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Club de lecture de littérature chinoise (CLLC)

Compte rendu de la séance du 15 janvier 2025

et annonce de la séance suivante

par Brigitte Duzan, 20 janvier 2025

 

Cette première séance de l’année 2025 était consacrée à des textes courts de Lao She (老舍), à commencer par ses nouvelles :

- L’homme qui ne mentait jamais (《不说谎的人》), trad. Claude Payen, éd. Philippe Picquier, 2003, Picquier poche 2021.

 

 

 

 

Recueil de 14 nouvelles datant de 1934 à 1939 :

1/ L'homme qui ne mentait jamais (《不说谎的人》). 1936

2/ Vieille tragédie pour temps modernes (《新时代的旧悲剧》). 1936

3/ L’ordonnance (《抓药》). 1934

4/ Le crachoir de maître Niu (《牛老爷的痰盂》). 1937

5/ Les lunettes (《眼镜》). 1934

6/ Notice nécrologique (《哀启》). 1936

7/ Un vieillard sentimental (《老年的浪漫》). 1935 

8/ Ménage à trois (《也是三角》). 1934

9/ La chenille (《毛毛虫》). 1935

10/ Li le noir et Li le blanc (《黑白李》). 1934

11/ La mort d’un chien (《杀狗》). 1939

12/ Buffle de fer et canard malade (《铁牛和病鸭》). 1934

13/ Le nouveau Hamlet (《新哈姆雷特》). 1936

14/ Le nouvel Emile (《新爱弥儿》). 1936

  [pastiche de « Émile ou De l’éducation » de Rousseau (《爱弥儿:论教育》)]

 

Avec éventuellement en complément de programme :

- Écrits de la maison des rats, essais publiés entre 1934 et 1959, trad. Claude Payen, Philippe Picquier, 2010, Picquier poche 2016.

- La Philosophie de Lao Zhang (《老张的哲学》), trad. Claude Payen, Philippe Picquier, 2009, Picquier poche 2011.

 

Outre la satire sociale et les souvenirs personnels, ce qui est particulièrement intéressant ici – à la suite des deux séances précédentes consacrées à Qian Zhongshu (钱钟书) et à Yang Jiang (杨绛) - est l’humour de Lao She, mode d’écriture qui était relativement nouveau en Chine dans les années 1930 : le terme même de youmo (幽默) a été inventé en 1924 par Lin Yutang (林语堂) qui en a promu l’idée, en particulier dans son journal « Analectes » (Lunyu 论语). C’est d’ailleurs dans le Lunyu que plusieurs des textes regroupés dans la version française des « Écrits de la maison des rats » ont été publiés, dans les années 1930[1].

 

Mais les lectures ont finalement largement dépassé ce cadre, en offrant une vision contrastée avec d’autres  nouvelles d’une froide sobriété, telles les deux célèbres nouvelles initialement publiées en 1935 dans le recueil « La mer des cerisiers » (《樱海集》) et traduites en français par la traductrice récemment disparue Martine Vallette-Hémery : « Le croissant de lune » (《月牙儿》) et « Plus qu’un yuan en poche » (《末一块钱》)[2].

 

 

 

La mer des cerisiers,

 

Avis et notes de lecture

 

Ø  Absente car au fond de son lit, Sylvie D. avait préalablement envoyé quelques notes sur sa lecture des nouvelles qui fournissaient comme une introduction à la séance :

 

« J'ai d'abord été séduite par la première nouvelle, qui donne son titre au recueil. Je l'ai trouvée très bien racontée, dans un développement progressif où l’on se prend à observer le héros Zhou Wenxiang, qui mène une vie sociale globalement confortable, en se demandant quand il va franchir la limite du mensonge. Est-ce seulement à la toute fin de l'histoire, quand il déchire en menus morceaux l'ordonnance que le médecin a écrite pour son fils ?

 

Après cette nouvelle lue avec délice, je me faisais une joie de lire les autres. Mais les suivantes se sont révélées plus dures...   « Vieille tragédie pour temps modernes » dépeint la décrépitude progressive d'une famille Chen dont le chef de famille, âgé, essaie de garder la tradition familiale chinoise envers et contre tout. Bien que ce personnage semble bénéficier de la sympathie de l'auteur, l'ensemble m'a laissé une impression de malaise.

 

Beaucoup des autres nouvelles décrivent un moment de la vie d'êtres humains dans des situations absurdes ou tragiques, dont on a l'impression qu'il n'ont aucun pouvoir sur ce qui leur arrive. Ce qui est probablement le reflet de la société chinoise à l'époque, mais qui traduit une vision très pessimiste de la vie. Deux m'ont semblé particulièrement dures, celles intitulées « Le crachoir de Maître Niu » et « Le nouvel Emile » qui tournent à la caricature, sans aucune empathie, de personnages décidés à suivre une règle qu'ils se sont donné quelles que puissent en être les conséquences pour autrui.

