|
AI WEIWEI – 1000
ans de joies et de peines
Note critique de Martine Breton
Préparée pour la
séance du 28 septembre 2022 du
Club de lecture.
1000 ans de joies et de
peines est une
autobiographie classique, mention plaidoyer pro domo. Un homme,
Ai Weiwei, artiste chinois mondialement connu – du moins dans
les cercles cultivés – raconte les soixante-trois années de sa
vie, de 1957, année de sa naissance à Pékin, à 2020. On pourrait
dire qu’il n’y a là rien d’original. Ce qui l’est plus par
contre, c’est que durant les neuf premiers chapitres, il adosse
sa vie à celle de son père, Ai Qing, poète mondialement connu –
du moins dans les cercles cultivés -. Il consacre 163 pages à la
vie de son père et 230 à la sienne, ce qui est un peu
déséquilibré. Bien sûr, sa vie n’est pas finie ; il n’a que 63
ans et il faut lui souhaiter de vivre encore longtemps pour
exposer de nouvelles œuvres qui nous étonneront ou nous
émerveilleront, pour diffuser au moyen de l’art sa critique
virulente des régimes autoritaires – surtout aujourd’hui où la
foi en la démocratie vacille un peu partout dans le monde –
Je ne dirai pas grand-chose des
pages concernant Ai Qing. Nous connaissons tous, pour l’avoir lu
sous différentes approches, les tortures infligées par les
régimes communistes à ceux qui osaient les critiquer. Ai Qing –
et je ne voudrais pas vous choquer en disant cela – s’en est
plutôt bien tiré puisqu’il n’est pas mort dans les lieux de
relégation où il avait été envoyé. Ai Weiwei émeut par l’amour
qu’il porte à son père. Le titre de l’autobiographie est tiré
d’un vers d’un poème de Ai Qing et il en cite quelques-uns tout
au long du livre. Il fait très souvent référence aux souffrances
– physiques et morales - que son père a dû endurer. Cette
souffrance du père a façonné sa compréhension du gouvernement
communiste et a donné naissance et nourri sa critique du système
mis en place par Mao Tsé-toung et ses sbires.
Ai Weiwei a souvent des
notations très justes. J’ai relevé celle-ci concernant la
relation à son père. Page 346 : c’est pendant sa détention au
secret « Cette nuit-là, qui allait être longue, je songeai à mon
père, et je me rendis compte à quel point je le connaissais mal.
La remarque de Xu sur la révolution culturelle n’était nullement
exagérée, et j’appréciai pleinement la relative tolérance de
l’ère actuelle. Mon père avait traversé une période bien plus
dure, dans laquelle tant de personnes ont payé de leur vie les
propos qu’ils avaient tenus. Je ne lui avais jamais demandé ce
qu’il en pensait, je ne m’étais jamais demandé comment était
selon lui le monde qu’il voyait de son œil valide. Je ressentis
un vif regret de ce fossé désormais infranchissable entre lui et
moi. C’est là, à cet instant, que l’idée d’écrire ce livre m’est
venue, pour éviter à Ai Lao de souffrir un jour du même
regret. » J’éprouve aujourd’hui ce même regret de ne pas avoir
demandé à mes parents et surtout à mes grands-parents des
détails sur leur jeunesse.
Concernant la partie qui le
concerne personnellement, je suis assez partagée.
À la première lecture j’ai été
très souvent agacée par ses propos et j’ai refermé le livre avec
une opinion assez négative de lui. Ce type ne me plaisait pas.
Je ne retenais qu’une facette, celle d’un m’as-tu vu, de
quelqu’un qui manquait d’humilité. Ce n’est qu’à la deuxième
lecture, plus précise, en vue de ce commentaire, que j’ai
tempéré mon opinion. Au fil des pages, il m’est apparu que tout
le travail qu’il avait réalisé depuis son retour en Chine avait
une grande cohérence et démontrait un grand courage face aux
autorités de son pays. Je cite, page 233 : « Mon inspiration et
mon audace provenaient de mon dégoût et de mon exaspération, de
la ténacité acharnée que mes années à New York m’avaient
inculquée, et de mon impatience envers la timidité de la
génération de mon père. Je n’avais maintenant aucune intention
de me retenir. Je déclarai ouvertement mon opposition au statu
quo et, par cet acte de non-coopération (référence au titre de
son exposition intitulée Fuck off – en chinois De
façon non-coopérative) réaffirmai ma responsabilité en
optant pour une position critique. »
Lorsque j’ai refermé le livre à
la fin de ma première lecture, je me suis demandé « Si je devais
qualifier Ai Weiwei, quels termes emploierais-je ? » Une formule
ne suffisait pas pour cerner ce personnage un peu hors du
commun, alors j’ai opté pour Un bisounours imbu de lui-même,
À pays démesuré, artiste démesuré, Un artiste profondément
chinois.
