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Xinran 欣然
Présentation
par
Brigitte Duzan, 14 septembre 2018
Xinran est le nom de plume de Xue Xinran (薛欣然),
née en 1958 dans une famille aisée à Pékin.
De l’armée à la radio
Elle a juste un mois quand ses parents sont arrêtés
(c’est la période du mouvement anti-droitiste) :
elle est envoyée chez sa grand-mère et ne reverra sa
mère que cinq ans plus tard. Elle restera incapable
de l’appeler maman. Le scénario se répète au
début de la Révolution culturelle : ses parents sont
arrêtés et emprisonnés ; ils passent sept ans en
prison. Elle et son frère, pendant ce temps, sont
envoyés dans un orphelinat militaire chargé de
redresser les enfants de familles
contre-révolutionnaires. Elle fait des études de
relations internationales, incluant l’anglais, de
droit et d’informatique au sein du département
politique de l’armée. |
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Xue Xinran en 2016 (photo Deutsche
Welle) |
A l’âge de quinze ans, en 1973, elle publie son premier poème.
Après la mort de Mao et la chute de la Bande des quatre, en
1977, elle obtient un poste civil à l’université de l’armée.
Au début des années 1980, les autorités chinoises développent la
télévision et la radio, et font alors appel à des personnes
formées par l’armée pour devenir des journalistes animant des
émissions de débats évitant les sujets sensibles. Xinran est
recrutée en 1989 pour l’un de ces postes. Elle commence alors
une carrière de journaliste et devient l’animatrice de
l’émission de radio « Mots sur la brise nocturne » (), émission
quotidienne diffusée de 22 heures à minuit sur la radio du
Henan, puis du Jiangsu ; exclusivement consacrée aux femmes,
elle rencontre un grand succès de 1989 à 1995.
De la Chine à l’Angleterre
En 1997, elle décide de quitter la Chine pour aller s’installer
à Londres. Après une série de petits boulots, elle obtient un
poste à l’université de Londres. Elle écrit une chronique
bimensuelle sur la Chine pour The Guardian et devient aussi
conseillère aux relations avec la Chine pour de grandes sociétés
comme la BBC.
Xinran lors de son émission radio
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Ce n’est qu’une fois installée à Londres qu’elle
commence à écrire. Le livre est tiré de ces années
de radio-journalisme au début des années 1990 : il
est basé sur les témoignages recueillis lors de
l’émission, mais aussi sur les lettres reçues des
auditrices. Traduit en français sous le titre « Chinoises »,
et en anglais « The Good Women of China » (traduit
du chinois
《中国好女人们》),
il |
reflète l’atmosphère « d’ouverture et
reconstruction » de la période, alors que commençaient à se
dégeler les interdits contre les discussions sur les
sentiments, et pire encore, la sexualité. Jusque-là,
souligne-t-elle, tout contact physique entre personnes non
mariées pouvait être sévèrement sanctionné. Son but
personnel, lors de son émission de radio, était de favoriser
une meilleure compréhension entre maris et femmes, afin de
rapprocher les membres des familles.
Son récit peut sembler par moments empreint de naïveté, mais
elle est naturelle : elle-même, a-t-elle raconté, a refusé à
l’âge de 22 ans, de tenir la main d’un professeur à une fête car
elle craignait de tomber enceinte. Elle a grandi dans un monde
privé de sentiments : son émission radio a permis aux femmes de
raconter leurs histoires en donnant libre cours à des émotions
contenues pendant des années.
De la quinzaine de récits que comporte le recueil, on ne saurait
dire laquelle est la plus atroce. Mais il en est un qui a une
valeur historique car il apporte des précisions sur le
tremblement de terre de Tangshan, dont on connaît maintenant
l’étendue de la catastrophe humanitaire qu’il a constituée, à un
moment où Mao était mourant et la Chine totalement
désorganisée : l’Etat ne fonctionnait plus. Son récit est un
superbe démenti au film réalisé par Feng Xiaogang sur le sujet,
seule ombre au tableau de ce grand réalisateur, mais on sait
bien qu’il n’avait pas les coudées franches
.
Le livre de Xinran n’est pas un roman : c’est un témoignage, et
au-delà, comme son émission, une entreprise cathartique de
libération de l’émotion et de la parole. Il manque de style, et
pêche même par certaines maladresses, mais on finit par réaliser
que c’est ainsi, une écriture brute, pour garder l’horreur
entière.
Initialement publié en 2002, il est devenu un bestseller
international qui a poussé Xinran à écrire d’autre livres du
même genre. Il a donc été suivi d’une série d’autres témoignages
sur des destins de femmes chinoises.
