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Ma Boyong |
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Romancier,
blogger et scénariste chinois né fin 1980 à Chifeng (赤峰),
au sud-est de la Mongolie intérieure, Ma Boyong a publié une
vingtaine de titres depuis 2006 dans les genres populaires
de la science-fiction ou fantasy et du roman historique avec
souvent des intrigues à suspense. Il est présenté comme un
« écrivain atypique » (“非典型作家”),
et c’est l’image qu’il cultive.
Selon les
quelques informations données par Baidu, il a grandi
à Guilin, où ses parents ingénieurs travaillaient, puis il
est allé à l’école à Shanghai. Après avoir raté un examen de
maths (quel qu’il soit), il est parti poursuivre ses études
en Nouvelle Zélande puis a travaillé dans une société
étrangère. Ses premiers textes, des essais « souvent pleins
d’humour », ont été publiés sur internet. Faute de mieux, il
est qualifié sur la page baidu qui lui est consacrée
d’« écrivain célèbre » (著名作家).
Fantasy historique
Il a
commencé à écrire son premier roman en 2005, une sorte de
roman d’espionnage sur fond d’histoire des Trois Royaumes,
sa période de prédilection : « Le vent se lève sur Longxi »
(《风起陇西》).
Ce genre d’intrigue sur fond d’histoire revisitée va rester
l’une des caractéristiques de son œuvre, dérivant vers la
science-fiction, ou plutôt la fantasy.
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Le vent se lève sur Longxi,
adaptation en série télévisée |
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Dans le
genre science-fiction, sa nouvelle publiée en mai 2005 dans
Le Monde de la science-fiction ( Kehuan shijie
科幻世界)
et traduite en anglais par Ken Liu,
« La Cité du silence » (Jijing
zhi cheng
《寂静之城》),
est représentative de cet aspect de son œuvre. L’histoire se
passe en 2046 dans la capitale d’un Etat au régime
autoritaire où les communications internet sont limitées par
des hordes de « grands-mères du net » qui censurent le
vocabulaire en le réduisant à une liste de mots jugés
« sains » et où seuls les sites approuvés sont accessibles.
Comme la capitale en question est victime de fréquentes
tempêtes de sable, elle rappelle beaucoup Pékin
…
mais sa vision dystopique de la réalité ne peut, bien sûr,
être limitée à cette ville.
L’autre
versant de son œuvre est constitué de romans offrant une
vision alternative (et « pleine d’humour » pour ne pas dire
farfelue) de l’histoire, comme dans « Une histoire de la
conquête des Maya par la flotte Shang » (Yinshang
jiandui Maya zhengfu shi
《殷商舰队玛雅征服史》)
en 2007, « La dernière gloire de l’empire » (Diguo
zuihoude rongyao
《帝国最后的荣耀》)
en 2012, ou plus récemment dans « Les Ming sous le
microscope » (Xianweijing xia de Da Ming《显微镜下的大明》)
en 2019.
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Histoire de la conquête des Mayas
par la flotte Shang |
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Nombre de
ces œuvres ont été adaptées à la télévision.
« Écrivain célèbre »
Ma
Boyong a été lauréat en 2010 du prix Littérature du peuple
pour son roman « La Nymphe de la rivière Luo » (Luoshen
fu《洛神赋》),
également sur fond d’histoire des Trois Royaumes : il est
inspiré d’un poème éponyme de Cao Zhi (曹植),
troisième fils de Cao Cao (曹操),
relatant sa rencontre avec la nymphe de la rivière Luo,
fille du mythique empereur Fu Xi qui, selon la légende, se
noya dans cette rivière. C’est un thème, tant poétique que
calligraphique et pictural, qui a offert un vaste champ
d’interprétation à l’imaginaire depuis le 4e
siècle.
Ma Boyong
est membre de l’Association des écrivains de Chine, et
depuis 2019 animateur à la télévision par satellite du
Shandong d’un talkshow produit par les départements de la
propagande de divers comités régionaux du Parti.