Je m’explique.
Un bisounours imbu de
lui-même.
Un bisounours :
À partir de 2005 Ai Weiwei s’investit corps et âme dans la
dénonciation du régime chinois par le biais d’un blog. Il
dépense une énergie colossale avec un courage remarquable et une
sincérité admirable pour traquer les horreurs qui s’abattent sur
les simples citoyens. Page 249 : « Bloguer me plut parce que
cela me donnait la possibilité de parler des déchirements et des
bouleversements de la société qui m’entourait. » Page 250 :
« Chaque caractère que je tapais sur mon clavier représentait
une nouvelle liberté. En donnant cours à des voix autres,
l’Internet affaiblissait la puissance de l’autocratie, écartant
les obstacles qu’elle mettait en travers du chemin des
individus. » Cette croyance s’est révélée malheureusement
totalement utopique. Ai Weiwei a cru que les Chinois allaient
ouvrir les yeux et trouver le courage de critiquer voire de se
rebeller. Il s’est bien positionné à l’avant-garde des masses
populaires, mais ceux qui l’ont suivi n’ont été qu’une poignée,
« Ce message a été lu et retransmis des centaines de milliers de
fois et j’alors compris que j’avais touché un nerf sensible. »
(Page 253) Qu’est-ce que quelques centaines de milliers de
personnes sur un milliard et quelque ? Ai Weiwei a cru pouvoir
changer le rapport de force avec les autorités politiques et la
police, mais force est de constater que rien n’a bougé et
qu’aujourd’hui la situation est encore plus horrible, que les
Chinois ont encore moins la liberté de s’exprimer. Cette lutte à
armes non égales a sans doute eu plus de répercussions en
Occident, où l’on prête une oreille attentive à la dissidence,
que dans son propre pays.
Imbu de lui-même :
comme je le disais plus haut, c’est cette facette de sa
personnalité qui m’a franchement énervée. Je n’ai pas noté tous
les passages où il exprime un contentement de soi, où il
rapporte des propos élogieux sur son œuvre. Il ne doute pas de
son talent – ce que je ne remets pas en question – mais il y a
manière et manière de l’exprimer. Entre les pages 164 et 390
j’ai relevé vingt occurrences qui m’ont fait bondir ou mise mal
à l’aise. Par exemple à la page 164 : « C’est à ce moment-là
qu’un admirateur de la poésie de Père lui proposa une petite
résidence…mais elle était bien située et nous eûmes bientôt un
flux constant de visiteurs… » Ce « nous » me gêne, laissant
entendre que les visiteurs viennent voir le père et le fils,
alors qu’à mon avis ils ne viennent que pour le père. Il se fait
mousser en faisant retomber la gloire du père sur lui aussi !
(Ici peut-être faudrait-il se reporter au texte chinois) Page
221 : « Depuis que mes aventures à New York étaient entrées dans
la légende, de jeunes artistes venaient souvent me voir pour me
demander conseil » c’est désarmant d’innocence !! Page 249 :
« je suis entré dans le champ visuel du public avec la force
d’une balle de fusil. » Page 314 : « Alors que ma réputation
mondiale croissait… » Il ne faut pas exagérer ! seulement dans
les élites culturelles occidentales, il me semble. Page 308 :
« on m’a demandé si le fait d’être le fils d’un grand poète
m’avait aidé à attirer les lecteurs. J’ai répondu par une
boutade : « si Twitter avait été inventé plus tôt, ma réputation
serait aujourd’hui bien plus grande que celle de mon père. »
Cette réponse pouvait sembler arrogante, mais elle reflétait la
vérité sur l’attention qu’obtenaient mes tweets. » Carrément !
