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Yang Jiang 楊絳/杨绛

1911-2016

Présentation

par Brigitte Duzan, 13 mai 2023 

 

 

Yang Jiang en 1997

 

 

Femme de lettres et traductrice chinoise née dans une famille de lettrés en juillet 1911 à Wuxi (无锡) dans le Jiangsu, Yang Jiang – nom de plume de Yang Jikang (杨季康) - était aussi l’épouse du grand écrivain et érudit Qian Zhongshu (钱锺书).   

 

Éléments biographiques

 

Études

 

En 1923, la famille déménage à Suzhou et elle entre au collège de fille Zhenhua (苏州振华女中) puis, en 1928, à l’université de Suzhou. En 1932, après avoir obtenu son diplôme, elle est admise dans le département des langues étrangères de l’Institut de recherche de l’université Qinghua où elle rencontre Qian Zhongshu. En 1934, elle obtient la médaille d’étudiante émérite de l’université.

 

Elle soumet alors son premier texte, « Lulu, ne t’en fais pas » (《璐璐,不用愁!》), à la classe d’écriture d’essais (“散文写作”) de Zhu Ziqing (朱自清), pionnier du modernisme en littérature dans les années 1920. Sur sa recommandation, le texte est publié dans le supplément littéraire du Ta Kung Pao (《大公报·文艺副刊·小说选), en même temps que des textes de Shen Congwen (沈从文), Lao She (老舍), Li Jianwu (李健吾), Ling Shuhua (凌淑华) et autres.

 

 

Avec Qian Zhongshu en 1934 à Beiping

 

 

Au début de 1935, Yang Jikang épouse Qian Zhongshu et au début de l’été, ils partent tous les deux poursuivre leurs études à Oxford, en Angleterre, puis à Paris. Durant cette période, en mai 1937, elle donne naissance à leur fille, Qian Yuan (钱瑗) et c’est à eux trois qu’est dédié le recueil publié en 2003, intitulé justement « Nous trois » (《我们仨》). Ils retournent en Chine en 1938. Elle enseigne alors, avec son mari, au Collège pour femmes des arts et des sciences Aurora de Shanghai, puis à l’université Qinghua.

 

 

Yang Jiang en 1941 (à Shanghai)

 

 

En 1942, elle enseigne à mi-temps dans une école élémentaire du Ministère de l’industrie ce qui lui permet d’écrire pendant son temps libre.

 

Théâtre

 

Pendant l’hiver 1942, elle commence en effet à écrire pour le théâtre, encouragée par ses amis, le traducteur et dramaturge Chen Linrui (陈麟瑞) et l’écrivain Li Jianwu (李健吾), autre pilier de la dramaturgie chinoise pendant la guerre. Sa première pièce, « Pleine satisfaction » (chènxīn rúyì (《称心如意》), en quatre actes, est créée en 1943 par le grand dramaturge et metteur en scène Huang Zuolin (黄佐临). C’est à cette occasion qu’elle adopte le nom de plume Yang Jiang, forme abrégée de son prénom Jikang (季康).

 

Sa deuxième pièce, l’année suivante, est une sorte de comédie des erreurs dont l’intrigue tourne autour d’une histoire de mariage, « Transformer le vrai en faux » (nòng zhēn chéng jià《弄真成假》). La pièce suivante est une comédie populaire en trois actes, et la quatrième une tragédie en quatre actes, « Chatons de saule dans le vent » (fēng xù《风絮》), qui est mise en scène par Huang Zuolin pendant l’été 1945 avec son épouse Jin Yunzhi (金韵之), dite Danny (丹尼), dans le rôle principal.

 

Ce sera la dernière. Après la fin de la guerre, Yang Jiang cesse d’écrire pour le théâtre pour se consacrer à l’enseignement. Cependant, représentées à Shanghai à la fin des années 1940, ses deux premières comédies la rendent si populaire qu’un soir, à une réception chez des amis, Qian Zhongshu est présenté comme « l’époux de Yang Jiang ». Mais, peu de temps plus tard, quand il lui annonce qu’il a l’intention d’écrire un roman – qui sera « La Forteresse assiégée » (《围城》), publié en 1947 – elle renvoie la bonne et sabre les dépenses familiales pour lui permettre de réduire ses cours au Collège Aurora.