 

En revanche, les deux nouvelles  « La mort d'un chien » et « Li noir et Li blanc » contiennent au moins un personnage qui a une attitude  volontaire et, dans le cas du personnage du père de Tu Yifu , admirable et qui semble admirée par l'auteur. Ces deux nouvelles m'ont redonné un peu le moral pour continuer à lire les autres.

 

En résumé, j'ai donc apprécié le talent de l'auteur, la composition de chacune de ces nouvelles, et l'art de conclure chacune avec une petite remarque ou une scène qui indique, en peu de mots, le sens que l'auteur veut donner à l'histoire qu'il nous raconte, Mais j'ai trouvé la vision du monde qui se dégage de ces nouvelles d'un pessimisme qui m'a souvent mise mal à l'aise. »

 

Ø  Zh. Lingling a ouvert la séance viva voce : elle avait lu des nouvelles en chinois, en commençant par « Le croissant de lune ».

 

La nouvelle lui a paru très amère, dans la prise de conscience du caractère inéluctable de la condition de la femme à qui la société ne laisse aucun choix, sauf celui de se marier ou de se prostituer pour vivre – constat qui lui a semblé d’autant plus terrible que c’est peu ou prou encore le cas aujourd’hui en Chine. Malgré tout, en dépit de la froideur du ton, de sa distanciation, elle a trouvé une touche poétique dans les descriptions des personnages.

 

Elle a apprécié les touches d’humour – très léger – dans les autres nouvelles, comme « Vieille tragédie pour temps modernes », mais dans l’ensemble, ce qui l’a frappée, c’est que les personnages – pour la plupart masculins – sont tout aussi dénués de choix que les deux femmes du « Croissant de lune ». C’est le cas par exemple du vieux policier du zhongpian (ou novella) « Ma vie » (《我这一辈子》)[3] – un simple patrouilleur de rues (xúnjǐng 巡警) dont la vie n’est qu’une inexorable descente en enfer [comme le tireur de pousse de la nouvelle qui en est le pendant (Luotuo xiangzi《骆驼祥子》)].

 

Ces récits sont centrés sur les personnages, un peu comme des pièces de théâtre. Lingling a beaucoup aimé les détails, comme la description du métier initial du vieux policier, dans « Ma vie » : il fabriquait des figurines en papier, que l’on brûlait lors des funérailles et des cérémonies funèbres (tous les sept jours après le décès), car, fait dire Lao She au vieil homme, autrefois on n’était pas aussi pingre qu’aujourd’hui, quand quelqu’un mourait, on faisait les choses en grand. Cela l’a d’autant plus frappée qu’elle n’a jamais vu faire ça chez elle.

 

Enfin, elle a beaucoup aimé l’écriture, et la langue, non la langue classique, mais un baihua (白话) [ou chinois vernaculaire] qui est une véritable création, et particulièrement adapté au sujet.

 

Ø  Dorothée MS a lu le recueil « L’homme qui ne mentait jamais » avec une intérêt croissant, mais avec une préférence pour trois nouvelles :

- « Le nouveau Hamlet » pour ce malheureux personnage foncièrement incapable d’agir, et qu’elle a vu comme une victime, déjà, de la mondialisation, étant fils d’un marchand de fruits victime des importations du Japon et de Corée ;

- « Buffle de fer et canard malade » par sympathie pour « Buffle de fer » et son idéal dans la vie : « accomplir une grande œuvre sans faire de remous » ;

- « Un vieillard sentimental » pour l’analogie de ton qu’elle y a trouvé avec une nouvelle d’Arthur Schnitzler « Le Sous-lieutenant Gustel » (Lieutenant Gustl), initialement publiée en 1901[4].

 

 

 

Lieutenant Gustl, édition 1901.

 

[Insulté par un maître boulanger, Gustel revoit en pensée sa vie et les femmes qu’il a connues, et estime que, son honneur étant en jeu, il n’a d’autre choix que le suicide ; cependant, le lendemain au réveil, avant de se tirer une balle dans la tête, il va prendre un café et apprend que le boulanger est mort d’une attaque dans la nuit ; soulagé, il abandonne son projet de suicide, et se prépare à se battre en duel dans l’après-midi.

 

C’est la même ironie froide que celle de Lao She, une satire grinçante des fondements de l’Empire austro-hongrois. La nouvelle a d’ailleurs valu à Schnitzler, d’origine juive qui plus est, d’être démis de ses fonctions de médecin et officier de réserve. Son pessimisme dans sa vision de la dégradation des valeurs morales de son époque, le début du 20e siècle, le rapproche effectivement de Lao She.]

 

Ø  LLP était un peu en porte-à-faux, dit-elle, pour aborder ce programme car elle n’est pas friande de nouvelles en général, ayant du mal à retenir le détail des histoires, et jusqu’aux noms des personnages.

