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                  | 
				Qu Bo 
				曲波  
				 
				1923-2002 
				Présentation 
				par Brigitte Duzan, 27 décembre 
				2013, actualisé 30 mars 2022       
				 
					
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						On avait un peu 
						oublié Qu Bo, et voilà que, fin 2013, Tsui Hark le remet 
						à la une de l’actualité en annonçant le début du 
						tournage d’une nouvelle adaptation à l’écran de son 
						célèbre roman : « Patrouilles dans la forêt enneigée » (《林海雪原》), 
						succès d’édition devenu grand classique après son 
						adaptation en « opéra modèle » pendant la Révolution 
						culturelle, et qui plus est premier des opéras modèles à 
						être porté à l’écran.    
						       
						 
						Le roman est 
						autobiographique, et la vie de l’auteur aussi 
						mouvementée et colorée que son œuvre.  
						       
						 
						Une vie 
						de combattant 
						       
						 
						A quinze ans 
						dans l’armée       
						  
						Qu Bo (曲波) 
						est né en 1923 dans le bourg de Zaolin (枣林庄), 
						littéralement le bourg de la forêt de jujubiers, dans ce 
						 |  | 
						
						 
						Qu Bo jeune |  
				qui était alors le 
				district de Huangxian (黄县), 
				devenu aujourd’hui la ville-district de Longkou (龙口) 
				sur la côte au nord-est du Shandong.  
				       
				 
				Son père, 
				Qu Chunyang (曲春阳), 
				était un petit entrepreneur local qui possédait une fabrique de 
				teinture de cotonnades. L’enfant 
				Qu Qingtao (曲清涛) 
				eut ainsi une éducation classique dans une école privée ; mais 
				son père fit faillite et, en 1938, à l’âge de quinze ans, il dut 
				arrêter ses études et s’engagea dans la Huitième Armée de route 
				(八路军). 
				C’est là que son nom fut changé en Qu Bo. 
				       
				 
				En 1939, il devient 
				membre du Parti communiste, et, quatre ans plus tard, en 1943, 
				est envoyé étudier à l’Université militaire et politique 
				anti-japonaise de Jiaodong (胶东抗大). 
				Pendant ses heures de loisir, il écrit des pièces de théâtre qui 
				sont mises en scène par les étudiants : « Après la moisson » (《麦收之后》)
				et 
				« Régler les conflits et pacifier le pays » (《排难除害》).
				 
				       
				 
				A vingt ans au 
				combat 
				       
				 
				A la fin de son 
				cursus, il est envoyé sur le front, dans la région de Jiaodong, 
				comme reporter de guerre pour un journal de l’armée. Il est 
				ensuite promu commissaire politique adjoint d’une unité de la 8ème 
				Armée de route, puis responsable de la section politique d’un 
				régiment de la 4ème Armée de campagne (第四野战军).
				 
				       
				 
				Après la défaite 
				japonaise, à la fin de 1945, il est envoyé à Mudanjiang, au sud 
				du Heilongjiang (东北牡丹江), 
				où il arrive au début de février 1946 ; à la tête d’une escouade 
				de 36 soldats, il participe aux opérations de lutte contre les 
				bandes de bandits (剿匪战斗), 
				alliées aux restes de l’armée nationaliste, qui sèment la 
				terreur dans la région.  
				        
				 
				C’est cet épisode de 
				sa vie qui lui inspirera son roman 
				« Patrouilles dans la 
				forêt enneigée » ; il l’aura tellement marqué que, peu de temps 
				avant de mourir, il dira : 
					
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						“这几年来,每到冬天,风刮雪落的季节,我便本能地记起当年战斗在林海雪原上的艰苦岁月,想起那个难忘的1946年的冬天。” 
						Chaque 
						hiver, ces dernières années, le vent et la neige m’ont 
						instinctivement rappelé cet hiver inoubliable de 1946, 
						et les durs combats menés dans la forêt enneigée. 
						                 
