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Yang Fang 杨方

Présentation

par Brigitte Duzan, 30 octobre 2024

 

 

Yang Fang (photo chinawriter)

 

 

Écrivaine née en 1975, Yang Fang (杨方) a obtenu le premier prix lors de la 8e édition du Prix Yu Dafu (第八届郁达夫小说奖) pour sa novella « La prairie du clair de lune » (《月光草原》) publiée dans le troisième numéro de 2023 de la revue Jiangnan (《江南》杂志2023年第3)[1]. Mais elle figurait aussi dans les meilleures novellas de l’année 2023 de la sélection de Shouhuo.

 

D’abord poète

 

Yang Fang est née en 1975 dans la ville de Yining (伊宁) dans la préfecture autonome kazakh de l’Ili (伊犁) dans le Xinjiang[2], et bien qu’elle vive depuis plus de dix ans dans le Zhejiang, à Jinhua (金华), c’est le Xinjiang qui est encore le cadre de la plupart de ses récits. C’est d’ailleurs alors qu’elle venait de passer l’été à randonner dans les sables du désert du Taklamakan qu’elle a appris la nouvelle du prix Yu Dafu.

 

Elle a commencé par écrire des poèmes après ses journées de travail. À force de passer huit heures par jour au milieu d’armoires de rangement à classer des dossiers, elle se sentait devenir une mécanique et pour rompre l’envoûtement faisait pousser des plantes dans le bureau.

 

Alors qu’elle était au collège, elle est allée au Tibet. C’était dans les années 1990, il n’y avait pas de train pour Lhasa, et peu de vols. Les touristes étaient rares. Elle s’est promenée dans les rues suivie par une horde de chiens errants. Ce sont les souvenirs et impressions de ce voyage qui lui ont inspiré ses premiers poèmes, publiés dans la revue « Littérature manchoue » (《满族文学》). Ils lui semblaient tombés du ciel[3]. Elle les a ensuite publiés dans un recueil intitulé « Vivre comme les nuages blancs » (《像白云一样生活》), un titre qui vient du sentiment qu’elle a eu en contemplant les nuages au-dessus du Potala un après-midi. La source de tous ses poèmes est là, dit-elle.

 

Elle a une grande force d’imagination, et la capacité de se fondre par osmose et association d’idées dans une œuvre, la vie d’un auteur étranger. Ainsi, quand elle était petite, elle avait été frappée par une chèvre bizarre, très grande, sans cornes, dont on lui avait dit que c’était une chèvre d’Albanie. Elle n’avait aucune idée de ce que pouvait être l’Albanie, mais quand elle a plus tard lu des livres d’Ismaïl Kadaré elle a pensé à la chèvre – il était aussi étrange qu’elle, lui et le petit pays montagneux qu’il décrivait dans son style métaphorique très particulier.

 

L’œuvre qui l’a le plus influencée, cependant, ce sont les « Poèmes de Chu » (Chu ci《楚辞》)  de Qu Yuan (屈原), ces poèmes qui ont rompu la forme classique, très carrée, du « Livre des poèmes » (Shijing 《诗经》) en introduisant l’expression des sentiments du poète. Et elle a été aussi inspirée par Rimbaud, pour l’ouverture sur un monde spirituel en symbiose avec l’univers.

 

Elle n’écrit pas ses poèmes assise sur une chaise, son papier bien posé sur une table. C’est souvent sous l’inspiration du moment, noté rapidement sur la page blanche d’un livre, et parfois difficile à déchiffrer ensuite. Ainsi a-t-elle écrit « Je ne suis pas encore de retour chez moi » (《我还没有回到我的故乡》) dans un bus, au bout d’un voyage de sept ou huit heures, alors que lui venaient à l’esprit des détails de chez elle au fur et à mesure qu’elle en approchait. Ce sont des bribes éparses, comme secouées par les cahots de la route, et notées in extremis avant qu’elles ne se perdent. Le poème demande ensuite tout un travail de révision, voire de réécriture.

 

En 2013-2014, Yang Fang a été en résidence de poésie à l’Université normale de Pékin, et c’est à la suite de cette expérience qu’elle a commencé à écrire des nouvelles. Mais toujours dans le même esprit.

 

Puis novelliste mais toujours poète

 

Elle n’écrit pas beaucoup, et elle écrit lentement. Il lui a fallu deux ans pour achever « La prairie du clair de lune ». C’était au départ une nouvelle courte, de 20 000 caractères, et c’est après les suggestions faites par les rédacteurs de la revue qu’elle a repris le texte et l’a étoffé pour lui donner plus de « souffle ».

 

Écrit à la première personne, le récit a pour personnage principal un jeune homme parti dans le Xinjiang, à la demande d’un ami, à la recherche de « Sisyphe » - ce Sisyphe étant un bousier (屎壳郎), un scarabée qui se nourrit d’excréments, et en particulier de bouses de vache. Mais, au début de l’histoire, 西西弗斯不见了« Sisyphe est introuvable »…

 

 

 

 

C’est original et n’empêche pas le récit d’être poétique, et un rien nostalgique, sur fond de recherche d’harmonie entre l’homme et la nature.

 

Il y a deux ans, la novella « L’oncle d’Australie » (《澳大利亚舅舅》) de Yang Fang avait déjà figuré parmi les finalistes du prix Yu Dafu. Elle a été publiée en septembre 2022 par les éditions des Lettres et des arts des Cent Fleurs dans un recueil éponyme de sept novellas. « L’oncle d’Australie » se passe à Yining, sa ville natale du Xinjiang, et raconte cinquante ans d’histoire de la rue de Liuxing (六星街), la rue « des six étoiles » devenue sous sa plume le hutong de Yangmao (羊毛胡同), le hutong « des poils de mouton » avec sa végétation luxuriante, le parfum des fleurs, et les vieux assis au soleil chantant le muqam (木卡姆) devant les maisons bleues.

 

 

L’oncle d’Australie

 

 

Tout un univers lointain.


 

[1] Revue de Hangzhou créée en 1980 pour publier des novellas, justement, mais qui a depuis lors ouvert ses colonnes à bien d’autres formes littéraires.

 

     

 

 

 

 

     

 

 

 

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