 

Elle a été frappée par l’humour très sombre de l’ensemble, et le pessimisme qui en ressort. Les nouvelles peuvent être classées en trois catégories relevant de thématiques telles que introspection, absurde et peinture sociale, mais dans l’ensemble, les personnages sont victimes de la société, et tellement malmenés qu’ils peuvent finir par se départir de leurs exigences morales.

 

Elle a été particulièrement sensible à la peinture des femmes, et en particulier à la satire des accords matrimoniaux comme dans « Ménage à trois ». Pour le reste, la femme n’a aucune possibilité de choix, le point culminant étant atteint dans « Croissant de lune ».

 

Dans « Vieille tragédie pour temps modernes », Lao She dépeint une corruption généralisée et une laideur aussi bien physique que morale, avec une image de jeu nocturne qui permet de faire tomber les masques de la journée. Mais ce qui lui a fait le plus « froid dans le dos », c’est l’enlèvement de l’enfant dans « Notice nécrologique » et sa mise à mort faute des vingt yuans demandés pour sa rançon.

 

Dans toutes les nouvelles plane l’addiction à l’opium, qui revient régulièrement comme un leitmotiv. Contrairement au roman de Qian Zhongshu, ce n’est pas seulement de l’élite sociale dont il est question, mais du peuple, le petit peuple des gens ordinaires, donc impliquant une société totalement gangrenée. Et contrairement à Qian Zhongshu aussi, loin d’être à la limite du caricatural, l’humour est distillé par petites touches, comme à plaisir, si bien qu’au final, la satire est insoutenable.

 

Ø  D. Yanzhao s’est elle aussi déclarée rétive aux nouvelles, et à celles-ci en particulier, les ayant lues en tentant surtout d’y retrouver l’histoire de la période, en contrepoint. Ce qui l’a donc intéressée, elle aussi, c’est le métier du policier dépeint au début de « Ma vie », pour le rapport entre vie, mort et rituels. Pour le reste, étant surtout venue pour écouter ce que les autres membres du club auraient retiré de leur lecture, elle a passé la parole au suivant…

 

Ø  MRC, lui, a lu quinze nouvelles en chinois, séparément, sur l’appli WeChat lecture. Comme beaucoup en Chine, il considère Lao She comme le maître de la nouvelle. Pour leur brièveté, leur forme condensée, sans aucune redondance, ses textes sont même des modèles utilisés dans les lycées dans le cadre des exercices de compréhension écrite, sous la forme de questions, ouvertes ou à choix multiple.

 

Les nouvelles de Lao She sont aussi remarquables en termes de développement narratif et de construction, et surtout pour mettre en valeur les caractères, les traits spécifiques des personnages. Par exemple, dans « L’homme qui ne mentait jamais », on devine a priori que le fils de Zhou Wenxiang n’est pas malade, qu’il fait semblant de l’être. Zhou Wenxiang pense donc que le médecin ne lui donnera pas d’ordonnance. Mais finalement, il lui en donne une. On a ainsi un faux patient qui va consulter le médecin, qui délivre une fausse ordonnance. Cela met encore plus en évidence que tout le monde ment dans une société fondée sur le faux-semblant. Mais ces rebondissements sont réalistes, et en outre tellement peu exagérés qu’ils sont encore très actuels même aujourd’hui.   

 

En termes de personnages, on trouve dans ces nouvelles des types assez diversifiés. Par exemple, dans « Le crachoir de maître Niu » un fonctionnaire bureaucratique et corrompu ; dans « Buffle en fer et Canard malade », un chercheur têtu ayant peu de sens relationnel ; dans « Les lunettes », les classes populaires victimes de leur ignorance ; dans « Li le Noir et Li le Blanc », le frère aîné, plein de fraternité et le frère cadet, passionné par la révolution. À travers ces personnages, on peut avoir une vue d'ensemble des années 1930 en Chine. Lao She fournit beaucoup de descriptions détaillées assez réalistes, tant sur l'apparence que sur la psychologie des personnages : il est ainsi capable de rendre ces personnages vivants sans exagération.

 

En outre, MRC trouve le ton de ces nouvelles assez ambigu car parfois, on a l'impression que Lao She est sincère, parfois qu'il se moque, et parfois qu'il raconte une blague. Il présente des points de vue contradictoires, avec parfois un effet paradoxal, sans exprimer de prise de position claire et nette, si bien que l’on peut se poser des questions sur l’interprétation à donner à la fin de la plupart de ses nouvelles. On peut prendre comme exemple la fin de « Les lunettes » - qu’est devenu « l’étudiant myope » ? – ou encore « L’homme qui ne mentait jamais », c’est d’ailleurs le sujet d’une question de compréhension écrite posée aux lycéens chinois :

L’affirmation suivante concernant l'analyse du texte est-elle correcte?

