à la traduction Flammarion), à qui Jean Lévi fait-il référence lorsqu’il écrit de Cao Cao qu’il était « taraudé par de furieux maux de tête qui évoquent une autre figure célèbre de l’histoire ! » ? 

 

[Les plus célèbres migraineux sont sans doute Hippocrate dans l’Antiquité, et plus près de nous Sigmund Freud. Mais Jean Lévi fait vraisemblablement référence à Louis XV, mort le 10 mai 1774 dans de violents maux de tête (chez lui dus à la petite vérole).

Autrement d’autres personnalités sont célèbres pour leurs migraines, mais sans en être morts : Pascal dès son adolescence et Voltaire quand il buvait de l’alcool, ainsi que de nombreux écrivains – de Victor Hugo à Balzac et George Sand qui recense ses crises de migraine au jour le jour dans ses agendas, comme Maupassant dans sa correspondance ("j’aurais voulu pouvoir hurler à la mort comme font les chiens").

Cao Cao est en bonne compagnie, mais dans son cas sa maladie est entourée de légendes et – selon Luo Guanzhong – a été aggravée par sa méfiance pathologique envers les médecins, dont le célèbre Hua Tuo qui lui proposait de l’opérer.]

 

Ø  UB, quant à lui, en est revenu au plaisir de lecture, ayant savouré le texte plus particulièrement en chinois, qu’il a trouvé relativement facile à lire.

 

Ce sont les personnages qui l’ont attiré, et en particulier Zhang Fei (张飞) comme « agent du chaos », alors que Cao Cao est traditionnellement défini comme « héros en temps de chaos ».

[C’est du moins ce qui lui a été prédit quand il était jeune : « en temps normal vous seriez un bandit, en temps de troubles vous serez un héros. » (“君清平之奸贼,乱世之英雄。”)]

 

En revanche, les personnages féminins sont loin de valoir à ses yeux ceux du Jin Ping Mei (《金瓶梅》). Elles sont surtout au service de l’ambition des hommes, comme appât visant à perdre un ennemi (Diaochan 貂蝉) ou comme objets d’alliances matrimoniales, voire carrément comme chair à pâté servie à Cao Cao qui ne s’en émeut même pas.

 

Cependant, malgré ses qualités, il n’a pas trouvé que le texte vaut le Shuihuzhuan qui le dépasse dans le souffle tragique. Mais il y a retrouvé des analogies avec Empédocle.

[penseur présocratique qui a fait de la Haine et de l’Amour les deux principes qui règnent sur l’univers de manière cyclique, la Haine étant force de division et de destruction, tendant vers le multiple, l’Amour étant force d’unification et de cohésion, tendant vers l’unité.]

 

C’est ce principe cyclique que lui a rappelé la première phrase des Trois Royaumes qui en est une synthèse magistrale comme elle est une synthèse de l’histoire chinoise :

话说天下大势,分久必合,合久必分

                Si l’on veut parler de l’état du monde,

ce qui longtemps a été divisé retrouvera son unité,

                Ce qui longtemps a été uni sera de nouveau divisé.

 

Ø  Christiane P. avoue ne pas avoir été enthousiaste au départ, mais a finalement, elle aussi, trouvé un plaisir littéraire dans le roman, où elle a retrouvé un ton épique lui rappelant l’Iliade avec des descriptions de héros d’un grand lyrisme et le poids du destin, mais aussi les chansons de geste, et en particulier la Chanson de Roland.

 

Elle a apprécié la même tendance à l’exagération dans les portraits des héros. Mais elle a particulièrement aimé l’espèce de jubilation dans les descriptions d’atrocités et d’horreurs, avec des pointes d’humour par moment. Elle a ainsi trouvé très drôle la description au chapitre 9 du cadavre de Dong Zhuo qui, une fois décapité : « n’était plus qu’une masse de graisse. Après l’avoir considérée un moment, les soldats prirent des torches de feu et les lui plantèrent dans le nombril, transformant ainsi son énorme bedaine en une véritable lampe à huile. On voyait la graisse en fusion s’écouler sur le sol. » (traduction Flammarion)

 

[Les traducteurs ont ajouté une note de démesure jubilatoire. Le texte chinois est plus sobre, mais justement frappant dans sa sobriété même, usant de la « valeur allusive » de la concision, avec en outre un bel équilibre de la phrase – 4 caractères (situation), 12 caractères (action), 4 caractères (résultat) : 卓尸肥胖,看尸军士以火置其脐中为灯,膏油满地。]

 

Elle a trouvé des accents shakespeariens dans certains passages - ainsi la mort de Sun Zi, au chapitre 29, lui a évoqué la mort de Macbeth : Sun Zi meurt de blessures de flèches empoisonnées, et, dans son délire, voit lui apparaître le spectre du taoïste-magicien qu’il a fait mettre aux fers puis décapiter par ses gardes.