Il ne doute de rien ! Cependant on trouve à la page 256 :
« J’étais à l’époque jeune et imbu de moi-même. » Belle preuve
d’honnêteté intellectuelle ! Quant à Ai Lao, tel père, tel
fils : page 390 : « Il y a trois ans, Quand j’étais encore un
petit enfant, J’étais déjà intelligent » Un poème écrit à 5
ans ! Sûrement un enfant surdoué !
À pays démesuré, artiste
démesuré
Quand on pense à la Chine, on a
souvent une idée de démesure : la Grande Muraille, l’Armée
enterrée, les jonques de Zheng He, les eunuques et les
concubines par centaines à la cour impériale, etc. Dans les
œuvres de Ai Weiwei, du moins dans les plus emblématiques, j’ai
retrouvé cette démesure : 100 millions de graines de tournesol à
la Tate Modern, 9 000 cartables sur la façade de la Maison de
l’Art à Munich, à Kassel 1001 Chinois amenés et 1001 chaises de
style Qing installées, pour la sculpture Template « un
millier de portes et de fenêtres de bois récupérées de vieux
bâtiments dans le Shanxi voués à la démolition », 200
tonnes de fers à béton pour la sculpture Straight à la
Biennale de Venise en 2013 ou encore un lustre fait de cristaux
et de vélos haut de plusieurs dizaines de mètres à Londres ou
« cent gros troncs d’arbres secs, tous de plus de cent ans,
récoltés dans les montagnes du sud de la Chine » pour
l’exposition Rooted Upon à Munich . Cette
démesure donne une force et un éclat extraordinaires au message
qu’il veut faire passer.
Un artiste profondément
chinois
1) - Ai Weiwei, malgré ses
treize années aux États-Unis et ses connexions avec des artistes
occidentaux, trouve ses matériaux dans l’histoire et la
civilisation matérielle chinoise. Par exemple il se procure des
vases anciens et les détourne de leur utilité première. Il
envoie 1001 chaises de style Qing à la Dokumenta de Kassel. Il
expose cent troncs d’arbres. Il démontre ainsi son ancrage dans
sa terre d’origine et dans l’histoire de son pays. Mais, ce
faisant, il le magnifie. Il vilipende le régime et les
dirigeants actuels, tout en célébrant la grandeur, la force, la
puissance, l’histoire millénaire de son pays.
Je me suis demandé pourquoi il
avait été prendre des chaises Qing pour les installer dans un
lieu voué à l’art contemporain. J’y vois une sorte de
contradiction parce que :1) La dynastie Qing est tout de même
celle qui a mené la Chine à sa perte à cause de son incapacité à
mener des réformes pour moderniser le pays et le sortir d’une
extrême pauvreté et qui a été honnie par tous les modernistes du
début du XXe siècle. 2) Elle est aujourd’hui utilisée par les
nationalistes qui s’en servent pour asseoir la grandeur du pays
– ce qu’Ai Weiwei devrait logiquement rejeter. Alors pourquoi
une dynastie impériale ? Précisément parce qu’il est
viscéralement chinois et qu’il ne peut pas se défaire de
l’histoire de son pays. La chaise Qing est pour lui un objet
emblématique de la Chine, témoin d’un moment d’histoire qu’il ne
renie pas. Il se revendique comme artiste iconoclaste, mais
utilise la culture matérielle ancienne impériale.