Principales publications
Nouvelles/Novellas
2005 La Cité du silence 《寂静之城》
2011 Les robots de Mark Twain
《马克吐温机器人》
2016 Le jeu du Premier Empereur
《始皇帝的游戏》
Romans
2006 Elle est morte dans le réseau QQ
《她死在QQ上
》
2006 Le vent se lève sur Longxi
《风起陇西》
2007 Histoire de la conquête des Maya par la
flotte Shang
《殷商舰队玛雅征服史》
2009 Chronique d’un tumulus de pinceaux
bizhong suilu
《笔冢随录》
2012 La dernière gloire de l’empire 《帝国最后的荣耀》
2012 Les Mystères des Trois Royaumes
《三国机密》
2012 L’Histoire des rôles secondaires des
Trois Royaumes
《 三国配角演义》 |
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Au bureau des antiquités |
2016
Les dragons et le métro
《龙与地下铁》
2017
24 heures à Chang’an《长安十二时辰》
2019
Les Ming sous le microscope
《显微镜下的大明》
2020
Quinze jours dans les deux capitales / 15 jours de Nankin à
Pékin
《两京十五日》
2022
The Litchi Road《长安的荔枝》
Une
curiosité :
2013-2015 : Au bureau des antiquités《古董局中局》
Un roman
encyclopédique en 4 volumes sur les antiquités : histoire de
chaque objet, calligraphies, peintures, bronzes,
porcelaines, etc., comment estimer leur valeur, histoire des
faux, des pièges…
Trois exemples de fictions « atypiques »
Ce sont
deux romans publiés en 2017 et une novella publiée en 2022.
1/ Zoo
on the Grassland / Le Zoo dans/de la prairie
《草原动物园》
Résumé
Après la mort de l’impératrice Cixi [en 1908], les
quelque dix mille animaux du jardin impérial à Pékin
devaient être mis aux enchères. La nouvelle,
diffusée par la presse, attira l’intérêt d’un
missionnaire américain qui, se chargeant d’un
éléphant, un lion deux zèbres, cinq babouins, un
perroquet… et un python, partit avec eux à Qifeng,
en Mongolie intérieure [la ville natale de
l’auteur]. Là, l’histoire des animaux et du
missionnaire se complique, avec l’adjonction de deux
personnages dignes de contes fantastiques : une
fille dotée du pouvoir de voler les rêves et un
garçon capable de comprendre les animaux et de leur
parler (ce qui n’est pas rare dans la littérature
chinoise). L’histoire est peut-être un rêve éveillé.
Préambule
题记 |
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Zoo on the Grassland |
一个人的记忆,总是不可避免地虚实参半,其中既有最真实、最清晰的细节,也有完全源于想象、从未存在过的虚构。虚构在真实的土壤里茁壮生长,像胡杨一般伸展枝条,重新扎入土壤。它们互相纠缠、融合,渗入对方的每一寸肌
体。到后来,两者彻底融为一体,往往连讲述者自己都区分不出何为真实,何为虚幻。
[Les
souvenirs sont toujours faux, inévitablement… car
l’imagination brouille les détails réels.]
