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Yu Yiming 余一鸣

Présentation

par Brigitte Duzan, 18 juillet 2017

 

Yu Yiming est un écrivain de Nankin encore très peu connu, auteur presque exclusivement de nouvelles, dont l’une a été pour la première fois traduite en anglais début 2017 et publiée dans le premier numéro de l’année de la revue Chinese Arts and Letters (CAL 2017 n° 1). C’est l’une de ses plus connues - « Les hommes de paille » (《稻草人》) - qui a été sélectionnée dans deux des recueils des meilleures nouvelles de l’année 2015.

 

Yu Yiming est né en 1963 dans le bourg de Zhuanqiang (砖墙镇) du district de Gaochun (高淳县), à Nankin.

 

Après la Révolution culturelle, il a fait des études de chinois à l’université de Suzhou, dont il est sorti diplômé en 1984. Il a alors enseigné au collège de Zhuanqiang, puis à celui de Gaochun, avant d’obtenir un poste de professeur à l’école des

 

Yu Yiming

langues étrangères de Nankin. Il est très impliqué dans l’enseignement des langues et écrit à ses heures de loisir. 

 

Il a commencé à publier en 1984 et il est devenu membre de l’Association des écrivains chinois en 2007. Ses publications se sont alors multipliées.

 

Il n’est pourtant pas un écrivain médiatique, son œuvre est plutôt réservée à un cercle d’intimes. Le critique Meng Fanhua (孟繁华) a mis l’accent sur une dimension classique de ses écrits qui rappelle le style des grands romans historiques de littérature populaire :

 

有《水浒传》梁山好汉的味道,有《说唐》中瓦岗寨的气息

         Il y a [chez Yu Yiming] quelque chose de l’atmosphère du Liangshan d’"Au bord de l’eau »,

         et de l’esprit de la forteresse de Wagang dans le roman historique du Shuo Tang [1].

 

Cultiver le vent printanier (recueil)

 

Il s’en explique en prenant pour exemple deux nouvelles moyennes contenues dans son dixième recueil de nouvelles (courtes et moyennes) publié en octobre 2016 sous le titre « Cultiver le vent printanier » (《种春风》). Il s’agit de « Cultiver les pêches cultiver les prunes cultiver le vent printanier » (《种桃种李种春风》) et « Retour ce printemps du vent et de la pluie» (《风雨送春归》) [2].

 

La première nouvelle l’a frappé par sa narration vivante, pleine d’humour et d’émotion. La seconde se passe chez Yu Yiming, à Gaochun, et décrit les malheurs arrivés à quelques familles, ainsi que les changements de coutumes et de mentalités, dans un récit construit autour de la décadence de la coutume locale dite « offrir le printemps » (送春习俗).

 

Dans leur ensemble, les récits de Yu Yiming sont caractérisés par l’expression satirique des contradictions du monde

d’aujourd’hui et par l’évocation d’un certain côté absurde, ou plutôt étrange, de la réalité; mais cette étrangeté est dépeinte dans des couleurs chaudes qui distillent une émotion diffuse, comme si l’étrange était la part du réel qui en conserve l’âme et le rend ainsi vivable.   

 

C’est le cas, en particulier, de la nouvelle sélectionnée dans deux recueils des meilleures nouvelles de l’année 2015 : « Hommes de paille » (《稻草人》). De façon caractéristique chez Yu Yiming, la narration oscille entre le réel et l’illusion, ou le réel et l’imaginaire, avec, entre les lignes, la petite touche d’émotion qui en fait tout le charme de ses textes.

 

Lei Fengjing (雷风景) rend visite, à sa demande, à son cousin Lei Fengguang (雷风光), chef du village ancestral. Bien qu’étant directeur adjoint du meilleur lycée de la capitale provinciale, c’est la première fois qu’il fait partie de la liste d’invités. Une fois dans le village, Fengguang lui propose de l’emmener voir sa grand-mère. A 80 ans bien sonnés, c’est la seule personne qui vit encore obstinément dans le village à flanc de montagne abandonné depuis dix ans, tandis que le reste des habitants a été relogé dans la vallée.

 

Fengjing trouve l’endroit envahi par les herbes sauvages, y compris la route qui y mène. Le village dégage une impression irréelle, comme dans un conte de Pu Songling (蒲松龄). La grand-mère a peuplé le village déserté des effigies de paille des anciens habitants, qu’elle a modelés à leur image, avec une telle précision dans le geste et l’expression qu’on s’y tromperait. Fengjing retrouve son fils Hehe (禾禾) dans sa chambre, et sa belle-sœur Xiaojing (小静) à l’école, et celle-ci lui commande des livres pour ses classes. Le seul problème c’est que tous deux sont morts… On se demande d’ailleurs si ce n’est pas l’esprit des deux cousins qui parle, et s’ils ne sont pas eux aussi des hommes de paille, car tous deux sont victimes d’un accident à la fin de l’histoire, qui n’en est peut-être pas la fin…

 

On se laisse prendre par les subtiles allusions de l’histoire qui comporte, pour toile de fond, l’évocation des us et coutumes de l’ancien village, comme miroir du temps.