À travers la description psychologique du personnage, l'auteur exprime une satire et critique le mensonge de Zhou Wenxiang. L’auteur montre aussi son impuissance et sa sympathie face à un environnement où le mensonge devient la norme.

 

Le professeur auteur de cette question a donné comme réponse standard : cette affirmation est fausse, car si la première phrase est correcte, la seconde ne l’est pas. Pourtant on peut ne pas être entièrement d’accord car cette nouvelle ouvre sur plusieurs interprétations possibles de son thème central : le mensonge est-il un passeport nécessaire dans cette société ? Lao She a laissé des questions ouvertes à l'interprétation du lecteur.

 

Ø  Ayant été malade pendant toute la période des « fêtes », Laura n’avait rien pu lire, elle a donc profité de sa pause-déjeuner pour lire quelques-unes des nouvelles au programme - trois, choisies parmi les plus courtes : « L’homme qui ne mentait jamais », « L’ordonnance » et « Le crachoir de maître Niu ».

 

Laura adore l’humour noir, et elle a retrouvé avec plaisir dans ces nouvelles l’humour qu’elle avait beaucoup aimé dans « Messieurs Ma, père et fils » (《二马》 )[5]. Mais cet humour très particulier lui a aussi rappelé certains romans de Yan Lianke (阎连科), avec leur côté satirique et mordant, « Le Rêve du village des Ding » (《丁庄梦》), par exemple.

 [effectivement, sans aller jusqu’à la verve truculente de « Bons baisers de Lénine » (《受活》), on peut aussi penser à l’humour froid et à la satire décalée des « Quatre livres »]

 

Elle a trouvé la nouvelle « L’ordonnance » particulièrement intéressante, pour la construction, la maîtrise des dialogues, le caractère très vivant du passage dans la prison, et l’ironie du livre rouge oublié dans les toilettes. Mais aussi le caractère émouvant, et riche de sous-entendus ambigus, de la déclaration de l’écrivain répliquant au malheureux jeté en prison pour avoir eu son livre en main : « C’est pour des gens comme toi que je l’ai écrit. » La nouvelle est en outre remarquablement bien construite bien qu’on s’attende à la fin dès le début quand il est dit que le père du jeune garçon de l’histoire était gravement malade.

 

Dans « Le crachoir de maître Niu », elle a trouvé drôle la série de projets dérisoires et vides de sens, autour de la nécessité d’un indispensable crachoir quand on acquiert une voiture.

Oui, commente Christiane P., et il est aussi amusant de voir le rôle dévolu aux concubines dans l’histoire. C’est parce que sa troisième concubine est là quand il arrive dans sa bibliothèque avec son directeur qu’il cesse de le fustiger brutalement ; et à la fin, c’est parce qu’elle est partie qu’il abandonne le projet de production des crachoirs.

 

Laura a tiré de cette lecture rapide l’envie de lire les autres nouvelles.

 

Ø  W. Lei aime beaucoup l’œuvre de Lao She, et pour cette séance, elle a lu un recueil de nouvelles en chinois, plus « La Philosophie de Lao Zhang » en version numérique sur l’application WeChat Reading. Parmi les nouvelles, ses préférées sont « Le Croissant de Lune » (《月牙儿》), « Cinéma sonore » (《有声电影》) et « Le problème qui n’est pas un problème » (《不是问题的问题》) [ou : Un problème qui n’en est pas un].

 

 

 

Le recueil de nouvelles

« L’homme qui ne mentait jamais »

+ « Le Pousse-pousse »

 

Ce que W. Lei apprécie chez Lao She, c’est à la fois son style, ses personnages, sa touche d’humour subtile, et la peinture sociale, réaliste et critique. Comme elle rentrait de Chine où elle a passé les fêtes de fin d’année, elle a pu voir dans l’avion la deuxième saison de l’émission Lire sur une île (我在岛屿读书,第二季)[6] dans laquelle, justement, les écrivains évoquent Lao She à plusieurs reprises, en citant des aspects littéraires qu’elle avait elle-même remarqués au cours de ses lectures. Elle a ainsi pu croiser ses propres réflexions et certains des points soulevés dans l’émission.

 

- L’humour : doux, naturel et profond. Il peut provoquer des éclats de rire (ce qui lui est arrivé en lisant « Cinéma sonore ») tout en amenant à une réflexion plus poussée. Dans « La Philosophie de Lao Zhang » , la « trinité » développée par le personnage, et des détails comme la description de son aspect physique (extrêmement laid mais embelli de manière ironique), renforcent le caractère comique et absurde de ses idées.

Dans la saison 2, épisode 5, de l’émission Lire sur une île, les écrivains Yu Hua (余华), Su Tong (苏童) et Ma Boyong (马伯庸) discutent de l’humour en littérature : Yu Hua et Su Tong estiment que l’humour est une expression spontanée et inconsciente, Yu Hua expliquant qu’il peut se manifester par divers moyens tels que la langue, les détails, les expressions du visage ou les mouvements ; Ma Boyong, de son côté, classe Lao She parmi les maîtres de l’humour, aux côtés de l’écrivain britannique Somerset Maugham.