Autre exemple, les graines de
tournesol de la Tate Modern à Londres. Il dit : « je voulais
essayer quelque chose impliquant un objet matériel associant à
la fois histoire et culture, mémoire et identité, qui serait
immédiatement reconnaissable et en même temps sujet à diverses
interprétations. »
Dernière preuve : page
301 : « Cette œuvre, Rooted Upon (« Racines », selon le
titre chinois), faisait écho à mon intérêt renouvelé pour les
formes et les contours du monde naturel et à mon lien avec
l’amour de la Chine pour les rochers, le bambou, et les racines
d’arbre, une tradition séculaire qui reflète une compréhension
intime de la relation entre l’homme et l’environnement. » (Cette
phrase m’a fait sourire et je me suis dit que là encore il
faisait son bisounours, parce que quand on voit l’état de
l’environnement en Chine, on se demande où est passée « la
relation entre l’homme et l’environnement »)
2) – Ai Weiwei égrène tout au
long de son autobiographie son credo artistique, sa conception
de l’art. J’ai relevé des quantités de phrases comme : « Je
voyais l’art comme une forme d’intervention sociale, promouvant
les valeurs de justice et d’égalité » (page 283) ou bien page
396 : « comme l’art révèle la vérité qui gît tout au fond du
cœur, il a la capacité de délivrer un message puissant. » Ai
Weiwei met ses réalisations artistiques au service d’une cause :
la liberté d’expression du peuple dans toutes les directions :
liberté d’exprimer son désaccord avec les autorités, liberté de
les critiquer, liberté de dénoncer la corruption, liberté de
défendre les petits, les sans-pouvoir, les maltraités. Il met
donc sa puissance créatrice au service du peuple. Le peuple
maltraité ne peut pas se défendre parce qu’il ne sait pas
comment faire et qu’il craint les conséquences – emprisonnement,
torture -. Ai Weiwei a la possibilité de s’investir dans ces
causes sociales : il a le temps, l’argent, le courage, voire
l’arrogance de défier le pouvoir totalitaire.
Mais … mettre son art au
service du peuple, n’est-ce pas une idée de tout pouvoir
totalitaire, qu’il soit nazi ou communiste ? Reportons-nous à
l’allocution de Mao Zedong de mai 1942 sur l’art et la
littérature. On y retrouve tous les arguments de Ai Weiwei. Bien
sûr celui-ci se met au service d’une cause plus défendable et il
serait malvenu de lui faire reproche de ce qu’il défend avec
tant de passion et d’abnégation. Mais il me semble être dans le
droit fil de la logique totalitaire chinoise.
Je ne voudrais pas passer sous
silence un épisode qui m’a fait bondir à plusieurs reprises et
ne m’a pas fait aimer le personnage. C’est sa description de la
préparation de Fairytale pour la Dokumenta de Kassel.
Sur les 1001 Chinois qu’il fait
venir, 1) Il s’arroge le pouvoir de les sélectionner seul en
leur faisant remplir un questionnaire avec plein de questions
très précises et bien sûr orientées. 2) Il écrit : « Ces gens ne
savaient presque rien de l’art contemporain, et la plupart
d’entre eux ne comprendraient probablement jamais où je voulais
en venir. » Ne serait-ce pas du mépris ? Cela équivaut en tout
cas à les prendre pour des objets, des « vecteurs » comme il
dit, qu’il utilise à son seul profit. 3) « Explorer le monde est
un droit que l’on acquiert à la naissance, et ces voyageurs
l’exerçaient pour la toute première fois. » Il se gargarise de
bonne conscience. « Ces gens » comme il dit, n’ont exercé aucun
droit : ils ont été embarqués dans le projet d’un seul homme,
sans en connaître le but réel. Le monde qu’ils ont exploré est
bien petit puisqu’ils n’ont pu qu’arpenter la ville de Kassel.
4) Ils ont été « parqués » dans un hangar où ils dormaient et
mangeaient chinois entre eux ; cela m’a fait penser à
l’exposition coloniale de 1931 à Paris où un organisateur privé
avait exhibé des danseurs kanaks en les faisant passer pour des
guerriers cannibales. L’initiative de Ai Weiwei est un peu du
même ordre : il exhibe 1001 Chinois en les faisant passer pour
les représentants des masses populaires. Le hangar est aussi
dénommé « hôpital de campagne » (page 266) : en règle générale
on parle d’hôpital de campagne en temps de guerre ou de
catastrophe naturelle ou de crise majeure comme le Covid 19 à
ses débuts. Ai Weiwei utiliserait-il ses compatriotes pour faire
la guerre au PCC, mais en terrain protégé, l’Allemagne ? 5) Ces
1001 Chinois pourraient-ils être considérés comme un poste
avancé de la Chine revancharde démontrant par sa démesure
qu’elle est dominante ? 6) Après avoir énuméré tous les services
offerts aux Chinois, passant ainsi pour le bon samaritain, il
parle d’eux en disant les « Chinois de Weiwei ». Sur le site
françaisfacile.com on peut lire « l’appartenance montrant la
relation qui existe entre un nom d’une part et un nom d’objet,
de chose ou de personne d’autre part est introduite par « de ».