						 
						Cette même 
						année 1946, il épouse Liu Bo (刘波), 
						qui était infirmière en chef de l’hôpital de campagne de 
						l’armée pour  |  |                  
						 
						 
						Avec Liu Bo dans le Dongbei |  
				la région 
				Liaoning-Shenzhen. En 1948, il est blessé au combat, pour la 
				deuxième fois. En 1949, il est muté comme enseignant à l’école 
				de la Marine de l’Armée de Libération.  
				        
				        
				Cette même année 1946, 
				il épouse Liu Bo (刘波), 
				qui était infirmière en chef de l’hôpital de campagne de l’armée 
				pour la région Liaoning-Shenzhen. En 1948, il est blessé au 
				combat, pour la deuxième fois. En 1949, il est muté comme 
				enseignant à l’école de la Marine de l’Armée de Libération.
				       
				  
				Démobilisé après la 
				Libération       
				  
					
						| 
						 
						Blessé pendant la guerre |  | 
						En 1950, une 
						fois tout le pays libéré et pacifié, Qu Bo quitte 
						l’armée et devient directeur adjoint et secrétaire de la 
						branche du Parti de l’usine de fabrication de 
						locomotives de Qiqihar, dans le 
						Heilongjiang. 
						Il est ensuite promu directeur adjoint du bureau 
						d’études du ministère des transports ferroviaires, et 
						terminera comme directeur adjoint du bureau de 
						l’équipement du même ministère. Il s’installe alors à 
						Pékin et n’en bougera plus.       
						 
						Il commence à 
						écrire dès 1952, à ses heures de loisir, caractéristique 
						qu’il conservera toute sa vie : il n’est jamais devenu 
						écrivain professionnel, se replaçant dans la même 
						tradition – selon ses propres dires – que les grands 
						écrivains classiques qu’il admirait et qui l’ont 
						influencé, dont l’auteur du roman « Les trois 
						royaumes », Luo Guanzhong (罗贯中), 
						dont la biographie ressemble étrangement à la sienne, à 
						six siècles de distance. |        
				 
				Il est décédé à 
				Pékin en juin 2002, à 
				l’âge de 79 ans. 
				       
				 
				Un écrivain du 
				souvenir 
				       
				 
					
						| 
						Qu Bo a 
						commencé par publier six récits en février 1957, 
						sous le titre  « L’attaque surprise du repaire des 
						tigres et des loups » (《奇袭虎狼窝》).
						 
						       
						 
						Patrouilles 
						dans la forêt enneigée  
						       
						 
						Ce sont en 
						fait les premiers chapitres de son premier roman 
						« Patrouilles 
						dans la forêt enneigée » (《林海雪原》) 
						: « Ordre de mission » (《受命》), 
						« Yang Zirong fait la connaissance du ferblantier » (《杨子荣智识小炉匠》), 
						« Liu Xuncang capture Diao Zhanyi » (《刘勋苍猛擒刁占一》), 
						« Jugement de nuit » (《夜审》), 
						« La légende du vieux ramasseur de champignons de la 
						montagne du Sein » (《蘑菇老人神话奶头山》)…
						       
						 
						1. Achevé en 
						août 1956, le roman est paru en septembre 1957 
						aux éditions Littérature du peuple (人民文学出版社). 
						Il a été réédité deux fois avant la Révolution 
						culturelle et il  |  | 
						 
						L’attaque surprise du repaire des tigres
						 
						et des loups, édition originale |  
					
						|       
						 
						 
						Patrouilles dans la forêt enneigée,
						 
						édition originale de septembre 1957 |  | 
						s’en est vendu
						1 560 
						000 exemplaires entre 1957 et 1964, après deux 
						rééditions : succès sans précédent. Largement 
						autobiographique, relatant la campagne de pacification 
						du nord-ouest à laquelle a participé Qu Bo entre 1946 et 
						1949, le roman est à la fois d’un grand réalisme et 
						d’une subtile inventivité dans la construction 
						romanesque et la peinture des personnages : il se lit 
						comme un roman d’aventures, à la limite du 
						wuxia.       
						 