 

- Les portraits des « petits personnages » (小人物), art dans lequel excelle Lao She. On se souvient de ses personnages modestes comme le Xiangzi du « Pousse-pousse » ou encore le duo mère-fille du « Croissant de Lune ». Ces personnages sont empreints d’une forte authenticité et reflètent le quotidien ordinaire, ce qu’on pourrait aujourd’hui appeler une écriture pleine de « l’odeur des fumées de cuisine » (烟火气).

 

Dans l’épisode 7 de la saison 2 de Lire sur une île, Yu Hua et Su Tong discutent avec Cheng Yongxin (程永新), Zhu Yong (祝勇)[7] et Zheng Zhi (郑执) des « petits personnages » en littérature ; ils soulignent que la plupart des œuvres littéraires décrivent des personnages modestes et que même les grands personnages nécessitent souvent le contraste des petits personnages pour être mis en valeur car le monde est fait de petits personnages. Yu Hua conclut que nous sommes tous des « petits personnages », des gens ordinaires ; lire leurs histoires, c’est donc lire nos propres histoires.

 

- La satire et la critique réaliste, satire sociale et humaine qui se cache derrière l’humour de Lao She.

Ses œuvres utilisent souvent une approche « voir le grand à travers le petit » (以小见大), décrivant des personnages modestes pour exposer les travers de la société et les faiblesses humaines.

 

Dans la nouvelle « Le problème qui n’est pas un problème », la critique est évidente dès le titre. À travers l’histoire de la gestion d’une ferme, Lao She oppose deux personnages : Ding Wuyuan, qui ne possède aucune compétence réelle mais réussit grâce à son talent pour manipuler les gens, et You Daxing, compétent et passionné, mais incapable de se faire une place dans ce système. Cette nouvelle dénonce les « règles du jeu » de la société chinoise où, bien souvent, les relations et les intérêts matériels l’emportent sur les compétences, les principes et la vérité. En regardant la société actuelle, on constate que ce problème reste pertinent, ce qui confère à cette œuvre une portée toujours aussi réaliste.

 

[La nouvelle a été adaptée au cinéma, et le film, sorti en 2016 sous le titre « Mr No Problem » (《不成问题的问题》), est très réussi, en particulier grâce à l’interprétation du grand acteur Fan Wei (范伟). On le trouve sur YouTube, le lien est à la fin de l’article].

 

Un autre exemple est « Le Croissant de Lune », la nouvelle préférée de W. Lei parmi celles lues pour cette séance du club de lecture. À travers le destin tragique de la narratrice, Lao She expose les difficultés de survie des femmes dans l’ancienne société chinoise et la manière dont leur valeur était définie par le système patriarcal. Même aujourd’hui, ajoute W. Lei, dans un monde où les femmes jouissent de plus de droits, on peut se demander dans quelle mesure leur valeur et leur accomplissement sont encore liés à des échanges matériels ou physiques. Dans le contexte des mariages en Chine, les conditions matérielles (maison, voiture, argent,房子,车子,票子) exigées par la famille ne constituent-elles pas une forme de marchandisation implicite de la femme, « évaluée » en fonction de la valeur de l’appartement, de la voiture et des économies de son futur mari ?

 

- Le symbolisme :  élément important dans l’écriture de Lao She, comme en témoigne en particulier « Le Croissant de Lune ». Ce croissant symbolise les émotions changeantes de la narratrice, mais il représente également la narratrice elle-même : « petite » et « incomplète/imparfaite ». Dans une nuit noire infinie, le croissant reflète sa vie, dépourvue d’espoir. Pourtant, sa lumière scintillante symbolise son effort pour garder une certaine lueur d’espoir face aux difficultés de la vie.

 

Le dernier point abordé par W. Lei concerne les caractéristiques régionales dans l’œuvre de Lao She, qu’elle a particulièrement ressenties car elle est originaire du Hebei, relevant d’une culture proche de celle du Pékin de Lao She, culture commune désignée par le terme « culture de Yan-Zhao » (燕赵文化). Lao She restitue avec authenticité la culture des hutongs, les relations de voisinage et les scènes de la vie quotidienne pékinoise. Dans la nouvelle « Les Petits Pains Chauds » (《热包子》), on voit combien les familles étaient proches les unes des autres, chacun connaissant tout ce qui se passait chez les voisins. Ayant elle-même vécu dans un hutong jusqu’à la fin de ses études secondaires, ces descriptions lui ont rappelé de nombreux souvenirs : les soirées d’été où, après le dîner, les voisins sortaient des bancs pour s’asseoir ensemble devant une porte ou l’autre, discuter, se rafraîchir et, parfois, jouer aux cartes. En y repensant aujourd’hui, elle se demande de quoi les adultes pouvaient bien parler ainsi chaque jour…

 

Dans le même ordre d’idées, elle a également été frappée par les expressions dialectales qui sont intégrées dans les récits, des expressions qu’elle connaissait sans savoir comment les écrire. Par exemple, dans « La Philosophie de Lao Zhang », elle a trouvé l’expression dialectale ziyao «自要» (équivalent de zhiyao «只要», « pour autant que »). Bien que connaissant l’expression depuis toujours, c’était la première fois qu’elle la voyait écrite.

