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Xi Xi 西西

1967-2022

Présentation

par Brigitte Duzan, 21 décembre 2022  

 

 

Xi Xi en 2020 (photo Unitas)

 

 

Xi Xi (西西), ou Sai Sai en cantonais, est l’une des grandes écrivaines contemporaines de Hong Kong, célèbre autant pour ses nouvelles et ses romans que ses poésies, ses essais et même ses scénarios. Elle n’a cessé de dépeindre dans son œuvre l’espace urbain de cette métropole en constant bouleversement, partagée entre tradition et modernité, de même qu’entre mandarin et cantonais. Son décès, le 18 décembre 2022, est comme le sombre symbole de la fin d’une époque à Hong Kong.

 

De Shanghai à Hong Kong

 

Zhan Yan ou Cheung Yin (張彥) pour l’état civil, elle est née en 1938 à Shanghai, dans une famille d’origine cantonaise partie en 1950 s’installer à Hong Kong. Elle a douze ans, deux frères et deux sœurs. Son père trouve un emploi de contrôleur de bus à Kowloon. Elle va au collège Heep Yunn (協恩中學) de Kowloon, une école fondée en 1936 par des missionnaires anglicans où les cours sont en cantonais.

 

     

Xi Xi jeune

 

Elle commence à écrire des poèmes encore au collège. Le premier est publié dans le journal « Everyone Literature » (人人文學) au milieu des années 1950. Puis elle continue ses études au Grantham College of Education, du nom du gouverneur de Hong Kong en poste lors de sa création en 1951. C’est l’un des établissements dédiés à la formation des enseignants qui sera ensuite intégré dans The Education University of Hong Kong, Elle devient donc institutrice à sa sortie de l’école.

 

Scénarios et poésie

 

Dans les années 1960-1970, Xi Xi écrit des poèmes, des nouvelles et des contes, mais aussi des scénarios pour le cinéma et la télévision. À partir d’avril 1966, elle publie aussi des critiques de films dans la rubrique « Camera Eye » (開麥拉眼) de la revue cinématographique Hong Kong Movie News. Puis, en août, à la demande de Stephen Soong, elle écrit le scénario « The Dark Green Age » (黛綠年華) du film qui sortira en 1967 sous le titre « The Splendor of Youth » ou « A Tender Age » ; c’est elle aussi qui a écrit les paroles des dix chansons du film. Puis, en octobre 1968, elle écrit le scénario du film  « The Window » (), réalisé par Patrick Lung (龍剛) [1].

 

 

The Splendour of Youth

 

 

Pendant cette période, elle publie des poèmes dans de nombreux journaux et revues : d’abord dans la rubrique poésie du Chinese Students’ Weekly, puis, à partir de sa création en 1975, dans l’hebdomadaire « Thumb Weekly » (大拇指周報). En 1981, elle participe à la fondation de la revue « Plain Leaf Literature » (素葉文學) publiée par les éditions Su Yeh (素葉出版社) qui, grâce à leurs publications de recueils de poèmes et d’essais, contribueront par ailleurs à faire connaître de nombreux auteur.e.s de Hong Kong.

 

En juin 1982, Xi Xi publie chez cet éditeur son premier recueil de poésies : « Pierres musicales » (Shí qìng石磬) [2], mais aussi son premier recueil de nouvelles : « Dans l’attente du printemps » (《春望》).  

 

Nouvelles et romans

 

Le tournant de 1983

 

La fin des années 1970 marque un tournant dans ses publications : en mars 1979 paraît aux éditions Su Yeh le roman « My City » (我城), initialement publié en feuilleton dans le journal « Hong Kong Express », avec des illustrations de sa main. Elle y dépeint le monde hongkongais vu par les yeux des jeunes, montrant une ville surpeuplée, et des étudiants sous pression. C’est devenu un classique de la littérature de Hong Kong, classé 51ème parmi les cent meilleurs romans chinois du 20e siècle par l’hebdomadaire « Asia Weekly » (Yazhou Zhoukan 亞洲週刊).

 

 

My City, roman de Xi Xi

 

 

Son deuxième roman, publié en juin 1982 chez le même éditeur Su Yeh, « Deer Hunt » (《哨鹿》), est inspiré de l’histoire d’une tentative d’assassinat de l’empereur Qianlong des Qing. Mais c’est son recueil de nouvelles « A Woman Like Me » (像我這樣的一個女子), d’abord publié aux éditions Su Yeh puis en 1983 à Taiwan dans le supplément du United Daily News, qui l’a rendue célèbre. Ces nouvelles, écrites entre 1976 et 1982, sont primées par le journal. Elles sont publiées en avril 1984 aux éditions Hongfan (洪范书店) de Taipei. C’est un tournant pour Xi Xi : elle décide alors de se consacrer exclusivement à l’écriture.

 

 

A Woman Like Me

 

 

L’épreuve de 1989

 

En 1989, atteinte d’un cancer du sein, elle doit subir une opération suivie d’une chimiothérapie dont les suites sont lourdes ; elle perd l’usage de la main droite et doit désormais écrire de la main gauche. Mais elle écrit quand même.