 

Recherches et traductions

 

En 1949, elle est d’abord professeur à temps partiel de littérature britannique à l’université Qinghua. En avril 1950 paraît sa traduction en chinois du roman espagnol anonyme du 16e siècle « La Vida de Lazarillo de Tormes » considéré comme l’un des romans fondateurs du genre picaresque. Et comme un pendant, en 1956, elle publie la première édition de la traduction de l’« Histoire de Gil Blas de Santillane », roman français d’inspiration picaresque publié par Alain-René Lesage de 1715 à 1735.

 

 

Avec Qian Zhongshu et leur fille en 1950 devant les locaux

d’habitation de l’université Qinghua (清华大学新林院宿舍)

 

 

Yang Jiang avec Qian Zhongshu et leur fille en 1950 devant les locaux d’habitation de l’université Qinghua (清华大学新林院宿舍)

[le petit chat sur ses genoux est Huahua’r 花花儿 dont elle parle dans son recueil de souvenirs《杂忆与杂写》[1] ]

 

Entre-temps, après la fin de la campagne des Trois-antis et des Cinq-antis (三反五反运动), fin 1952, elle a été transférée au groupe des langues étrangères de l’Institut de recherche en Littérature (文学研究所外文组) de l’Académie chinoise des Sciences sociales.

 

En 1958, elle publie dans le deuxième numéro de l’année de la revue « Critique littéraire »( 《文学评论》) un article « Sur la théorie et la pratique de la création romanesque chez (Henry) Fielding » (《论菲尔丁关于小说的理论与实践》). L’article est critiqué comme étant un exemple de « drapeau blanc » (白旗) dans le cadre du mouvement contre les intellectuels bourgeois au début du Grand Bond en avant. De même, en 1959, son étude sur « Vanity Fair » de Thackeray est critiqué pour « défaut de "ligne rouge" du début à la fin » (全文欠红线贯穿).

 

En 1962, elle termine la traduction de la première partie du « Don Quichotte » de Cervantès qui sera son magnum opus dans le domaine de la traduction. Mais, quand arrive la Révolution culturelle, elle est attaquée et dénoncée comme « autorité académique bourgeoise » (资产阶级学术权威). En juillet 1970, elle est envoyée dans une École de cadres du 7 mai (五七干校), expérience qu’elle relatera dans le recueil  « Six récits de l’École des cadres » (《干校六记》) publié en juillet 1981.

 

Infatigable écrivaine et traductrice

 

Pendant ces années 1970, elle réussit à finir de traduire l’intégralité du « Don Quichotte » dont les deux premiers tomes traduits paraissent fin avril 1978 – le manuscrit lui avait été confisqué en août 1966 et fort heureusement lui avait été rendu en juin 1970 si bien qu’elle avait pu se remettre à la traduction, mais seulement en 1972, à son retour de l’École des cadres ; la traduction avait été à nouveau interrompue fin 1973 et ce n’est qu’au début d’avril 1975 qu’elle avait pu terminer la première version.

 

Comme libérée, elle se lance dans une activité dévorante à la fin de la Révolution culturelle et multiplie les publications dès le début de 1979. En février paraît son recueil « Boue printanière » (《春泥集》) qui reprend des textes antérieurs de critique littéraire, dont ceux sur Fielding et Thackeray. En juin, elle est en visite en France avec une délégation chinoise. En juillet 1980, c’est un recueil de manuscrits de nouvelles qui est acheté à Hong Kong par Li Guoqiang (李国强) ; ces nouvelles sont publiées début 1981 par Liu Yichang (刘以鬯) sous le titre de « Reflets » (《倒影集》).

 

 

Xiao Laizi, éd. 1979

 

 

 

Reflets, éd. de Hong Kong, 1981

 

 

Les années 1980 voient paraître une série de recueils de souvenirs, sur ses parents et sur Qian Zhongshu.

 

 

“Nous trois” en 1981

 

 

Fin 1988, en novembre à Hong Kong et en décembre à Pékin, est publié son roman « Le bain » (《洗澡》), qui peut être considéré comme une suite de « La forteresse assiégée » (《围城》) de Qian Zhongshu ; c’est une vision satirique de son expérience de chercheuse en littérature et de traductrice littéraire pendant les premières années des années 1950, et en particulier au moment de la campagne des Trois-antis et des Cinq-antis.