Réflexion qui entraîne des réactions croisées parmi les membres du club originaires de provinces différentes.

 

Dans la saison 2, épisode 5 de Lire sur une île, Cheng Yongxin, Zhu Yong et l’écrivain A Lai (阿来) en discutent, Zhu Yong soulignant l’utilisation du dialecte pékinois dans les œuvres de Lao She, ainsi que sa capacité à capturer la vie sociale et quotidienne de Pékin.

Aujourd’hui, la littérature dialectale gagne progressivement en popularité en Chine, pour ces mêmes raisons.

 

Ø  Zh. Guochuan, pour sa part, avait lu en chinois huit des nouvelles du recueil de traductions en français, dans une édition trouvée à la Bulac.

 

Elle a trouvé l’histoire des « Lunettes » particulièrement cruelle, dans une sorte d’inexorable descente aux enfers rappelant celle du « Pousse-pousse » [ou du « Croissant de lune »]. Dans « La Chenille » et dans « Li le noir et Li le blanc », elle a été frappée par la précision des détails dans la description des personnages, même secondaires, tel ce tireur de pousse, dans « Li le noir et Li le blanc », qui avait pour seul défaut une cicatrice sur le crâne parce qu’il avait reçu un coup de sabot d’un cheval quand il était enfant. Et dans cette même nouvelle, elle a par ailleurs noté la satire sociale d’une époque en pleine mutation, où le tireur de pousse est condamné par la construction du tramway, avec une réaction de rejet de la nouveauté.

 

Dans « L’ordonnance », la satire sociale s’attaque aux mentalités qui distinguent trois catégories de personnes dans la population, en fonction des vêtements qu’ils portent, mentalités se traduisant chez les policiers par une différence de traitement aux postes de contrôle, ce qui lui a semblé pouvoir se traduire en termes de censure… Dans cette même nouvelle, elle a bien aimé le personnage de l’auteur. Et pour reprendre l’histoire de « L’homme qui ne mentait jamais », elle a compris que l’enfant est vraiment malade, mais que son père est trop imbu de ses propres problèmes pour y faire attention.

[mais toute la subtilité de la nouvelle est de laisser planer le doute sur la réalité du mal de ventre de l’enfant, qui entraîne un doute à la fois sur l’attitude du père et sur la déontologie du médecin, voire ses capacités, en illustration de la formule initiale : pas de civilisation sans mensonge.]

 

Pour rebondir sur la question des expressions dialectales, elle a trouvé, au début de la nouvelle « Notice nécrologique », un terme original, volontairement énigmatique, utilisé par Lao She pour désigner les soldats japonais qui sont au cœur de cette nouvelle : ces crevettes de … (xxx 虾仁)[8] , comme on dit « ces abrutis de… ».  

 

Enfin, elle a trouvé un film récent inspiré du « Nouvel Émile ». Il est intitulé « Zhua Wawa » (《抓娃娃》), mais le scénario est différent : un homme d’affaires riche est inquiet de voir que son fils aîné est trop gâté pour pouvoir lui succéder ; il se tourne alors vers son deuxième fils, né de sa deuxième épouse, et décide de lui faire mener une vie spartiate et de l’élever dans la pauvreté pour lui inculquer les qualités requises pour en faire un digne successeur.

 

 

Zhua Wawa

 

 

[en anglais « Successor », coréalisé/écrit par Yan Fei et Peng Damo (闫非、彭大魔), avec Shen Teng (沈腾) et l’actrice Ma Li (马丽) dans les rôles principaux, le film est l’un des nombreuses comédies satiriques, très à la mode, sorties en Chine ces derniers temps, celle-ci pendant l’été 2024, puis diffusée en ligne sur les plateformes iQiyi, Tencent et Youku. Les deux réalisateurs/scénaristes sont des réalisateurs de comédies à succès, avec les deux mêmes acteurs. Le film a été un succès au box-office. Mais, même si on reconnaît l’idée de départ, on est loin de la nouvelle de Lao She.]

 

Ø  Marion J. s’est replongée avec plaisir dans ces nouvelles qui lui ont rappelé [avec, semble-t-il, une certaine nostalgie] des souvenirs de publications des années 80, mais qui ont spontanément suscité en elle des parallèles venant relativiser ce qui peut heurter dans nombre de ces histoires.

