Yin Xueyun 尹学芸
Présentation
par Brigitte
Duzan, 23 février 2024
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Yin
Xueyun (photo sohu) |
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Écrivaine née
en 1964, Yin Xueyun est originaire de Tianjin, et plus
particulièrement de Jizhou (蓟州),
au nord de la ville. C’est là que se situe une grande partie de
ses histoires, par exemple la novella « Mon oncle Li Hai » (《李海叔叔》)
qui a été couronnée en août 2018 du prix Lu Xun dans la section
zhongpian (鲁迅文学奖中篇小说奖).
C’est la forme où elle excelle, et pratiquement la seule chose
qu’elle publie
.
Enfance
au village
Le village,
dans sa jeunesse, vivait au ralenti, entre naissance, mariage et
mort pour seuls événements notables. Ses parents travaillaient
la terre, seul son grand-père savait lire, et chanter des airs
d’opéra. Enfant, quand elle n’était pas à l’école, elle gardait
les moutons et tout en le gardant, elle tentait de lire un vieux
livre qui avait perdu sa couverture et qui était écrit en
caractères composés auxquels elle ne comprenait rien. C’était
« Le rêve dans le pavillon rouge » !
Elle a bien lu
des livres quand elle était à l’école élémentaire, mais
c’étaient surtout des livres sur la guerre. Adolescente, elle
n’avait jamais vu une revue, et encore moins des romans
étrangers. Elle avait une sœur qui avait sept ans de plus
qu’elle, qui adorait lire et rapportait des livres à la maison,
mais elle ne les lui montrait pas. Une fois, elle a caché un
livre en lui disant que ce n’était pas « pour les enfants ».
Xueyun l’a cherché partout et, ayant fini par le trouver, l’a lu
en cachette quand sa sœur n’était pas là en le remettant
soigneusement à sa place après l’avoir lu. Ce livre, c’était « Le
chant de la jeunesse » (《青春之歌》)
de
Yang Mo (杨沫) !
Malgré tout,
elle racontait des histoires nées de son imagination aux enfants
qui revenaient de l’école avec elle. Après le lycée, cependant,
elle est allée travailler dans une petite fabrique de vêtements
gérée par le village. Quand elle avait un jour de libre, elle
allait au district acheter des dizaines de revues qu’elle lisait
la nuit. Mais elle ne se souvenait ni du nom des revues ni de
celui des auteurs. Quand elle a commencé à envoyer des nouvelles
à des éditeurs, on lui a reproché d’imiter le style de tel ou
tel écrivain, mais elle ne se souvenait pas de qui il
s’agissait. Elle écrivait en fait sur la vie qu’elle
connaissait, à la campagne.
Peu à peu, ses
efforts ont été récompensés, et elle a commencé à publier des
nouvelles dans des revues de Tianjin.
Auteure
de novellas
A la fin des
années 1980, elle a publié une novella qui a été adaptée à la
télévision : « Une fille nommée Suyue » (《一个叫素月的女人》).
Cela lui a valu d’être promue cadre : la littérature a changé
son destin, comme tant d’autres. Elle a travaillé au Centre
culturel et au Bureau du tourisme de Tianjin ; son travail lui a
permis d’entrer en contact avec toutes sortes de gens et lui
ouvert de nouveaux horizons.
En octobre
1989, l’association des écrivains de la ville de Tianjin a
ouvert à Jizhou un centre de recherche sur l’œuvre de Yin Xueyun
(
"尹学芸小说作品研讨会"
).
Cependant, à
la fin des années 1990, elle a passé plusieurs années sans
beaucoup publier. Puis elle s’est mis à écrire pour les journaux
du soir, des nouvelles et des essais. C’était l’époque où
beaucoup de ruraux quittaient la campagne pour aller travailler
en ville, et elle s’est rendu compte que beaucoup de termes et
d’expressions dialectales étaient en train de disparaître. Alors
elle a parcouru les villages du district pour les noter, en
discutant avec les villageois de leur utilisation précise. En
2009, elle a ainsi publié un recueil de ces expressions
perdues : « Expressions rurales en voie de lente disparition ».
2014 a été
pour elle une année particulièrement fertile : elle a publié un
recueil de cinq zhongpian (novellas) sous le titre
« Oncle Lihai » (《李海叔叔》).
À ce moment-là, l’un de ses zhongpian – « La pagode
Linglong » (《玲珑塔》)
- a été refusé par l’éditeur sans qu’elle comprenne pourquoi.
Elle l’a alors envoyé à la revue Shouhuo (《收获》)
qui a répondu dans la semaine en proposant des révisions. Et
quand le texte finalement révisé est sorti, en 2015, la novella
a été couronnée du prix Lin Yutang (林语堂文学奖).
