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Ma
Boyong
马伯庸
Présentation
par Brigitte
Duzan, 4 novembre 2021
Romancier, blogger et scénariste chinois né fin 1980
à Chifeng (赤峰),
au sud-est de la Mongolie intérieure, Ma Boyong a
publié une vingtaine de titres depuis 2006 dans les
genres populaires de la science-fiction ou fantasy
et du roman historique avec souvent des intrigues à
suspense. Il est présenté comme un
« écrivain atypique » (“非典型作家”),
et c’est l’image qu’il cultive.
Selon les quelques informations données par Baidu,
il a grandi à Guilin, où ses parents ingénieurs
travaillaient, puis il est allé à l’école à
Shanghai. Après avoir raté un examen de maths (quel
qu’il soit), il est parti poursuivre ses études en
Nouvelle Zélande puis a travaillé dans une société
étrangère. Ses premiers textes, des essais « souvent
pleins d’humour », ont été publiés sur internet.
Faute de mieux, il est qualifié sur la page baidu
qui lui est consacrée d’« écrivain célèbre » (著名作家).
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Ma Boyong |
Fantasy historique
Le vent se lève sur Longxi,
adaptation en série télévisée |
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Il a commencé à écrire son premier roman en 2005,
une sorte de roman d’espionnage sur fond d’histoire
des Trois Royaumes, sa période de prédilection :
« Le vent se lève sur Longxi » (《风起陇西》).
Ce genre d’intrigue sur fond d’histoire revisitée va
rester l’une des caractéristiques de son œuvre,
dérivant vers la science-fiction, ou plutôt la
fantasy.
Dans le genre science-fiction, sa nouvelle publiée
en mai 2005 dans Le Monde de la science-fiction (
Kehuan shijie
科幻世界)
et traduite en anglais par Ken Liu,
« La Cité du silence » (Jijing
zhi cheng
《寂静之城》),
est représentative de cet aspect de son œuvre.
L’histoire se passe en 2046 dans la capitale
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d’un
Etat au régime autoritaire où les communications internet
sont limitées par des hordes de « grands-mères du net » qui
censurent le vocabulaire en le réduisant à une liste de mots
jugés « sains » et où seuls les sites approuvés sont
accessibles. Comme la capitale en question est victime de
fréquentes tempêtes de sable, elle rappelle beaucoup Pékin…
mais sa vision dystopique de la réalité ne peut, bien sûr,
être limitée à cette ville.
L’autre versant de son œuvre est constitué de romans
offrant une vision alternative (et « pleine
d’humour » pour ne pas dire farfelue) de l’histoire,
comme dans « Une histoire de la conquête des Maya
par la flotte Shang » (Yinshang
jiandui Maya zhengfu shi
《殷商舰队玛雅征服史》)
en 2007, « La dernière gloire de l’empire » (Diguo
zuihoude rongyao
《帝国最后的荣耀》)
en 2012, ou plus récemment dans « Les Ming sous le
microscope » (Xianweijing xia de Da Ming《显微镜下的大明》)
en 2019.
Nombre de ces œuvres ont été adaptées à la
télévision.
« Écrivain célèbre »
Ma Boyong a été lauréat en 2010 du prix Littérature
du peuple pour son roman « La Nymphe de la rivière
Luo » (Luoshen fu《洛神赋》),
également sur fond d’histoire des Trois Royaumes :
il est inspiré d’un poème éponyme de |
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Histoire de la conquête des Mayas
par la flotte Shang |
Cao
Zhi (曹植),
troisième fils de Cao Cao (曹操),
relatant sa rencontre avec la nymphe de la rivière Luo,
fille du mythique empereur Fu Xi qui, selon la légende, se
noya dans cette rivière. C’est un thème, tant poétique que
calligraphique et pictural, qui a offert un vaste champ
d’interprétation à l’imaginaire depuis le 4e
siècle.
Ma Boyong
est membre de l’Association des écrivains de Chine, et depuis
2019 animateur à la télévision par satellite du Shandong d’un
talkshow produit par les départements de la propagande de divers
comités régionaux du Parti.