 

En septembre 1991, elle publie à Taipei, aux éditions Hongfan, le premier volet de son autobiographie, « Oiseaux migrateurs » (《候鸟》), dont le deuxième volet paraîtra en août 2018. Puis elle écrit un roman inspiré de son cancer, « En deuil d’un sein » (哀悼乳房), publié en septembre 1992 à Taiwan. Le roman a inspiré le film réalisé en 2006 par l’assistant de Johnnie To, Law Wing Cheong (羅永昌) : « 2 Become One » ou « Perfect Match » (天生一對).

 

 

Oiseaux migrateurs

 

 

En 1993, elle commence la publication d’une série d’essais sanwen (散文作品) initialement intitulés « Amusantes boutiques » (《有趣的店》), puis simplement « Boutiques » (《店铺》). Elle y exprime de la nostalgie pour la disparition des vieux magasins de son enfance victimes de l’impitoyable modernisation de la ville.

 

1999 : l’histoire de Hong Kong comme un tapis volant

 

Elle revient ensuite vers le roman tout en restant dans la thématique de l’histoire de Hong Kong : commencé en 1996 et publié en 1999, « Tapis volant » (飛氈) retrace cent ans de cette histoire sous couvert de l’histoire fictive de la croissance sur trois générations d’une ville nommée Fertilia (肥土鎮), située aux confins du Pays du Dragon (巨龍國), où l’on devine bien sûr un avatar de la Chine continentale.

 

 

Tapis volant

 

 

Peluches, poèmes, contes etc

 

C’est comme thérapie pour sa main droite qu’elle commence en 2000 à apprendre à coudre des poupées et des petites peluches. Elle fabrique ainsi singes et nounours et, en 2005, cinq personnages du roman « Au bord de l’eau ».

 

En 2009, ses peluches lui inspirent les « Chroniques des Nounours » (縫熊志) [littéralement « Chroniques des nounours cousus »], illustrées de photos. En 2018, elle donnera les peluches et les photos à la bibliothèque de l’Université chinoise de Hong Kong.

 

 

Chroniques de nounours

 

 

On n’en finirait pas de citer ses publications : elle a publié plus de trente livres, dans les genres les plus divers, y compris des contes [3]. On n’en finirait pas non plus de citer les prix qui lui ont été décernés. Mentionnons les derniers, en 2019 : le Newman Prize for Chinese Literature et le prix Cikada, prix littéraire suédois récompensant des poètes d’Asie de l’Est qui lui a été décerné pour son recueil de poèmes « Not Written Words » publié en 2016.

 

Elle a en outre inspiré cinéastes et dramaturges, y compris dans le genre rare de l’opéra de chambre cantonais.

 

Cinéma et opéra

 

o    Hommage cinématographique : « My City »

 

Le roman de Xi Xi « My City » (我城) a été l’inspiration première du documentaire éponyme réalisé par Fruit Chan (陈果) en 2015. Il y retrace la carrière de Xi Xi en partant de son roman, en superposant des lectures d’extraits de ses textes sur un fond de photos de la ville en plein bouleversement et en insérant des personnages pris dans l’œuvre de l’écrivaine. Le film comporte en outre des interviews et des analyses de son œuvre par un grand nombre d’écrivains, de chercheurs, de critiques et d’amis, mais aussi des séquences d’animation de ses créations en stop-motion, des photos de ses nombreux voyages, ainsi que des séquences de films dont elle a écrit le scénario.

 

Inclassable, le film est un véritable hommage à Xi Xi et à son œuvre, film protéiforme de plus de deux heures utilisant différentes techniques cinématographiques et un montage à un rythme rapide pour rendre l’atmosphère de la ville, en miroir de celle du roman.

     

Le documentaire « My City » (sous-titres anglais) :

 

 

o    Adaptations en opéra de chambre cantonais

 

En 2021 a été créé à Hong Kong un opéra de chambre cantonais commissionné par le Hong Kong Arts Festival  : « Women Like Us » (《兩個女子》), adapté de deux nouvelles de Xi Xi, « Un rhume » (感冒) et « Une femme comme moi » (《像我這樣的一個女子》).

 

 

Une scène de l’opéra de chambre « Women Like Us » donné en mai 2021

dans le cadre du Hong Kong Arts Festival (photo du festival)

 

 

Le livret a été confié à l’écrivaine Wong Yi (黃怡). Les deux nouvelles de Xi Xi évoquent les difficultés et les conflits intérieurs de deux femmes luttant pour affirmer leur identité et rechercher un espace de  liberté ; elles datent des années 1980, mais sont toujours aussi actuelles. Wong Yi s’est efforcée de traduire en images le langage poétique de Xi Xi, en particulier dans « Un rhume » où abondent les références à des poèmes anciens pour illustrer les sentiments de la femme au centre du récit.