Elle a reçu une avalanche de propositions de divers éditeurs.
L’année
suivante, elle a publié dix zhongpian, et encore quatorze
en 2016. En même temps son inspiration est passée de la campagne
à la ville, avec les problèmes correspondants.
En 2018, elle
est devenue membre de l’Association des écrivains de Chine, et
en 2020 présidente de l’Association des écrivains de Tianjin.
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Dix ans après la
séparation |
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Trente ans
après avoir quitté son village natal, elle a écrit « Nourrir le
fantôme » (《喂鬼》),
histoire dans laquelle elle décrit une jeune femme qui est
désignée pour « nourrir le fantôme » lors des funérailles de sa
marraine qui était partie du village – un rite bouddhiste très
simple, qui consiste à satisfaire les fantômes des défunts pour
qu’ils partent le ventre plein, contents.
En réalité,
son sentiment, c’est que la ville natale exerce un tel attrait
qu’il est difficile de la quitter même si on en a envie.
Pourtant, avec les années, la distance avec la campagne s’est
faite plus sensible.
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Les vicissitudes de
l’âge |
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Le village est
en fait devenu une attraction touristique où les lecteurs
viennent tenter de retrouver ce qu’elle décrit dans ses
nouvelles. Mais ils sont déçus de trouver une réalité bien
différente : la rivière n’est pas aussi claire, les rues pas
aussi longues et on ne trouve pas facilement de sauterelles
grillées à manger. La campagne a changé. Sauf dans ses
souvenirs.
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Pénicilline |
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Deux
novellas lues par Zhang Guochuan
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Mon oncle Li Hai (《我的叔叔李海》)
Classée
première au palmarès littéraire Shouhuo 2016, cette
novella est la version chinoise de « Mon oncle Jules » de
Maupassant. L’histoire débute dans les années 1950, durant la
campagne anti-droitiste, où le père de la narratrice fait la
connaissance de Li Hai. Ce dernier, lors de sa première visite
chez la narratrice, lui apporte des bonbons au lait, encore
rares à l’époque. Il devient l’invité d’honneur de sa famille,
voire de tout le village, car il représente une meilleure vie.
Pourtant, les années suivantes, il vient toujours les mains
vides, et en partant, il emporte de la nourriture, de l’argent,
et même des œufs que la famille de la narratrice emprunte aux
voisins. A la longue, les relations ne sont plus les mêmes.
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Mon oncle Li Hai |
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Un changement
radical d’attitude s’opère de la part de la famille de la
narratrice vis-à-vis de l’oncle Li Hai : l’admiration première
est remplacée par de l’indifférence, de la gêne, voire un
sentiment de mépris. L’histoire se poursuit jusqu’au début du 20e
siècle, lors des Jeux Olympiques de Pékin. Les enfants des deux
familles grandissent, et se rencontrent de nouveau par hasard.
Pourtant, l’intimité d’antan n’est pas retrouvée.
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Le Ma Wanchun que je connais
(《我所知道的马万春》)
Classée
neuvième au palmarès littéraire Shouhuo 2022, cette
novella dévoile la complexité de la nature humaine chez Ma
Wanchun, chef de bureau d’une administration : son échec
sentimental, son ambition, sa fidélité en amitié, ses pulsions…
Le narrateur Chen Sibin, chauffeur de Ma Wanchun depuis une
trentaine d’années, s’interroge sur la vraie personnalité de son
employeur : Ma Wanchun est-il un homme bon ou un homme méchant ?
Même si cette
histoire porte le titre Ma Wanchun que je connais, le
narrateur raconte plutôt « le Ma Wanchun que je ne connais
pas ». C’est un cadre typique, un personnage hautement
métaphorique né de la structure bureaucratique de la société
chinoise.
Publications récentes
2018 :
《士别十年》Dix
ans après la séparation (Recueil de cinq zhongpian)
Prix des cent fleurs pour《士别十年》en
décembre 2017.
2018 :
《菜根谣》La
balade des racines de légumes
2019 :
《岁月风尘》Les
vicissitudes de l’âge
2021 :
《青霉素》Pénicilline
(novella initialement publiée dans Shouhuo《收获》)
Recueil de cinq
zhongpian.
2023 (juin) :
《鬼指根》
Les doigts du fantôme (Recueil
de cinq zhongpian )
2023 (sept.) :
《花匠与看门人》
Le jardinier et le gardien (Recueil
de six zhongpian )
Liste des
26 publications
de Yin Xueyun.
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