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Yang Zhihan 杨知寒

Présentation

par Brigitte Duzan, 6 juin 2024, actualisé 9 novembre 2024

 

 

Yang Zhihan (photo The Paper)

 

 

Yang Zhihan fait partie de la génération émergente des écrivains chinois contemporaines, celle des « post’90 », et qui plus est au féminin. Originaire du nord-est, elle vit actuellement à Hangzhou et fait partie de l’Association des écrivains chinois.

 

Débuts prometteurs

 

Elle est née en février 1994 à Qiqihar, dans le Heilongjiang (黑龙江齐齐哈尔), où elle a passé son enfance et son adolescence.

 

Comme beaucoup de surdoué.e.s des lettres, elle a commencé à écrire à l’école quand elle a été astreinte à tenir un journal de bord dans le cadre des activités scolaires. Faute d’inspiration autre, elle s’est lancée dans une histoire d’arts martiaux. Et elle a continué d’écrire de nouveaux épisodes après avoir fait ses devoirs même quand elle n’a plus été obligée de produire son pensum journalier ; c’est devenu un jeu, car ses camarades lisaient ses histoires et réclamaient leur dû.

 

Elle a publié ses premiers récits sur internet, ce qu’elle a apprécié car elle avait là des lecteurs hors considérations commerciales. Puis ses nouvelles ont été publiées sous le titre « Une boîte de pêches jaunes » (《黄桃罐头》) par les éditions Littérature de Shanghai.

 

Sa notoriété est cependant encore récente. Elle a commencé à faire parler d’elle quand sa nouvelle « Le vent qui passe dans le hall » (《过堂风》) est paru dans la revue Littérature et arts du Yangtsé en 2021. Puis elle a glané plusieurs prix en 2022 pour sa nouvelle « Le pont bleu englouti sous les eaux » (《水漫蓝桥》). Elle a été reconnue comme jeune écrivaine de talent au début de l’année 2023, tandis que sa nouvelle « Le massacre des cent fleurs » (《百花杀》) était primée lors de la 8e édition du Prix de la meilleur nouvelle des jeunes écrivains chinois (第八届华语青年作家奖短篇小说奖).

 

Un solide bloc de glace

 

En octobre 2023, Yang Zhihan a décroché le premier prix de la 6ème édition du prix Blancpain-Imaginist[1] pour son recueil de nouvelles « Un solide bloc de glace » (Yituan jianbing《一团坚冰》) publié en juillet 2022 : neuf nouvelles, courtes et « moyennes » (novellas), relatant des histoires un peu déprimantes de personnages vivant dans le Nord-Est de la Chine[2].

 

 

Un solide bloc de glace

 

 

Une ado rebelle réfugiée dans un temple, un dresseur de fauves qui envoie son tigre dans un zoo après qu’il a tué un autre dresseur lors d’un spectacle, une jeune femme sans-emploi évincée de son groupe WeChat de « copains d’avant » pour avoir fait de la retape pour les produits qu’elle essaie de vendre … tout est glacial et sans pitié, dans l’univers de Yang Zhihan, comme ce nord-est qui est la toile de fond depuis plusieurs années de films noirs éprouvants dont Diao Yinan (刁亦男) a fait sa marque de fabrique, mais qui est aussi le cadre de nouvelles et romans tout aussi glaçants, ceux de Shuang Xuetao (双雪涛), par exemple, qui était d’ailleurs finaliste du même prix Blancpain-Imaginist lors de sa première édition, en 2018, et qui fait maintenant presque figure d’ancêtre – il a dix ans de plus… 

 

Selon la propension chinoise des catégories, Yang Zhihan est déjà classée parmi les « Maîtres de la renaissance littéraire du Nord-Est ». Lors de la cérémonie de remise du prix, elle a cependant relativisé le côté glaçant de son recueil : il est vrai que certains récits le sont, mais d’autres sont plus chaleureux, comme dans la vie. Cela représente, dit-elle, sa vision de l’existence, symbolisée par l’image illustrant la couverture du livre, où l’on devine du feu couver sous la surface de la boule de glace, comme la joie sous la triste grisaille du quotidien. Rien n’est évident, ni explicite, et c’est bien mieux ainsi, laissant au lecteur le soin de combler lui-même les trous de la narration.

 

Ce n’est pas pour rien que le thème de l’édition 2023 du prix Blancpain-Imaginist était : « Il faut défendre la complexité » (“必须保卫复杂”). Une complexité qui se décline en petites histoires apparemment toutes simples, mais offrant des détails comme perçus à travers un microscope, que l’on ne comprend pas forcément. Il y a quelque chose d’opaque dans la réalité ambiante.

 

Yang Zhihan dit avoir besoin de silence pour écrire, avec un chat tout au plus à ses pieds. C’est peut-être ce silence que l’on perçoit dans ses récits, dans une sorte de calme bienvenu, comme du fond d’une longue méditation sur l’agitation du monde. Avec un rien de nostalgie du monde perdu de l’enfance et du pays natal, car, dit-elle, elle a toujours voulu transmettre le sentiment qu’elle avait d’être « immergée dans l’histoire » (自己处于历史中), avec le sentiment profond de « grandir alors que disparaissait une ère, et qu’il fallait donc l’enregistrer. » (我深刻的感受到自己的成长伴随一个时代的离场,尝试有所记录。)[3]

 

Silence, et puis

(comme dit Marguerite Duras)

 

En fait, le silence n’a pas duré longtemps : un nouveau recueil de nouvelles de Yang Zhihan est paru en juillet 2023 : « Après la tombée du jour » (《黄昏后》). Ce sont dix nouvelles (courtes et moyennes toujours)[4] qui continuent sa chronique de la vie dans une petite ville de son Dongbei natal, avec des rebondissements inattendus, un semblant d’humour et une lueur d’espoir au fond du tunnel… Les commentaires sur douban sont enthousiastes !
 

 

Après la tombée du jour

 

 


 

Traduction en anglais

 

Hai Shan Swimming Pool (海山游泳馆), tr. Helen Wang, Granta 169: China, Autumn 2024.

 

 

 


[1] Un prix récompensant de jeunes auteurs de fiction fondé en 2018 et surtout tourné vers l’écriture de nouvelles.

[2] Soit, outre la nouvelle du titre :

连环收缴 Confiscations en série/大寺终年无雪 Pas de neige toute l’année sur le grand monastère/

瑞贝卡 Rebecca/水漫蓝桥 Le pont bleu englouti par les eaux/故事大王 Le roi des histoires /

虎坟 La tombe du tigre/出徒 Le disciple/邪门xiémén  Pratiques douteuses.

[3] Interview The Paper (《文学报》), à la suite du Prix Blancpain-Imaginist.

[4] Outre la nouvelle du titre et celle primée en mai (« Le massacre des cent fleurs ») :

美味佳药 Un délicieux médicament/起舞吧 Dansons/爱人 L’époux/描碑 Retoucher une tablette/

喜丧 Joyeuses funérailles /三手夏利 Une Xiali de troisième main*/寻金之旅 Voyage d’orpaillage/

海山游泳馆 La piscine de Haishan.

* Xiali est une marque de voiture.

 

     

 

 

 

 

     

 

 

 

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