						La narration 
						est divisée en trois grandes parties, chacune se 
						terminant par une victoire contre un groupe de bandits, 
						alliés à des soldats nationalistes restés après la 
						défaite japonaise et 
						continuant le 
						combat contre les troupes communistes. 
						Elle a pour personnage principal le héros 
						Yang Zirong (杨子荣) 
						(1) 
						       
						 
						La première 
						partie commence par un massacre de sympathisants 
						communistes par une bande locale. Au lieu de 
						contre-attaquer, l’armée de Libération décide 
						d’infiltrer les rangs des bandits. Une escouade est 
						envoyée sous la  |  
					
						| 
						conduite de 
						Shao Jianbo (少剑波) 
						qui désigne 
						Yang Zirong 
						pour remplir la délicate mission d’infiltration. 
						Celui-ci capture l’un des adjudants du chef du repaire 
						des brigands, Luan Ping (栾平), 
						et apprend de lui que la place est imprenable, n’ayant 
						qu’un accès. Avec l’aide d’un vieux ramasseur de 
						champignons, il organise alors une attaque en se 
						laissant glisser dans le repaire depuis le sommet de la 
						montagne avec tout un équipement de cordes et crampons. 
						Débandade totale chez les bandits pris par surprise.       
						 
						La seconde 
						partie décrit la prise de la Montagne du Tigre, et 
						du camp des bandits qui s’y trouve. Se faisant passer 
						pour Luan Ping, Yang Zirong est envoyé dans le camp sous 
						le prétexte d’apporter une carte confidentielle qu’il a 
						réussi à obtenir. Il parvient à gagner la confiance du 
						chef, surnommé ‘Le Vautour posé sur la montagne’ (座山雕). 
						Mais Luan Ping s’échappe et arrive à la 
						Montagne du Tigre le jour de la fête du 60ème anniversaire du 
						Vautour. 
						Yang Zirong 
						maintient cependant mordicus qu’il est le vrai  |  |       
						 
						 
						Yang Zirong |  
					
						|             
						 
						 
						Adaptation au cinéma |  | 
						Luan Ping, et 
						en persuade Le 
						Vautour qui fait exécuter l’autre. La fête continue, 
						tout le monde s’enivre copieusement, et Shao Jianbo n’a 
						plus qu’à liquider les bandits.   
						    
						La troisième 
						partie relate les combats de la petite troupe contre 
						des bandits menés par deux agents nationalistes, Hou 
						Diankun (侯殿坤) 
						et Ma 
						Xifang (马希方).
						Shao 
						Jianbo est blessé (comme le fut Qu Bo), mais cela ne 
						l’empêche pas d’éliminer finalement les bandits et les 
						Nationalistes.        
						 
						Devenu un 
						classique de la République populaire, le roman emprunte 
						pourtant largement aux grands romans classiques « Au 
						bord de l’eau » (《水浒传》)
						
						et « Les Trois Royaumes » (《三国演义》).
						
						Certains passages sont même calqués sur des épisodes 
						célèbres, ce qui contribue à donner de la profondeur au 
						récit en le rattachant à une longue tradition. 
						 |            
				 
					
						| 
						Il en est 
						ainsi dans la seconde partie : quand Yang Zirong se rend 
						au repaire des bandits, il rencontre en chemin un tigre, 
						comme dans le fameux épisode Wu Song tuant le tigre (武松打虎) 
						dans 
						« Au bord de l’eau ». Mais avec une subtile nuance : 
						dans le roman de Shi Nai’an, Wu Song n’a l’audace 
						d’attaquer le fauve que parce qu’il est ivre ; Yang 
						Zirong, lui, a peur et hésite : c’est d’autant plus un 
						héros, un héros tueur de tigre (打虎英雄), 
						avant d’être un liquidateur de bandits.        
						 