 

Les hommes sont toujours imbus d’eux-mêmes, et les personnages féminins rares, mais comme dans la littérature française du 19e siècle. La violence est omniprésente, comme dans les nouvelles de Yu Hua et de Mo Yan, mais aussi comme dans les campagnes françaises du début du 20e siècle, voire auparavant chez Maupassant ou Zola, avec une même image récurrente de la femme comme objet d’échange. Il ne semble pas y avoir d’empathie de la part de Lao She, mais on ressent une certaine solidarité – envers les enfants dans « La Chenille », par exemple. Cependant, tout est savamment ambigu, et à prendre au second degré.

 

Dans « La mort d’un chien » [nouvelle datée de 1939, donc du début de la guerre et de l’occupation japonaise], c’est la posture révolutionnaire et patriotique qui est tournée en dérision. Le personnage principal, Tu Yifu, est paralysé par la peur en lisant les journaux et pense se réconforter en allant voir son père, qui est analphabète, en se disant que les illettrés représentaient une force formidable et que c’était finalement de gens comme son père que dépendait l’avenir du pays. Mais en fait, le père compte sur son fils…

 

Dans « Le nouvel Hamlet », le jeune Hamlet n’aime pas son père, marchand de fruits auquel il reproche en particulier d’estamper les malheureux paysans, mais qui est finalement victime impuissante de l’évolution économique de l’époque ; Marion a trouvé touchante la réaction du vieil homme au bout du rouleau, tentant en vain de négocier les quatre murs qui lui restent et disant à son fils : « Toi qui as étudié, tu dois avoir une idée, moi je n’en ai pas… »

[mais le fils, continuant à se sentir détenteur de la vérité, cherche juste une échappatoire, un endroit où fuir, et ce faisant ses pas le ramènent… devant l’échoppe paternelle. Le récit, comme les autres, s’achève sur une superbe boucle qui fige le récit dans l’impossibilité de fuir, justement]

 

Quant au tireur de pousse déjà évoqué, dans « Li le noir et Li le blanc », bien plus proche de son « 4ème maître » que de l’autre, pourtant plus attentif « à ses jambes », il ne lui semble pas représenter une vision fermée, hostile à la modernité représentée par le tramway, il a juste peur de perdre son boulot. Il est semblable aux canuts qui se sont révoltés au 19e siècle contre la mécanisation des métiers à tisser ; elle a vu également, quand elle travaillait aux archives de l’INA, des dossiers sur les attaques de trains à la même époque, les trains étant liés à la révolution industrielle que beaucoup considéraient comme une calamité.

 

Dans l’ensemble, elle a beaucoup apprécié l’humour, en particulier dans « Ménage à trois »…

 

Ø  Et c’est sur l’humour, justement, que rebondit Françoise J. qui, pour sa part, a lu « La Philosophie de Lao Zhang » où elle a retrouvé le vieux Pékin qui lui est cher.

 

 

 

La Philosophie de Lao Zhang, édition 1999

 

Le roman lui est apparu comme représentatif de l’attrait-répulsion de l’Occident typique de la période où il se situe, les années 1919-1923 comme indiqué à la fin - attrait-répulsion qui se traduit déjà dans les vêtements précisément dépeints.

[ainsi maître Sun portant « un gilet à boutons dorés et une longue robe bleu ciel » dénotant tout de suite le « gentilhomme campagnard ». Quant à l’inspecteur, lui aussi la quarantaine passée,

穿着一件旧灰色官纱袍,下面一条河南绸做的洋式裤,系着裤脚。足下一双短筒半新洋皮鞋,露着本地蓝市布家做的袜子。乍看使人觉着有些光线不调,看惯了更显得新旧咸宜允执厥中。或者也可以说是东西文化调和的先声。[9]

il portait « une vieille robe de cotonnade grise de dignitaire, sur un pantalon de style occidental en soie du Henan dont les jambes étaient attachées aux chevilles… et des chaussures de cuir étrangères à moitié neuves qui, étant basses, laissaient apparaître des chaussettes bleues de fabrication locale. … Ensemble qui pouvait sembler disparate à première vue, du genre « mariant l’ancien et le nouveau » en « s’en tenant au milieu », mais que l’on pouvait aussi considérer comme la marque prémonitoire de la recherche d’une alliance harmonieuse entre cultures orientale et occidentale.]

 

Elle en a surtout apprécié la verve satirique, qui commence dès la description des personnages, comme dans les nouvelles qui suivront. Et comme dans les nouvelles le roman se termine sur une fin ouverte.

