Zi
He 子禾
Présentation
par
Brigitte Duzan, 2 octobre 2025
Né en 1984
à Qingyang dans le Gansu (甘肃庆阳),
Zi He (子禾)
est diplômé du département d’écriture créative de
l’Université du Peuple de Pékin (人民大学创造性写作专业).
Il est encore peu connu, mais son recueil de nouvelles « Le
vol du bourdon » (《野蜂飞舞》)
a figuré parmi les
finalistes du Prix Blancpain-Imaginist 2025,
ce qui incite à en découvrir l’auteur.
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Zi
He (photo Tencent) |
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Après
avoir publié quelques nouvelles et articles dans diverses
revues littéraires, il a publié un premier roman : « Le
vieux singe » (《老猴》).
C’est
cependant sa première publication de non-fiction, en février
2023, qui a fait parler de lui : « Étranger : mes dix
années à Pékin » (《异乡人:我在北京这十年》).
Il y évoque avec toute la distance requise des souvenirs de
ces dix années de profonds changements, « comme si le passé
était un serpent qui, en muant, change de peau » (过去的日子犹如蛇蜕).
Et si le livre a eu du succès auprès des lecteurs, surtout
ceux de sa génération, c’est sans doute parce qu’il est
écrit de manière poétique, « froide, acérée et
nostalgique », mais aussi parce qu’ils y ont trouvé les
sentiments qu’eux-mêmes éprouvent : qui n’est pas étranger ?
(谁还不是异乡人)
dit un lecteur
.
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Étranger, mes dix années à Pékin,
上海文艺出版社,
février 2023 |
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Publié en
juin 2024, « Le vol du bourdon » (《野蜂飞舞》)
est un recueil de six nouvelles et novellas où Zi He
poursuit sa réflexion en termes de fiction. Ce sont des
histoires indépendantes, mais contées par la même personne,
un jeune travailleur migrant à Pékin, Gan Songming (甘松明).
Dans le dernier récit (« Retour au pays »
还乡),
Gan Songming explique que c’est l’histoire de son
grand-oncle, contée à la troisième personne, dont beaucoup
de détails sont le reflet de son imagination. Zi He se
souvient avec nostalgie de la terre de lœss qui l’a vu
naître. Son corps est en ville, mais son âme à la campagne,
comme une bonne partie de la jeune génération (城乡两栖人)
à qui le recueil est dédié.
Il y a une
qualité poétique dans tous ses écrits, ne serait-ce que dans
les titres des nouvelles de ce recueil qui évoquent des
images particulières, sur fond de folie : « Une pluie qui
n’en finit pas » (《悬停之雨》),
« Un monstre gris » (《灰色怪兽》),
« Le tigre silencieux » (悯默之虎》),
« La jument » (《母马》)…
La pluie n’en finit pas de planer au-dessus des toits, comme
une épée de Damoclès ; c’est comme une métaphore de la crise
latente, omniprésente, crise du mariage, crise du temps. Le
monstre gris est l’incarnation des douleurs d’estomac du
personnage, mais aussi bien l’image de sa maladie de cœur,
de sa jalousie et de tous les tourments infligés par la vie.
Le tigre, dans son silence, pourrait représenter les
mystères insondables de la destinée humaine et ses dangers.
Quant à la jument, grise elle aussi, elle doit endurer le
froid et la solitude et finit par s’enfuir, image de l’exil
spirituel de l’héroïne ; mais celle-ci est en réalité
incapable de quitter son mari fou et doit continuer à subir
le poids de son destin, inexorable.
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Le
vol du bourdon, juin 2024 |
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La
nouvelle qui donne son titre au recueil, « Le vol du
bourdon » (《野蜂飞舞》),
a initialement été publiée dans le
numéro de novembre 2022
de
la revue « Le lac de l’ouest » (Xihu
《西湖》).
Elle raconte l’histoire d’un cousin devenu fou, et dont la
folie a été un désastre pour la famille. Tout le monde
souhaitait sa mort, et il a fini par se tuer en tombant
d’une falaise en ramassant des fleurs d’abricotiers dans la
montagne.
Le récit,
comme les autres, est ancré dans des images fortes, comme
celles des bourdons du titre.
Les bourdons apparaissent quatre fois dans la nouvelle, de
même que le cousin fou disparaît quatre fois, la dernière
fois pour ne jamais revenir. Les deux premières apparitions
des bourdons sont symboliques : l’oncle ayant découvert que
le cousin a gaspillé son argent entre dans une fureur noire
qui se traduit par un son semblable à celui d’un vol de
bourdons ; l’incident, qui a rendu le cousin fou, est évoqué
des années plus tard par la tante dans une conversation
nocturne. La troisième fois, les bourdons font une
apparition concrète, alors que la tante et le narrateur sont
allés brûler des papiers sur la tombe du cousin : il y a un
essaim sur le cyprès près de la tombe. La quatrième fois
précède en fait la précédente : elle intervient lors de la
troisième disparition du cousin, on le retrouve à l’aube
entouré d’un essaim. Les bourdons figurent ainsi le poids
émotionnel du passé, qui reste quand les événements
eux-mêmes auraient pu être oubliés depuis longtemps.
Zi He est
attiré par l’art visuel : il est photographe et pratique la
peinture chinoise traditionnelle à ses moments de loisirs.
Il y a dans ses récits toute la force évocatrice de l’image
et dans son style la réflexion existentielle de ses écrits
de non-fiction.