赤峰是我的故乡,我在这里长大。故乡对我来说,是一
个充满乡愁和魔幻的童话。我记得白云降落在草原上变成羊群,也记得孤狼和黄羊穿行于沙尘暴中的身影。水泥高楼之间,总隐藏着那么几处浅蓝色的敖包,如果你试图接近,它们就会倏然裂开,从里面飞出一只有着宽大翅膀的雄鹰,直上天际。
[Chifeng
est la ville où je suis né et où j’ai grandi ; pour moi,
c’est un conte de fées plein de nostalgie et de magie… je me
souviens que les nuages blancs devenaient des moutons ou des
loups… entre les immeubles de béton il y a toujours caché
quelque sac bleu clair qui, si on essaie de s’approcher, va
se déchirer et laisser s’échapper un aigle immense…
这样的景象,充盈了我整个记忆。我没法告诉你,哪些是我的亲身经历,哪些是童年时代的胡思乱想,又有哪些是
来自于古老时代的风吹入梦境。
我喜欢这样的感觉,穿梭于真实与幻想之间,把泾渭分明的两条河流搅浑在一处。
[J’aime
ce sentiment de toujours être entre la réalité et
l’illusion…]
接下来我要讲的这个故事,也拥有同样的质地。我说不清楚,它到底是一段被湮没的真实历史,还是一代代赤峰人在梦中构建出来的回忆虚像。我不是创造者,只是一个忠实的记录员。如果有人问起这故事是真还是假,到底从何而来,我只能说,它和我一样,在赤峰这里出生、成长,然后和这个真实世界慢慢融合。
事就这样成了。
[L’histoire que je vais raconter est ainsi, sans que je
puisse dire si c’est la véritable histoire ou si ce sont des
souvenirs de générations de gens de Chifeng plus ou moins
vrais… tout ce que je peux dire, c’est qu’elle est née ici,
à Chifeng.]
Note :
Chifeng a une longue histoire : c’est le site d’une culture
du néolithique, la culture Hongshan, qui a laissé de
superbes vestiges, dont un dragon de jade en forme de C,
considéré comme « le premier dragon de Chine ». La ville a
été capitale politique et culturelle de la dynastie des Liao
(10e – 12e s.) et, sous la dynastie
des Qing, sous administration de la bannière Ju Ud jusqu’à
la constitution du Manchukuo.
C’est une
ville qui prête à rêver….mais il y a effectivement un zoo à
Chifeng, le Qiaobei Zoo.
Le roman
est activement promu par son éditeur, Citic Press.
- Un
extrait a été traduit en allemand et publié dans Leuchtspur
(Pathlight allemand), 2018.
- La
traduction en espagnol - Un zoo en el fin del mundo – doit
paraître en janvier 2022
2/
Chronique du Serpent blanc au temps de la peste 《白蛇疾闻录》
Ma
Boyong a également investi la
légende du Serpent blanc
à laquelle il a apporté une nouvelle version …
« atypique ». Il mêle dans son roman l’histoire du
Serpent blanc et de son mari Xu Xian à une
mystérieuse épidémie à Lin’an où se sont réfugiés
les deux époux…
Au
début, il part d’un épisode des « Mémoires
historiques » (《史记》)
de Sima Qian (司马迁) :
la « Chronique de Gaozu » (《史记·高祖本纪》).
Gaozu était le titre posthume de Han Gaodi (汉高帝),
c’est-à-dire Liu Bang (刘邦).
Dans cet épisode des « Mémoires historiques », Sima
Qian raconte que Liu Bang, ivre, tua un jour un
serpent qui lui barrait la route. L’épisode est
interprété de diverses manières par les historiens,
mais Ma Boyong le replace dans le contexte de la
légende du Serpent blanc en faisant des deux
morceaux du serpent tué par Liu Bang un serpent mâle
enterré sous Lin’an, et un serpent femelle, devenu
le Serpent blanc. |
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Chronique du Serpent blanc
au temps de la peste |
Dans son
roman, il a donc éliminé le Serpent vert. Quant à
l’épidémie, elle est en filigrane dans une version de la
légende, celle de Feng Menglong en particulier, puisque
c’est une épidémie qui permet à Xu Xian, apothicaire, de
gagner sa vie à Lin’an, grâce aux potions magiques que
l’aide à fabriquer son épouse. Mais ces développements sont
traités dans une approche manichéenne un peu simpliste.
Le livre
baigne dans une atmosphère de manga, dès la couverture.
3/ The
Litchi Road《长安的荔枝》
« The
Lichi Road » (《长安的荔枝》)
est un autre exemple d’histoire alternative : c’est une
novella (zhongpian xiaoshuo
中篇小说)
initialement publiée en 2021 dans le « numéro de printemps »
(“春卷”) de la revue Shouhuo
(《收获》)
et adaptée au cinéma en 2025 par le réalisateur
Da Peng (大鹏).
