Wang Yuewen
王跃文
Présentation
par Brigitte
Duzan, 22 mars 2023
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Wang Yuewen (photo wcc
daily) |
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Wang Yuewen
est né en septembre1962 et a grandi dans le district de Xupu (溆浦县)
de la préfecture de Huaihua (怀化市),
dans le Hunan. Il n’a quitté son village qu’à l’âge de 19 ans
pour aller à l’université.
Histoires de bureaucrates…
Il s’est
intéressé à la littérature, chinoise et étrangère, à
l’université, mais quand il a commencé à écrire, c’est en tant
que scribe dans les bureaux du gouvernement du district de Xupu
où il a été affecté en 1984 après avoir terminé l’université ;
il écrivait pour le bureau pendant la journée et des nouvelles
pendant la nuit. En 1989, il décide de se consacrer uniquement à
l’écriture, mais ses écrits restent qualifiés de « fiction
bureaucratique » (“官场”小说).
Ils explorent les mille et uns petits scandales de la vie des
petits fonctionnaires de province, ceux qui ont pris la suite du
monde des lettrés admis (ou recalés) aux examens impériaux.
Wang Yuewen
devient célèbre en mai 1999 avec la publication de son roman
« Peinture traditionnelle chinoise » ou « Portrait national » (Guóhuà《国画》) ;
devenu un bestseller, il est considéré comme l’un des dix grands
« romans
anti-corruption »
(反腐小说),
genre né au milieu des années 1990 alors en plein essor. Wang
Yuewen y décrit de l’intérieur, en quelque sorte, le monde des
bureaucrates (官场)
où règnent hypocrisie et népotisme sur fond de scandales
récurrents. Le roman a d’ailleurs fait l’objet d’un plagiat qui
vaut un roman à lui tout seul : un auteur du Hebei écrivant sous
le pseudonyme de Wang Yuewen a publié en 2004 un roman intitulé
Guófēng
(《国画》)
présenté comme la suite de
Guóhuà
… L’analyse de
Guóhuà
occupe un
chapitre entier (le chapitre 5) de l’ouvrage de 2007 de Jeffrey
Kinkley sur ce nouveau genre : « Corruption
and Realism in Late Socialist China: The Return of the Political
Novel. ».
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Portrait national
Guóhuà, 1999 |
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Wang Yuewen a
ensuite écrit une dizaine de romans du même genre, dont le plus
connu est sans doute « Vert jaune » (Cānghuáng《苍黄》),
publié en août 2009 : une histoire des luttes politiques
intestines, des amitiés et trahisons à tous les niveaux dans les
rouages gouvernementaux d’un petit district rural. Une
« élection » frauduleuse qui comportait un faux candidat
entraîne une rupture entre le secrétaire local du Parti et son
adjoint ; le trop honnête directeur du « bureau des prix » est
entraîné dans un scandale de prostitution monté de toutes
pièces, et quand un nouveau secrétaire du Parti est nommé, des
gens commencent à disparaître…
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Vert jaune Cānghuáng,
2009 |
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Wang Yuewen a
aussi publié des romans historiques sur le même thème dont fin
1999 « Printemps et automnes de la bureaucratie » (《官场春秋》)
et fin 2013 « Le Premier Ministre de la dynastie des Qing » (《大清相国》)
réédité en août 2018.
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Le Premier Ministre de
la dynastie des Qing, 2018 |
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… et
autres
On en
oublierait que Wang Yuewen n’a pas écrit que des romans et
nouvelles de ce genre. C’est ce qu’a souligné le critique
littéraire Meng Fanhua (孟繁华):
“王跃文因官场小说而成名,事实上,他的非官场小说写得更深刻,他对性与政治的理解,对中国底层生活生动而真切的描述,都说明了他是今日中国最具感染力的作家之一。”
Wang Yuewen
est devenu célèbre pour ses romans sur la bureaucratie, mais en
réalité il écrit aussi des romans « non bureaucratiques » qui
sont bien plus profonds. Sa compréhension du sexe et de la
politique ainsi que sa peinture pleine de vie des couches les
plus modestes de la population montrent qu’il est aujourd’hui
l’un des écrivains chinois les plus influents.
L’un des
meilleurs exemples est son roman publié en août 2014 : « La
première année du calendrier de l’amour » (《爱历元年》).
Il a mis sept ans à l’écrire et y raconte la crise sentimentale
d’un homme d’âge moyen. En août 2014 également, sa novella
« Eaux libres » (《漫水》)
obtient le prix Lu Xun.
Puis, en
décembre 2022, il publie un pavé de près de 700 pages qui est
salué par de nombreux critiques comme une véritable encyclopédie
de la vie rurale en Chine : « Home Mountain » (Jiāshān《家山》).
Roman de
la vie rurale
Jiāshān
(《家山》)
est une sorte de grand roman épique du genre saga de village qui
relate l’histoire sur cinq générations du village de Shawan (沙湾),
dans le Hunan, de la fin de l’Expédition du Nord (1924-1929),
aux décennies de guerre et de révolution jusqu’à la fondation de
la République populaire et la construction de la Chine nouvelle
sur les deux décennies suivantes. Il y a bien un côté
encyclopédique, mais avec en outre un certain didactisme moral.
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Home Mountain Jiāshān,
2022 |
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Au centre est
le village de Shawan, riche d’une centaine de foyers, tous (sauf
un) répondant au patronyme Chen ; il est entouré de vergers
d’orangers et de plantations de sucre et de coton. L’éminence du
lieu possède la plupart des champs qu’il loue aux autres
villageois. À 70 ans, c’est l’autorité du village ; c’est à lui
qu’on demande conseil en diverses occasions pour prendre les
principales décisions. Quant au chef du village, Chen Xiugen (陈修根),
il a un nom suggestif (Xiugen, celui qui cultive ses racines)
car il est aussi prêtre taoïste ; il pratique les rituels
d’usage pour les mariages et les enterrements. Un autre Chen
tient les registres cadastraux ; comme il sait mieux que
personne les champs que détient et cultive chacun des
villageois, il est consultant pour la collecte des taxes.
Le roman
contient une foule de détails sur la vie quotidienne que l’on a
plus ou moins oubliés aujourd’hui, comme les plats de la Fête du
Printemps ou les offrandes aux divinités locales. Il commence
par une description de la lutte à mort entre le village de
Shawan et celui voisin de Shujiaping, pour une remarque
malheureuse du seul non-Chen de Shawan. Donc histoire absurde
d’un malentendu entraînant meurtres, traumas et regrets dans un
village meurtri… mais où l’ordre finit par être rétabli une fois
les torts réparés.
C’est après
avoir lu un document sur l’histoire de sa famille qu’il a décidé
d’écrire ce roman. Pour ce faire, il a consacré tout son temps
et toute son énergie à la recherche des sources et la collecte
de documents dans les vieilles chroniques locales de la province
du Hunan, y compris sur les systèmes d’enregistrement des terres
cultivées et de taxation. C’est ce qui lui a permis de mieux
comprendre les structures sociales et les pratiques culturelles
locales.
Évidemment, il
a utilisé le dialecte local pour exprimer les sentiments de ses
personnages, leur manière de penser et leurs attitude envers la
vie. C’est un trait qui a été souligné et loué par les
critiques. C’est désormais à travers le dialecte que s’écrit
l’histoire, et que s’exprime le sens de l’histoire au niveau
local. C’est peut-être le plus intéressant du roman.
Les principaux
textes de Wang Yuewen sont en ligne :
https://www.kanunu8.com/files/writer/2403.html
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