 

Ø  Après être intervenue plusieurs fois pour souligner un point ou un autre, un trait de caractère ou un autre, Christiane P. revient pour conclure brièvement la séance en revenant sur des nouvelles peu ou pas commentées jusque-là. En fait, dit-elle, elle a longtemps préféré « La maison de thé » et « Quatre générations sous un même toit » aux nouvelles de Lao She, qu’elle trouvait trop critiques et acerbes. Mais, en les relisant pour le club de lecture, elle en a apprécié la subtilité et la diversité de ton, en particulier dans la peinture des personnages et la construction des récits.

 

Parmi les personnages, elle a ainsi trouvé celui de Buffle en Fer très sympathique, avec son grand réalisme et la priorité donnée à l’exécution de son travail sans souci de promotion ni d’enrichissement, avec pour motto « être utile sans le crier sur les toits ». On a là un idéal de vie, sur fond de vie dans les campagnes.

 

La construction de chaque nouvelle lui a paru remarquable, souvent fondée sur l’opposition de deux personnages, comme les deux frères dans « Li le blanc et Li le noir », ou le père et le fils [et le lettré et le général] dans « Vieille tragédie pour temps moderne », un père plein de « vertu » dans la grande tradition patriarcale confucéenne. Cette dernière nouvelle est une histoire tragique à la construction particulièrement complexe où une partie de mahjong occupe une place centrale, se terminant au petit matin « au moment où la rosée commençait à briller dans l’herbe ». Dans cette nouvelle, Christiane avait dit auparavant combien elle avait aimé le personnage tragique de la jeune « Xiao Feng » (小凤), qui, bien qu’ayant étudié à l’École normale, avait été victime d’accusations malveillantes et devait rester chez elle pour s’occuper de sa mère, se retrouvant objet de marchandage.

 

Dans « La mort d’un chien », elle a bien aimé l’atmosphère de révolution qui couve, mais se limite à de belles paroles quand le danger devient menaçant. Cependant, c’est le « Nouvel Émile » qui l’a peut-être le plus frappée, pour être comme une caricature « anti-Rousseau » à faire frémir : contrairement à tout ce que préconise Rousseau, le nouvel Émile de Lao She est coupé de son environnement et victime d’un bourrage de crâne intensif qui le rend insensible. Christiane souligne que la nouvelle date de 1936, et reflète l’influence d’Aldous Huxley dont « Le meilleur des mondes » (Brave New World) est paru en 1932 et que Lao She a pu lire en anglais avant même sa traduction en chinois.

 

La séance est levée à regret à plus de 21h15, en rendant la librairie à la paix de la nuit…

 


 

Prochaine séance :

Le mercredi 12 février 2025

 

Séance consacrée à Liu Na’ou (刘呐鸥) et plus particulièrement à ses

- Scènes de vie à Shanghai, trad. Marie Laureillard, Serge Safran éd., 2023.


 

[1] Lao She s’est d’ailleurs lui-même expliqué sur ce qu’il entendait par « humour » dans son essai « Qu’est-ce que l’humour » (《什么是幽默》), publié de manière significative en mars 1956, à l’aube du mouvement des Cent Fleurs. On trouve d’ailleurs des pointes concernant l’humour dans la bouche de ses personnages, comme dans « Vieille tragédie pour temps modernes » où le vieux Chen dissimule un sourire face au général auquel il a rendu visite et qui lui a donné à lire une lettre de son frère lui demandant d’intervenir en faveur de son neveu - « la supériorité du lettré venant de sa capacité à rire d’un écrit ». (fin du chapitre 4).

[2] Nouvelles publiées dans le recueil « Treize récits chinois, 1918-1949 », Philippe Picquier 1987, Picquier poche 2000. La première est un extrait du roman « Daming Hu » (《大明湖》) dont le manuscrit est parti en fumée lors du bombardement de Shanghai.
On peut trouver les textes chinois de la plupart des nouvelles sur le site qidian :
https://www.qidian.com/book/1021697598/

[3] Novella publiée en 1937 et traduite en français (par un collectif de traducteurs) « Histoire de ma vie », Gallimard, 1982, Folio 2002. Le récit a fait l’objet d’une superbe adaptation au cinéma par Shi Hui (石挥), en 1950.

[4] Il en existe plusieurs traductions en français, dont une bilingue : Le Lieutenant Gustel, trad. Claire Rozier, Presses Pocket, 1991, ou plus récente : Le Sous-lieutenant Gustel, trad. Maël Renouard, Éditions Sillage, 2009.

[5] Trad. Claude Payen, Philippe Picquier, 2000, et Picquier poche, 2003/2014.

[7] Cheng Yongxin est rédacteur en chef de la revue Harvest (Shouhuo 收获), éditeur et ami de Yu Hua et Su Tong.

Zhu Yong est écrivain et critique d’art.

[8] 虾仁 xiārén désigne plus précisément des crevettes décortiquées.  

[9] D’après le texte original en ligne en 21 chapitres. L’extrait est dans le chapitre 1.


 

     

 

 

 

 

     

 

 

 

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