The Litchi
Road,
湖南文艺出版社, oct.
2022
https://book.douban.com/subject/36104107/
Le titre
chinois, repris pour le film, signifie littéralement « Les
Litchis de Chang’an » comme indiqué sur la couverture. C’est
là, en 755, sous le règne de l’empereur Xuanzong des Tang (唐玄宗),
que se passe l’histoire. L’intrigue du récit est bâtie
autour de la passion de l’empereur pour sa concubine Yang
Guifei (杨贵妃) dont
il comble les moindres désirs, et en particulier son amour
des litchis, son fruit favori. Or, à l’époque, les meilleurs
litchis étaient cultivés à quelque 2 500 km de Chang’an, à
Lingnan (岭南),
dans le sud : c’étaient ces fruits-là que préférait la
concubine. Aussi l’empereur décida-t-il d’en faire venir par
la poste impériale, apportés à bride abattus par des
cavaliers avant que les fruits ne s’abîment.
Cette
histoire est évoquée un siècle plus tard dans le premier
quatrain d’un triptyque du célèbre poète Du Mu (杜牧)
dans lequel il fustige le souverain pour avoir délaissé les
affaires de l’Etat en faveur de trivialités de ce genre :
长安回望绣成堆,山顶千门次第开。
一骑红尘妃子笑,无人知是荔枝来。
De
Chang’an on aperçoit au loin la splendeur des jardins
impériaux,
en haut
de la colline s’ouvrent une à une les mille portes du
palais.
Un
cavalier soulevant la poussière rouge fait sourire la
concubine,
nul ne
sait qu’elle sourit car arrivent les litchis.
En même
temps c’est l’époque de la rébellion d’An Lushan qui va
forcer l’empereur à fuir la capitale, et entraîner une crise
dynastique majeure.
C’est donc
de cet épisode historique que s’est inspiré Ma Boyong. Il a
imaginé un mathématicien raté devenu inspecteur du Bureau
des Jardins impériaux, Li Shande (李善德),
désigné pour remplir la mission périlleuse de rapporter des
litchis à Chang’an pour l’anniversaire de la concubine. Mais
Ma Boyong ne s’est pas tant intéressé à la concubine et à sa
relation avec l’empereur qu’à l’époque elle-même, à la
corruption ambiante, et à la vie du petit peuple.
Finalement, Li Shande est dans le sud quand lui parvient la
nouvelle de la révolte d’An Lushan et des troubles à
Chang’an qui vont l’empêcher de rentrer, ce qui sauve sa
peau. Il lui reste à profiter de l’instant, et à savourer
les litchis à la place de la concubine.
C’est
cette philosophie tournée vers le peuple et une écriture
très simple qui ont valu sa popularité au récit, classé 3ème
dans la liste Littérature de fiction des lecteurs de
douban pour l’année 2022.
L’histoire a ainsi suscité l’intérêt de Da Peng pour
l’adapter au cinéma. Le récit a d’ailleurs également été
adapté en une
série
télévisée
diffusée en juin 2025 sur CCTV8 et Tencent video, et en une
pièce de
théâtre
représentée en mai à Shanghai.
Traductions en anglais
- The City
of Silence (《寂静之城》),
tr. Ken Liu, en ligne (en deux parties), dans “The World of
Science-Fiction”, 2011.
- The Mark
Twain Robots (《马克吐温机器人》),
tr. Ken Liu, TRSF - the Best New Science Fiction, 2011.
- The
First Emperor's Games (《始皇帝的游戏》),
in Broken
Stars,
tr. Ken Liu, in Head of Zeus (UK, 2019) / Tor (US, 2019)
- The
Great Migration (《大冲运》),
in
Sinopticon, A Celebration of Chinese Science-Fiction,
tr. and ed. Christine Xueting Ni, Solaris Books, 2021.