 

- Outre cet intérêt littéraire, elle a aussi trouvé dans le roman un intérêt à la fois historique, politique et culturel

Côté historique, il offre un tableau des circonstances de l’affaiblissement des Han, dans un contexte d’instabilité chronique où le seul élément stable est l’amitié jurée des trois « frères », liés jusqu’à la fin par leur serment dans le Jardin de Pêchers. Finalement, c’est le plus fort qui l’emporte, et c’est la force qui entraîne légitimation du pouvoir, par la possibilité de l’unification du territoire qui est le critère ultime de réussite. Le succès, mérité par les capacités propres des personnages, est ensuite ritualisé.

 

Le roman offre une vision des généalogies complexes de la période, mais aussi des modes de constitution de lignées par alliances matrimoniales. En même temps, on voit Cao Cao lutter contre cette aristocratie et rechercher au contraire les gens de talents en s’entourant de compétences. Christiane a fait le lien avec l’ouvrage de l’historien Damien Chaussende « Des Trois royaumes aux Jin » (Les Belles Lettres, 2010) où l’auteur étudie justement les discours de légitimation du pouvoir impérial au 3e siècle.

 

Mais finalement l’élément important, et souvent décisif, est la capacité à savoir reconnaître le moment opportun et s’en saisir, et elle a retrouvé là le sens du concept grec de kairos [représenté sous les traits d’un dieu ailé qu’il faut saisir vite quand il passe – dimension du temps liée à l’instant, qui s’oppose au destin car elle suppose le libre-arbitre.]

 

Au niveau historique, elle a apprécié les passages sur la pacification des peuples du sud, qui est importante pour le royaume de Wu de Sun Quan.

[Les « barbares » sont une composante essentielle du paysage socio-culturel des marges du territoire chinois. Mais on parle surtout, en général, des groupes ethniques du nord (les Wuhuan 乌桓), nord-est (les Fuyu 扶余) et nord-ouest (les Qiang ) qui ont représenté une menace constante. Au sud, ils sont moins connus : les Shanyue (山越) ont mobilisé une partie des forces militaires de Wu, dès la fondation du royaume par Sun Ce, mais il y avait aussi dans le sud-ouest une douzaine d’ethnies regroupées sous le terme de « Barbares [Mán] du sud-ouest » (西南蛮族) dont plusieurs rebellions seront écrasées par les forces de Shu. ]

 

Christiane souligne elle aussi les passages mettant l’accent sur l’importance de gagner le soutien de la population, y compris l’interdiction de pillage et de destruction des récoltes par Cao Cao, et surtout l’aura de bienveillance qui caractérise le Liu Bei de Luo Guanzhong. Pourtant, elle a trouvé le personnage décevant, un peu tartuffe, toujours en pleurs, et à contrecourant d’une époque nécessitant des héros.

 

En fait les trois « héros » de l’histoire lui semblent représenter de manière symbolique trois courants de pensée dominants :

-          Liu Bei : un confucianisme hérité des Han ;

-          Zhuge Liang : un taoïsme empreint de surnaturel et de magie,

-          et Cao Cao : le légisme, avec distinction entre politique et morale et importance donnée aux

           institutions.

 

À cet égard, elle a trouvé dans les « Propos et anecdotes sur  la vie selon le Tao » traduits par Jacques Pimpaneau [19] une comparaison des personnages de Liu Bei et de Cao Cao qui lui a semblé pertinente (p. 171) : c’est une double citation, d’abord du verdict déjà mentionné de Qiao Xuan prédisant au jeune Cao Cao que, dans les temps de désordre qu’ils traversaient, il serait un héros alors qu’il serait « un félon » sous un bon gouvernement. L’extrait suivant complète ce jugement par un autre dévalorisant Liu Bei :

 

« Cao Cao demanda à Pei Qian : "Autrefois, vous étiez avec Liu Bei à Jingzhou. Comment considérez-vous ses talents ?"

- Si on le laisse occuper le centre du pays, répondit Pei Qian, il sera capable de soulever les hommes mais incapable de diriger le gouvernement ; s’il profite d’une région frontalière ou défend une place stratégique, alors il est assez bon pour gouverner un seul endroit. » (VII.2) 

  

Ø  D. Yanzhao avait elle aussi lu des scènes du roman au lycée, en particulier la scène où Diaochan est envoyée par son père adoptif séduire Lü Bu, puis Dong Zhuo, de manière à susciter la jalousie du premier afin qu’il assassine le second. À l’époque, l’épisode avait été lu dans un esprit de ferveur patriotique.