En 2004, elle fonde une association d’adoption d’enfants chinois
par des ressortissants d’autres pays : « Le pont de l’amour
maternel » (《母爱桥》)
.
Elle rentre deux fois par an en Chine, pour ne pas se laisser
dépasser par la vitesse des changements en cours.
Elle a épousé Toby Eady, l’agent littéraire, entre autres, de
Jung Chang, l’auteur de « Wild Swans ».
Retour aux sources
En 2013, elle retourne en Chine et reste trois ans pour
recueillir de nouveaux témoignages. Le nouveau livre qu’elle en
rapporte est l’histoire de plusieurs femmes d’une même famille,
dessinant l’évolution du sort des femmes et de leurs vies dans
la Chine moderne, sur quatre générations : de la plus âgée,
Rouge (Anhong), née en 1920 à Tianjin, mariée à neuf ans à un
garçon de quatre ans son aîné, à sa fille Grue et à sa
petite-fille Lili, en passant par ses sœurs et leurs enfants.
Paru en français en avril 2018 sous le titre un peu trompeur « Parlez-moi
d’amour » (tán
liàn'ài
《谈恋爱》),
c’est un récit plus politique que sentimental, ou plutôt où les
sentiments, les passions et les désirs sont conditionnés par la
politique et l’histoire. C’est un formidable tableau de
l’évolution de la condition féminine en Chine depuis le début du
20e siècle, dans les couches aisées de la population.
Traductions en anglais
- The Good Women of China, Hidden Voices of China, tr. Esther
Tyldesley, Vintage, 2003.
- Sky Burial, tr. Julia Lovell & Esther Tyldesley, Vintage 2005
- What the Chinese Don’t Eat, Collected Guardian columns,
Vintage 2006
- Miss Chopsticks, tr. Esther Tyldesley, Vintage 2008
- China Witness (《见证中国》),
tr. Nicky Harman, Julia Lovell and Esther Tyldesley, Chatto &
Windus, 2008.
Histoire orale du 20ème siècle : entretiens avec une
douzaine de personnes âgées, d’une femme-général à une
cordonnière.
- Message from an Unknown Chinese Mother, Stories of Loss and
Love (《中国母亲》),
tr.
Nicky Harman, Chatto & Windus, 2010. Dix chapitres, dix femmes,
autant d’histoires tragiques, dont celle de l’auteure elle-même.
- Buy Me the Sky: the remarkable truth of China’s one-child
generations, tr. Esther Tyldesley & David Dobson, Rider 2015.
Traductions en français
- Chinoises, tr. de l’anglais par Marie-Odile Probst-Glebhill,
Philippe Picquier 2003, Picquier poche 2005.
- Funérailles célestes, tr. de l’anglais par Maïa Bhâratî,
postface et colophon de Claude B. Levenson, Philippe Picquier
2005.
- Baguettes chinoises, tr. du chinois par Prune Cornet, Philippe
Picquier 2008. Histoire de trois sœurs qui décident de fuir leur
village pour aller chercher fortune en ville, à Nankin ; elles
ne savent qu’une chose : que leur mère est une ratée qui n’a pas
été capable de donner un fils à son mari, et que les filles sont
comme des baguettes, utiles mais jetables.
- Mémoire de Chine, tr. du chinois par Prune Cornet, Philippe
Picquier 2010.
- Messages de mères inconnues, tr. de l’anglais par Françoise
Nagel, Philippe Picquier 2011, Picquier poche 2013.
- L’enfant unique, tr. de l’anglais par Françoise Nagel,
Philippe Picquier 2016, Picquier poche avril 2018. La première
génération d’enfants uniques, nés entre 1979 et 1984.
- Parlez-moi d’amour, tr. de l’anglais par Françoise Nagel,
Philippe Picquier 2018. Quatre générations de femmes d’une même
famille.
Voir les livres sur le site des éditions Philippe Picquier :
http://www.editions-picquier.com/auteur/xinran/
Il s’agit d’« Aftershock » (《唐山大地震》),
film de 2010 qui montre les secours arrivant quasiment
aussitôt après le séisme, et dans un ordre impeccable,
alors qu’on sait maintenant – et Xinran le confirme -
que les équipes de sauvetage ont mis très longtemps pour
arriver sur les lieux du séisme parce que la
communication n’était pas passée – le gouvernement a
appris le séisme par la presse étrangère - et que les
routes étaient coupées.
Le gouvernement chinois n’a toujours pas reconnu les
faits.
Voir :
http://www.chinesemovies.com.fr/films_Feng_Xiaogang_Aftershock.htm
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