Auteurs de a à z

 
 
 
     

 

 

Wu Jun 吴君

Présentation

par Brigitte Duzan, 20 juillet 2024

 

 

Wu Jun (photo Beijing wenxue)

 

 

Surtout nouvelliste [1], Wu Jun a fait des études de langues dans les années 1990 avant de se consacrer à l’écriture de fiction.

 

Thème principal : Shenzhen

 

Née en 1969 [2], elle a grandi dans la campagne du nord-est de la Chine, puis est allée vivre à Shenzhen à la fin de ses études, travaillant comme journaliste et rédactrice de documents officiels. Rien de très littéraire, mais une expérience formatrice. C’est là, à Shenzhen, que se passent les histoires qu’elle écrit et qui représentent donc son expérience personnelle : elle a fait des reportages sur des usines dans une vingtaine de districts de la ville et a recueilli les témoignages d’une foule de travailleurs, mais aussi d’un ami journaliste qui s’était introduit dans une usine avec une fausse carte d’identité et y avait travaillé deux mois. Aussi ce qu’elle écrit sonne-t-il vrai, avec un inévitable côté un peu désespéré.

 

Ces migrants sont pour la plupart dans des situations tragiques, et la deuxième génération peut-être plus que la première, car ils ont grandi dans un environnement encore plus dénué de chaleur humaine que leurs parents et sont donc plus fragiles, les femmes en particulier. Les rêves ont fait long feu. La fracture sociale s’est aggravée.

 

Wu Jun est depuis 2007 membre de l’Association des écrivains de Chine. Elle fait partie des écrivaines qui s’intéressent aux couches déshéritées de la population, avec empathie et réalisme. Mais elle a en outre le sens de la narration, quelque chose de l’art du conteur.

 

Publications

 

2004 : premier roman

 

Wu Jun a publié un premier roman en 2004 : « On n’est pas du genre humain » (《我们不是一个人类》). Puis sont venus plusieurs recueils de nouvelles et d’essais :

-  trois  recueils de novellas (zhongpian xiaoshuo ji 中篇小说集) : « Pas besoin de m’aimer » (《不要爱我》), « Une ère pleine de promesses » (《有为年代》) et « Chère Shenzhen » (《亲爱的深圳》) en 2009,

- un recueil de nouvelles courtes sorti en 2012 qui donne un aperçu de la topologie de Shenzhen : « Du district 2 au district 6 » (《二区到六区》),

- un recueil d’essais « au fil de la plume » (随笔集), « Plus il fait froid, mieux c’est » (《天越冷越好》), sorti en juin 2011.

 

 

On n’est pas du genre humain

 

 

 

Plus il fait froid, mieux c’est

 

 

Elle a obtenu le Prix bisannuel du roman (中国小说双年奖) en 2008 tandis que ses nouvelles ont été couronnées, entre autres, du prix de la revue « Sélection de fiction » (《小说选刊》) et du prix des Cent Fleurs décerné par le « Mensuel de la fiction » (小说月报百花).

 

Son thème de prédilection est celui des travailleurs migrants dans les villes, et en particulier celle qu’elle connaît bien, Shenzhen, qui est emblématique à cet égard. La novella « Chère Shenzhen » présente cette ville comme une sorte d’utopie pour un grand nombre de paysans autant que d’intellectuels. Elle a été adaptée au cinéma, par le réalisateur Wang Yingquan (王英权). Le film éponyme souligne cependant l’atmosphère « harmonieuse » de la ville et de la région en gommant le statut de « migrants » des personnages, et se termine par un happy ending.

 

2020 : consécration

 

En mars 2020, Wu Jun a publié un deuxième roman, « Wanfu » (《万福》)[3], nouvelle pièce de son puzzle personnel  qui a vraiment fait d’elle « l’écrivaine de Shenzhen ». Le roman est sorti au moment où la zone économique spéciale de Shenzhen fêtait son quarantième anniversaire. L’histoire se situe dans deux espaces proches : le « village de Wanfu » à Shenzhen et Hong Kong. L’histoire est celle, sur trois générations, de deux familles de Shenzhen qui quittent la ville pour aller vivre et travailler à Hong Kong, sur une période troublée de quarante ans. Si les thèmes sont semblables, la vie des migrants au milieu des désillusions, de l’hypocrisie et des absurdités quotidiennes, le style et les méthodes narratives ont évolué tout comme l’expression : l’utilisation de différents dialectes cantonais trahit les intérêts linguistiques de Wu Jun ; elle enrichit l’expression de termes locaux qui contribuent à l’authenticité de son récit, tout en restant compréhensibles. Elle rejoint là la cohorte croissante d’écrivains chinois qui utilisent et mettent en valeur les dialectes locaux dans leurs œuvres.