 

Ce qu’elle apprécie surtout dans ce texte, aujourd’hui, c’est l’art narratif dérivé directement de celui du conteur, le shuoshu (说书) [20]. Le texte a un rythme qui évoque celui donné par l’éventail du conteur. Et la tradition est encore vivante [21]

 

À deuxième lecture, cependant, ce qui l’a surtout frappée, comme LLP, c’est la violence et la cruauté, telles qu’elles en deviennent insupportables. Mais finalement, dit-elle, l’humanité ne change pas :

- c’est la même violence que l’on retrouve dans l’histoire récente, par exemple dans les atrocités de la guerre sino-japonaise,

- le pillage et les horreurs perpétrées par Dong Zhuo lors du sac de Luoyang lui ont rappelé la réforme agraire et autres épisodes sanglants de l’histoire chinoise du 20e siècle.

 

Sa vision a évolué : elle voit maintenant dans l’histoire de Diaochan la marque de la manipulation à laquelle est soumise la jeune fille à qui est confiée une mission de séduction très dangereuse ; en fait, ce qui est demandé de manière générale, c’est de se sacrifier pour le bien commun. Là aussi rien n’a changé.

 

Finalement, dit-elle pour reprendre la discussion précédente sur la présence du roman aujourd’hui dans la société chinoise, les Trois Royaumes sont partout dans la vie courante : opéra, feuilletons, chansons, et bien sûr les nombreux chengyu dont il a déjà été question. Guan Yu, en particulier, est omniprésent non seulement en Chine continentale mais dans toute la diaspora, souvent sous le nom de Guandi (关帝). On le trouve à l’entrée des restaurants. À la Réunion, il y a une « fête de Guandi » comme divinité du commerce, organisée par la communauté chinoise depuis 2004.

 

[On trouve aussi une statue monumentale représentant Guan Yu en dieu de la guerre à Jingzhou (荆州), dans le Hubei, car la ville est réputée avoir été bâtie par lui, pendant la période des Trois Royaumes, justement. La statue, terminée en 2016, est l’œuvre de Han Meilin (韓美林) [22]].

 

La statue de Guang Yu à Jingzhou :

 

 

 

 

Mais quelle est donc, finalement, la « morale de l’histoire » ? Revenons-en à la première ligne du roman, nous dit Yanzhao :

话说天下大势,分久必合,合久必分

Si l’on veut parler de l’état du monde,

ce qui longtemps a été divisé retrouvera son unité,

Ce qui longtemps a été uni sera de nouveau divisé.

La morale est claire pour le régime actuel.

 


 

Prochaine séance :

Le mercredi 13 novembre 2024

 

Cette séance sera consacrée à Qian Zhongshu (钱钟书) avec au programme :

- La Forteresse assiégée (《围城》), trad. Sylvie Servan-Schreiber /Lou Wang, Christian Bourgois 1997.

- Hommes, bêtes et démons (《人··鬼》), traduit, préfacé et annoté par Sun Chaoying,  Gallimard/Connaissance de l’Orient, 1994.

 

 À noter par ailleurs le léger changement de programme pour la deuxième partie de l’année : le dernier titre qui était prévu pour la dernière séance, Fleurs du matin cueillies le soir (《朝花夕拾》) de Lu Xun dans une traduction de François Jullien de 1976, étant quasiment introuvable, il a été remplacé par Notes diverses sur la capitale de l'Ouest de Liu Xin, dans une traduction de Jacques Pimpaneau, (Les Belles Lettres, 2016), et ce – la capitale en question étant Chang’an – en lien avec l’exposition sur ce thème du musée Guimet (20 novembre 2024 – 3 mars 2025). La séance sera le 12 mars, le reste du programme étant inchangé, sauf glissement de dates :

http://www.chinese-shortstories.com/Clubs_de_lecture_CLLC_programme_2024_2025.htm

 


 


[2] Il n’a pas été question de la traduction en cinq volumes publiée en 2006-2015 par les éditions You Feng sous le titre « L’Épopée des Trois Royaumes » qui présente d’autres problèmes.

[3] On dit que, après la diffusion du feuilleton sur CCTV, la criminalité a augmenté en Chine chez les jeunes…

[4] Les poèmes de Cao Cao (155-220), Collège de France/ Institut des Hautes Études chinoises, 2000.