 

Les critiques ont noté que le style des nouvelles de Yu Yiming a constamment évolué ces dernières années, mais c’est un processus de plus en plus difficile, comme lui-même l’a expliqué :

小说写到现在,越写越难写。从题材突破到精神超越都步履维艰,但超越自己才算是进步,每个作家都恨不得拧着自己脑袋往墙上撞,哪怕只得到墙上一个小坑。

[Au fil du temps,] jusqu’à maintenant, écrire est devenu pour moi de plus en plus difficile. Tout est ardu, d’imaginer un sujet qui sorte de l’ordinaire jusqu’à parvenir au dépassement spirituel, et pourtant ce n’est qu’en se dépassant que l’on peut progresser ; tout écrivain en vient à se cogner la tête contre le mur à force de se la tordre, et malgré tous ses efforts, il n’y laisse souvent qu’une tout petite marque.

 

Yu Yiming continue à enseigner, et c’est à ses heures de loisir qu’il lit et réfléchit, en s’efforçant de perfectionner sans cesse son style. Et il ne cesse de publier dans des revues.

 

Le sommaire de la revue Xiaoshuo xuankan, mai 2017
(avec la nouvelle de Yu Yiming p. 93)

 

Début 2017, il a encore publié deux nouvelles : « Traverser l’océan à la dérive pour réussir à te voir » (《漂洋过海来看你》) et « En quête d’espaces sauvages » (《求诸野》), l’une en mars dans Littérature de Pékin (《北京文学》) et l’autre en mai dans la revue Nouvelles choisies (xiaoshuo xuankan《小说选刊》).

 


 

Principales publications

 

Premiers recueils de nouvelles

 

Inutile de dire quoi que ce soit《你什么也别说》(recueil de nouvelles courtes)

Une eau inexorable《流水无情》(recueil de nouvelles moyennes)

 

Publications récentes

 

Sélection des meilleures nouvelles de l’année 2014 (中国短篇小说精选) :

       Eclairs 《闪电》pp. 156-167

Meilleures nouvelles de l’année 2015 (中国短篇小说排行榜) :

Hommes de paille《稻草人》pp. 70-82 *

Avril 2016  Monsieur Girofle / Dingxiang xiansheng《丁香先生》(nouvelle) [3]

              Humeur 《情怀》(nouvelle) [4]

Octobre 2016 Un petit oiseau en colère 《愤怒的小鸟》(recueil de nouvelles moyennes)

                       Prix Ye Shengtao de littérature éducative  叶圣陶教师文学奖

Fin 2016 Cultiver le vent printanier 《种春风》(recueil de nouvelles)

Mars 2017 Traverser l’océan à la dérive pour réussir à te voir《漂洋过海来看你》(nouvelle)

Mai 2017 En quête d’espaces sauvages《求诸野》(nouvelle)

 

 

Son blog : http://blog.sina.com.cn/u/1428477074

 


 

Traduction en anglais

 

* The Straw People 《稻草人》, tr. Luisetta Mudie, in :Chinese Arts and Letters (CAL), 2017 n° 1, pp. 133-152.

 

 


[1] Roman historique (yanyi) de Luo Guanzhong (罗贯中) qui raconte l’unification de l’empire chinois, de l’empereur Wendi de la dynastie des Sui (隋文帝) à l’empereur Tang Taizong (唐太宗), en reprenant bien des traits du Shuihuzhuan (Au bord de l’eau), en particulier dans les normes des héros, mais avec un côté satirique dans la description de la violence et du culte des exploits martiaux.

[2] Voir l’article « "Cultiver le vent printanier", lent travail de tunnelage littéraire »《种春风》,步履维艰中的文学掘进 reproduit dans le blog de Yu Yiming (20.12.2016) :

http://blog.sina.com.cn/s/blog_5524d4920102wosy.html

[3] Nouvelle publiée dans la revue bimensuelle Hibiscus《芙蓉》双月刊

A lire sur le blog de l’auteur : http://blog.sina.com.cn/s/blog_5524d4920102wh8f.html

[4] Nouvelle courte à lire sur le blog de l’auteur : http://blog.sina.com.cn/s/blog_5524d4920102wh8g.html

 

 

 

     

 

 

 

 

 

 

     

 

 

 

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