 

 

Le bain, éd. déc. 1988

 

 

Dans les années 1990, elle continue de publier des essais satiriques, souvent publiés à Taiwan, à commencer par le recueil « Invitation à prendre le thé » (《将饮茶》), terme ironique pour désigner les invitations… à passer au poste de police pour interrogatoire. Sa traduction du « Phaedon » (《斐) de Platon est achevée en décembre 1999. Mais son gros travail, en cette fin de décennie, est aussi la compilation des manuscrits de son mari, décédé en décembre 1998 ; le recueil est publié en novembre 2000 (《钱锺书手稿集》).

 

Elle semble infatigable et éternelle. À l’âge de 96 ans, elle termine un recueil d’essais introspectifs « Parvenue aux marges de la vie : mes questions et réponses » (《走到人生边上:自问自答》) publié en 2007, qu’elle complète encore quatre ans plus tard par un autre recueil « Assise aux marges de la vie » (《坐在人生的边上》). À cent ans passés, en août 2014, elle publie encore la novella « Après Le bain » (《洗澡之后》 ) – comme une ultime suite à son roman.

 

 

Yang Jiang centenaire

 

 

Elle est décédée deux ans plus tard, le 25 mai 2016, à Pékin, à l’âge de 105 ans.   

 


 

Principales publications

 

Recueils d’essais  散文随笔

1981 :  Six récits de l’École des cadres《干校六记》

1986 :  Chroniques des années Bing Wu et Ding《丙午丁未纪事》

1987 : Invitation à prendre le thé《将饮茶》

2003 : Nous trois《我们仨》

            Les manuscrits de Qian Zhongshu 《钱锺书手稿集》

2007 : Parvenue aux marges de la vie : questions et réponses《走到人生边上:自问自答》

2011 :  Assise aux marges de la vie 《坐在人生的边上》

2008 :  En écoutant Yang Jiang parler du passé《听杨绛谈往事》

2015 :  Mémoires décousus《杂忆与杂写:杨绛散文集》

 

Roman et nouvelles 小说

 

1980 : Reflets《倒影集》 (nouvelles)

1988 :  Le Bain《洗澡》(roman)

2014 :  Après Le Bain 《洗澡之后》  (novella)

 

Traductions  中文译本

1951 : La Vida de Lazarillo de Tormes Xiao laizi《小癞子》, roman espagnol de 1554.

1956 : Gil Blas《吉尔·布拉斯, d’Alain-René Lesage paru entre 1715 et 1735.

1978 : Don Quichotte, première traduction intégrale de l’espagnol en chinois

2000 : Phaedon 《斐de Platon.

 

Pièces de théâtre 话剧剧本

(dates de création)

1943 : chènxīn rúyì《称心如意》[pleine satisfaction]

1944 : nòng zhēn chéng jià《弄真成假》[falsifier le vrai]

--      :  yóuxì rénjiān《游戏人间》[errer dans le monde]

1945 :  fēng 《风絮》[chatons de saule dans le vent]

 


 

Traductions en français

 

Non fiction

- Six récits de l’École des cadres (《干校六记》), trad. Isabelle Landry/ Zhi Sheng, Christian Bourgois, 1983.

- Sombres nuées. Chroniques des années Bing Wu et Ding (《丙午丁未纪事》), trad. Angel Pino, Christian Bourgois, 1992, 91 p.

- Mémoires décousus (《杂忆与杂写》) trad. Angel Pino et Isabelle Rabut, Christian Bourgois, 1997, 260p.

 

Fiction

- Le Bain (《洗澡》), trad. Nicolas Chapuis, Christian Bourgois, 1992, 360 p.

 


 

Traductions en anglais

 

- A Cadre School Life in Six Chapters, tr. Geremie Barmé, Joint Publishing, 1982.

- Six chapters from my life "downunder", tr. Howard Goldblatt, preface by Jonathan Spence, Chinese University Press, 1984.

- Baptism, tr. Judith M. Amory and Yaohua Shi, Hong Kong University Press, 2007, 300 p.,  avec préfaces des 1ère et 2ème éditions, et un guide des noms des personnages.

 

 

 

[1] Texte : https://www.sohu.com/a/431587832_120088495

 

 

     

 

 

 

 

     

 

 

 

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