[5]  A l’origine une expression pour faire peur ou avertir d’un danger, un peu comme « quand on parle du loup on en voit la queue ».

[6] Il y en a un plus récent, en 95 épisodes, qui date de 2010, qu’a regardé Viola H. :

 

 

 

Il a l’avantage d’avoir un sous-titrage anglais (et chinois) complet, mais il n’a pas la beauté de l’original, tombant dans le travers moderne de la reconstitution historique un tantinet kitsch.

[7] Une ville très ancienne dont on fait remonter la fondation, selon différentes versions, à la période des Printemps et Automnes. D’après une version qui pourrait être apocryphe, la ville s’appelait à l’origine Youxi (有锡) c’est-à-dire « qui a de l’étain » car la montagne proche était riche en plomb et en étain. Mais les gisements étaient déjà épuisés sous les Han, et la ville a alors été rebaptisée Wuxi, c’est-à-dire « sans étain ». On penche aujourd’hui pour une étymologie faisant dériver le nom d’anciennes langues de la région, mais les légendes ont la vie dure…

Nota : parmi les nombreuses personnalités originaires de Wuxi figure Qian Zhongshu (钱钟书) dont le roman « La Forteresse assiégée » (《围城》) est au programme de la prochaine séance du club de lecture.

[8] Texte original (caractères simplifiés) : https://ctext.org/sanguo-yanyi/ch46/zhs

[9] Traduction Flammarion, vol. 4, p. 7.

[10] Humour que l’on retrouve dans le film de 2008/2009 de John Woo « Red Cliff » (《赤壁》) malheureusement tronqué dans sa version sortie en Occident, mais où restent les principales séquences d’action, dont celle du chapitre 46 qui en est presque le clou.

[11] Cette Sun Furen est l’un des personnages étonnants du roman qui n’a pas beaucoup de personnages féminins. Elle est presque une héroïne de wuxia, formée toute jeune aux arts martiaux avec ses frères et aussi dangereuse qu’eux. Liu Bei la redoutait autant que Cao Cao. Elle est interprétée par Zhao Wei dans le film de John Woo.

Voir : http://www.chinese-shortstories.com/Histoire_litteraire_Breve_Histoire_VI_Trois_Royaumes_

IC_Personnages.htm

[12] Le Haut Moyen Âge chinois. Histoire générale de la Chine (220-589), par Pablo Ariel Blitstein, Les Belles Lettres, 2024, p. 243-244.

[14] Ecriture entre histoire et fiction selon un mode spécifique à la Chine :

http://www.chinese-shortstories.com/Reperes_historiques_Breve_histoire_du_xiaoshuo_VIII.htm

[15] Front uni entre le Guomingdang et les communistes pour lutter contre les Japonais, effectif (malgré les tensions) de juillet 1937 jusqu’en janvier 1941.

[16] Voir en particulier : Le Haut Moyen Âge chinois de Pablo Ariel Blitstein déjà cité (Les Belles Lettres, 2024).

[18] Graham Allison, Destined for War: Can America and China Escape Thucydides’s Trap? Houghton Mifflin Harcourt, 2017, traduit en France en 2019.

[19] Propos et anecdotes sur la vie selon le Tao, traduit et présenté par J. Pimpaneau, Picquier poche, 2002

Il s’agit de la traduction de textes d’un recueil d’anecdotes du 4e siècle, le Shishuo xinyu (《世说新语》) de Liu Yiqing (刘义庆). Ces propos sont précédés dans le même livre du « Jardin d’anecdotes » (《说苑》) de Liu Xiang (刘向).

[20]  Art du conteur qui dispose en ligne de plusieurs bases de données dont une en français et l’autre en anglais.

[21] Il y avait encore récemment deux grands conteurs, de l’école de Yangzhou, spécialisés dans le récit des Trois Royaumes :

- Fei Zhengliang (費正良), récitait la première partie du récit (前三) en 51 épisodes :

https://shuoshu.huma-num.fr/performers/SH_FZ

Il est décédé en 2022. Voir : In Memory of Fei Li (1931–2022): A Yangzhou Storyteller and Scholar of Yangzhou Pinghua

- et Gao Zaihua (高再華), qui récitait la partie centrale (中三) en 111 épisodes :

 https://shuoshu.huma-num.fr/performers/SH_GZ 

Il est décédé en 2009. Voir : In Memorium, Gao Zaihua (1929–2009)

[22]  La statue a fait l’objet d’un litige et doit être reconstruite sur un nouveau site sous le prétexte que le permis de construire n’avait été donné que pour le socle !


 

     

 

 

 

 

 

     

 

 

 

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