 

Selon le principe retenu pour cet opéra de chambre visant à préserver la qualité littéraire du texte – « paroles d’abord, musique ensuite » ("先詞後曲") - son texte a impulsé un rythme qu’il est revenu ensuite au compositeur Daniel Lo Ting-cheung (盧定彰) de mettre en musique. Il a donné la primeur au chœur, les voix solos représentant les « démons intérieurs » des deux femmes. Mise en scène par Olivia Yan (甄詠蓓), la pièce devait être représentée en 2020, après des répétitions de janvier à mars 2019 au village d’artistes Cattle Depot Artist Village à Kowloon ; en raison de l’épidémie de covid, le programme a été repoussé au printemps 2021, et la première a eu lieu lors de la 49ème édition du festival [4].

 

Daniel Lo poursuit là ses recherches sur l’adaptation en opéra cantonais d’œuvres littéraires de Hong Kong. En 2017, il avait déjà composé une pièce pour chœur adaptée d’une autre nouvelle de Xi Xi : « Le cas de Marie » (瑪麗個案) ; une autre composition pour chœur, adaptée d’une nouvelle de l’écrivain Leung Ping-kwan alias Ye Si (也斯), « Le banquet d’Abel » (《艾布爾的夜宴》), a été mise en scène en novembre 2019.

 

 

Daniel Lo et Xi Xi lors de la préparation de l’opéra de

chambre « Deux femmes » en 2019 (photo China Daily)

 

 


 

Traduction en français

 

- Trois poèmes de Xi Xi, trad. Coraline Jortay, Jentayu, hors-série n° 5 Hong Kong, septembre 2022.

 


 

Principales traductions en anglais

 

Romans et nouvelles

 

- My City: a Hongkong Story [我城], tr. Eva Hung, HK Renditions Paperbacks, 1993.

- A Woman Like Me [像我這樣的一個女子], tr. Howard Goldblatt. The Chinese Pen, Spring 1984, pp. 1-19. Republished in Michael S. Duke ed., Worlds of Modern Chinese Fiction, M.E. Sharpe, 1991, pp. 163-73.

Also trans. as “A Girl Like Me” by Rachel May and Zhu Zhiyu. In Stephen C. Soong and John Minford eds., Trees on the Mountain: An Anthology of New Chinese Writing. HK: Chinese University Press, 1984, pp. 107-114.

- Marvels of a Floating City and Other Stories [], Eva Hung (ed.), Renditions Paperbacks, Hong Kong, 1997

- Flying Carpet: A Tale of Fertilla [飛氈], tr. Diana Yue, Hong Kong University Press, 2000.

- Sunday Morning [5], in Loud Sparrows: Contemporary Chinese Short-Shorts, selection and tr. Aili Mu, Julie Chiu, and Howard Goldblatt, Columbia University Press, 2006, pp. 36-37.

- Mourning a Breast [哀悼乳房], tr. Jennifer Feeley, New York Review of Books, 2023 [6].

 

Interviews, essais et poèmes

 

- Chatting about Fairy Tales: Excerpts from a Conversation with Xi Xi (Interview by Ho Fuk Yan), tr. Tammy Lai-Ming Ho, Chinese Literature Today 2019/ 8, 1, pp. 18-25.

- Newman Prize for Chinese Literature Acceptance Speech, 2019, tr. Jennifer Feeley, Chinese Literature Today 2019/ 8, 1, pp. 10-13.

- Stone Chimes [石罄], tr. Jennifer Feeley, The Taipei Chinese Pen 172, Spring 2015, pp. 22-24.

- Not Written Words, recueil de poèmes, tr. Jennifer Feeley. St Paul, MN: Zephyr Press, 2015.

- The Teddy Bear Chronicles [縫熊志], tr. Christina Sanderson, John Minford (ed.), The Chinese University of Hong Kong Press, 2020

 

Traductions complètes sur le site du MCLC :

https://u.osu.edu/mclc/bibliographies/lit/translations-aut/u-x/#X

 

Sélection de traductions en ligne :

The Body’s Language” [excerpt from Mourning a Breast], tr. Jennifer Feeley, Cha Journal, Oct. 24, 2020.

Apple”, tr. Jennifer Feeley. Words without Borders, June 2018.

Davin Chan Moves Out”, tr. Steve Bradbury. Words without Borders, Feb. 2011.

 


 


[2] Du nom des très anciens instruments de musique à percussion ou bianqing constitués d’une série de pierres produisant des notes différentes.

[3] Quelques publications parmi les plus populaires :

https://weread.qq.com/web/search/books?author=%E8%A5%BF%E8%A5%BF

[5] Un texte amusant de 1975 qui se présente comme un QCM dont les réponses aux questions ne sont pas cochées, ce qui laisse donc l’histoire ouverte à toutes les possibilités sans que soit précisé ni la date ni l’heure ni le temps qu’il fait etc…

[6] Extrait de la traduction en cours : « The Body’s Language »  https://chajournal.blog/2020/10/24/mourning/

 

 

     

 

 

 

 

     

 

 

 

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