 

 

Wanfu

 

 

À la fin de l’année, le 12 décembre 2020, a eu lieu dans les locaux de la Fédération des arts et des lettres de Shenzhen un séminaire sur l’œuvre de Wu Jun coorganisé avec l’Association des écrivains de Shenzhen. Les organisateurs et intervenants ont souligné l’importance de l’œuvre de Wu Jun comme maillon de tout un réseau participant à l’émergence d’une culture locale incluant la littérature.

 

 

Séminaire de 2020 sur l’œuvre de Wu Jun

 

 

Cette consécration passe cependant sous silence tout un aspect de son œuvre dont on ne parle plus : les recherches et écrits de ses débuts qui ont contribué à former sa personnalité.

 

Traductrice et … cartooniste

 

Wu Jun a commencé par faire des études de langues et une thèse sur la structure syntaxique du russe moderne (现代俄语口语溶合结构) qui a été publiée après révision en novembre 2003 dans la revue spécialisée « Enseignement et recherche en langues étrangères » (外语教学与研究出版社). Dans le cadre de ses études, à la fin des années 1990, elle s’est intéressée à la traduction, avant de se lancer dans l’écriture de fiction.

 

Traductions

 

Elle a traduit en chinois deux romans français, et d’abord le célèbre roman de littérature fantastique de Gaston Leroux, « Le Fantôme de l’opéra » (《歌剧幽灵》) [4], dont la traduction est parue en novembre 2000 aux éditions Littérature de Chine (中国文学出版社).

 

 

« Le Fantôme de l’opéra » de Gaston Leroux

 

 

Puis elle a traduit un roman de Jules Verne « La Maison à vapeur » (《蒸汽屋》), un roman qui se passe dans l’Inde des Rajahs, initialement publié en feuilleton de décembre 1879 à décembre 1880. La traduction initiale de 1998 a été rééditée en 2009 aux éditions Yilin de Nankin (译林出版社).

 

 

« La Maison à vapeur » de Jules Vernes, éd. 1998

 

 

Cartoons et plus

 

Cependant, avant même de terminer ses études secondaires, Wu Jun s’est fait connaître comme auteure de cartoons pleins d’humour sur internet. Elle a créé le personnage de Wu Xiaowo (吴小蜗) c’est-à-dire « Petit escargot » : une petite fille stupide et mauvaise dont le caractère était inspiré d’une camarade. Ses cartoons ont circulé sur Tencent, Sina et autres sites web et ont été sérialisés dans différentes revues. En 2015, elle en a publié un recueil, sous le titre astucieux Wōwōwō ài nǐ, nǐnǐnǐ guòlái ! (《蜗蜗蜗爱你,你你你过来!》) où (escargot) est pris comme homophone de (), moi. Ce qui peut donc être traduit en tentant de garder le jeu de mot : « Escargot, escargot, escargot, je t’aime, toi toi toi viens par ici ».

 

 

Escargot, escargot, escargot,

je t’aime, toi toi toi viens par ici

 

 

Le recueil est en six parties ; il commence par « Notre première rencontre » (相识之初) et se termine par « Fin ou Début » (结束 or 开始), en passant par « L’anniversaire d’Escargot » (蜗的生日) et « Quand nous étions enfants » (小时候). C’est en fait une évocation douce-amère des souvenirs d’enfance de l’auteure.

 


 

Traduction en anglais

 

- La nouvelle « Metro Line Five » (《地铁5号线》), tr. Lucy Craig-McQuaide, Read Paper Republic Nov. 30, 2017

 


 


[1] Elle dit préférer l’écriture de nouvelles car écrire un roman lui semble relever de la schizophrénie

Voir son interview pour chinanews (septembre 2011).

[3] Terme qui signifie littéralement « dix mille bonheurs » et servait à exprimer des vœux de bonne fortune.

[4] Roman dont est adapté le film « Le Chant de minuit » (《夜半歌声》), premier grand succès, à Shanghai en 1937, du réalisateur Ma-xu Weibang (马徐维邦).

 

     

 

 

 

 

     

 

 

 

© chinese-shortstories.com. Tous droits réservés.