Ces Chinois appartiendraient-ils à Ai Weiwei, comme les serfs
appartenaient au seigneur ?
Autre passage assez choquant
pour la Française que je suis : la fabrication des graines de
tournesol. On lit page 311 : « Pour ces artisans, fabriquer des
objets à la main était une activité familière. Ils prenaient un
paquet de graines du four, les emmenaient chez eux et les
peignaient lorsqu’ils avaient un moment, quand leur enfant
jouait ou que leurs parents faisaient la cuisine. On pouvait
voir des piles de graines de tournesol sous les auvents de
chaque maison à Jingdezhen. » Ce qui me gêne c’est qu’il ne fait
nulle mention de rémunération pour ces ouvriers qui travaillent
pour lui en dehors de leurs heures de travail. Il trouve normal
que ces ouvriers travaillent pour lui sur leur temps de loisir.
Je terminerai par une note plus
positive. J’ai dit à plusieurs reprises tout le bien que je
pense de cet homme qui peut déplacer les montagnes, sensible aux
malheurs de ses concitoyens, bouleversé par la douleur des
familles du Sichuan et qui ne sépare pas sa vie d’artiste de sa
vie de citoyen. Au fil des années il élargit sa défense aux
prisonniers politiques du monde entier (page 379) et il essaie
aussi de rallier à sa cause d’autres artistes, mais il échoue et
en tire une conclusion bien amère : « J’ai fini par me rendre
compte que ce que j’affrontais n’était pas seulement un énorme
système politique arbitraire mais une vaste étendue de terre
aride où l’on se moquait de la liberté, où l’on encourageait la
trahison, où l’on faisait l’éloge de la tromperie. »
Cette lecture m’a aussi été
très utile pour une fois de plus réfléchir à l’art Qu’est-ce que
l’art ? Doit-il avoir une utilité ?
Et puis j’ai noté quelques
belles réflexions. Ainsi sur la politique dont il a une
conscience aigüe : page 274 :« Alors que la cérémonie
d’ouverture commençait et que les feux d’artifice explosaient
sur l’écran au-dessus des tables, j’ai gribouillé au dos du
compte rendu de la visite médicale de Wang Fen ces mots : « Dans
ce monde où tout a une dimension politique, on nous dit de ne
rien politiser, qu’il s’agit simplement d’un évènement sportif,
séparé de l’histoire, des idées et des valeurs – séparé de la
nature humaine, même. La politique nous rappelle toujours qui a
construit deux mondes différents, et qui a construit deux rêves
totalement différents. Il y a beaucoup de choses que nous devons
rejeter, mais commençons par l’autocratie, parce que, quelle que
soit la forme qu’elle prenne et la justification qu’on lui
donne, elle produit toujours les mêmes effets : la négation de
l’égalité, la perversion de la justice, et la distorsion du
bonheur. » Page 275 : « Le champ de bataille n’était plus les
croyances et l’idéologie. C’était le profit – le profit tout nu
– qui s’étalait à travers les régions, les conglomérats, et les
nations, mû par le rêve de mondialisation des puissances
capitalistes. Le régime chinois cherchait à glisser sur le fossé
idéologique qui le séparait des démocraties du monde … » À
propos des sculptures de têtes d’animaux : page 284 : « l’ironie
veut qu’à l’origine ces têtes de bronze avaient été conçues
comme des jouets pour les dirigeants mandchous de la Chine, qui
avaient conquis le pays au XVIIe siècle et avaient traité les
Han comme un peuple soumis. Sur mon blog, je posais la
question : « Quelle sorte de peuple chérit le fouet qui l’a
autrefois lacéré ? » (Entre parenthèses, il n’a pas hésité à
utiliser des chaises Qing pour une de ses expositions !!). Quand
j’étais étudiant, j’avais passé beaucoup de temps au Palais
d’été et dans ses environs, et l’indignation nationale contre la
mise à sac par les Anglais et les Français sentait pour moi
l’hypocrisie à plein nez. « Le Palais d’été est en ruine non
seulement à cause des envahisseurs étrangers » soulignais-je.
« Jusqu’aux années 1980, le marbre du Palais d’été a été enlevé
par charretées par des fermiers qui s’en sont servis pour
construire des porcheries. »
|
|