						Le style est 
						résolument original, avec des passages en langue 
						vulgaire particulièrement  |  | 
						
						 
						Traduction en anglais illustrée de 1978 |  
						savoureux, et étonnants dans 
				une œuvre de ce genre parue à la veille du Grand Bond en avant. 
				             
						 
						2. Ils seront 
						évidemment gommés dans les adaptations à la scène et 
						à l’écran dont la préparation  
					
						| 
						                 
						        
						          
						 
						
						 
						Grondements dans  
						les montagnes et les mers |  | 
						a commencé dès 
						les lendemains de la publication du roman. L’adaptation 
						en opéra de Pékin moderne sera le premier « opéra modèle » 
						(样板戏), 
						« La prise de la montagne du Tigre par stratégie » 
						(《智取威虎山》), 
						dont la version finale officielle du livret fut publiée 
						le jour de la fête nationale, le 1er octobre 
						1969, soit pour le 20ème anniversaire de la 
						fondation de la République populaire. Ce sera le modèle 
						des opéras modèles. 
						                 
						L’année 
						suivante, le 1er octobre 1970, le film adapté 
						de l’opéra sortait des studios de Pékin, premier film 
						adapté d’un opéra modèle. La popularité des trois 
						œuvres ne s’est pas démentie même après la fin de la 
						Révolution culturelle, la preuve : Tsui Hark a choisi le 
						roman pour une nouvelle adaptation encore en 
				2013 (2)… C’est que les thèmes offerts par la narration, remontant à 
				une longue tradition romanesque, permettent des variations que 
				l’on peut moduler en fonction de l’époque et du public. |  
						                       
						Autres 
						romans          
				 
					
						| 
						Qu Bo a publié 
						trois autres romans, qu’il a achevés avant la 
						Révolution 
						culturelle, mais qui n’ont été publiés que juste après. 
						Sur des sujets proches, mais concernant tous les trois 
						la guerre de résistance anti-japonaise, ils n’ont 
						cependant pas le brio narratif du premier ; ils sont 
						moins intenses, moins directement personnels.                
						 
						Deux ont été 
						publiés en 1977, l’un aux éditions de la Jeunesse de 
						Chine (中国青年出版社), 
						l’autre aux éditions du Peuple du Shandong (山东人民出版社). 
						« Grondements dans les montagnes et les mers » (《山呼海啸》) 
						est une histoire d’amour sur 
						fond de guerre. « La stèle de Rong’E » (《戎萼碑》) 
						est un hommage au rôle des femmes dans la guerre contre 
						les Japonais, en particulier les infirmières. 
						 
						       
						Le dernier 
						roman a été publié en 1979 aux éditions   |  | 
						 
						La stèle de Rong’E, édition illustrée |  
						Littérature du 
				peuple (人民文学出版社) : 
						« Qiao 
				Longbiao » (《桥隆飚》), 
						héros patriotique recruté dans les rangs communistes 
						dans la lutte contre les Japonais. 
				   
				     
						                 
						 
						Autres 
						textes  
						   
						           
						 
						Qu Bo a 
						également écrit quelques nouvelles, qui reflètent sa vie 
						dans les franges industrielles de la Chine à la fin des 
						années 1950, ainsi que des récits de voyages, publiés au 
						début des années 1960, puis dans les années 1990. 
				   
				 
				       
				 
				Notes 
				(1) Le texte chinois, 
				en 38 chapitres :
				
				www.millionbook.com/xd/q/qubo/lhxy/index.html 
				(2) Le film adapté du roman par Tsui Hark est 
				sorti – en 3D – en 2014 :http://www.chinesemovies.com.fr/films_Tsui_Hark_Montagne_du_tigre.htm
 
				  
				       
				 
				       
				 
				Traduction en 
				anglais 
				Tracks in the Snowy 
				Forest, Foreign Languages Press, édition originale 1965 / 
				réédition janvier 1978.                    
				  
				 
				  
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