Principales publications
Nouvelles/Novellas
2005 La Cité du silence 《寂静之城》
2011 Les robots de Mark Twain
《马克吐温机器人》
2016 Le jeu du Premier Empereur
《始皇帝的游戏》
Romans
2006 Elle est morte dans le réseau QQ
《她死在QQ上
》
2006 Le vent se lève sur Longxi
《风起陇西》
2007 Histoire de la conquête des Maya par la
flotte
Shang
《殷商舰队玛雅征服史》
2009 Chronique d’un tumulus de pinceaux
bizhong
suilu
《笔冢随录》
2012 La dernière gloire de l’empire 《帝国最后的荣耀》
2012 Les Mystères des Trois Royaumes
《三国机密》
2012 L’Histoire des rôles secondaires des
Trois
Royaumes
《
三国配角演义》 |
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Au bureau des antiquités |
2016 Les dragons et le métro
《龙与地下铁》
2017
24 heures à Chang’an《长安十二时辰》
2019
Les Ming sous le microscope
《显微镜下的大明》
2020
Quinze jours dans les deux capitales / 15 jours de Nankin à
Pékin
《两京十五日》
Une
curiosité :
2013-2015 : Au bureau des antiquités《古董局中局》
Un roman
encyclopédique en 4 volumes sur les antiquités : histoire de
chaque objet, calligraphies, peintures, bronzes, porcelaines,
etc., comment estimer leur valeur, histoire des faux, des
pièges…
Deux
exemples de fictions « atypiques »
Ces deux
romans ont été publiés en 2017.
1/ Zoo
on the Grassland / Le Zoo dans/de la prairie
《草原动物园》
Résumé
Après la mort de l’impératrice Cixi [en 1908], les
quelque dix mille animaux du jardin impérial à Pékin
devaient être mis aux enchères. La nouvelle,
diffusée par la presse, attira l’intérêt d’un
missionnaire américain qui, se chargeant d’un
éléphant, un lion deux zèbres, cinq babouins, un
perroquet… et un python, partit avec eux à Qifeng,
en Mongolie intérieure [la ville natale de
l’auteur]. Là, l’histoire des animaux et du
missionnaire se complique, avec l’adjonction de deux
personnages dignes de contes fantastiques : une
fille dotée du pouvoir de voler les rêves et un
garçon capable de comprendre les animaux et de leur
parler (ce qui n’est pas rare dans la littérature
chinoise). L’histoire est peut-être un rêve éveillé.
Préambule
题记 |
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Zoo on the Grassland |
一个人的记忆,总是不可避免地虚实参半,其中既有最真实、最清晰的细节,也有完全源于想象、从未存在过的虚构。虚构在真实的土壤里茁壮生长,像胡杨一般伸展枝条,重新扎入土壤。它们互相纠缠、融合,渗入对方的每一寸肌
体。到后来,两者彻底融为一体,往往连讲述者自己都区分不出何为真实,何为虚幻。
[Les
souvenirs sont toujours faux, inévitablement… car l’imagination
brouille les détails réels.]
赤峰是我的故乡,我在这里长大。故乡对我来说,是一
个充满乡愁和魔幻的童话。我记得白云降落在草原上变成羊群,也记得孤狼和黄羊穿行于沙尘暴中的身影。水泥高楼之间,总隐藏着那么几处浅蓝色的敖包,如果你试图接近,它们就会倏然裂开,从里面飞出一只有着宽大翅膀的雄鹰,直上天际。
[Chifeng
est la ville où je suis né et où j’ai grandi ; pour moi, c’est
un conte de fées plein de nostalgie et de magie… je me souviens
que les nuages blancs devenaient des moutons ou des loups… entre
les immeubles de béton il y a toujours caché quelque sac bleu
clair qui, si on essaie de s’approcher, va se déchirer et
laisser s’échapper un aigle immense…
这样的景象,充盈了我整个记忆。我没法告诉你,哪些是我的亲身经历,哪些是童年时代的胡思乱想,又有哪些是
来自于古老时代的风吹入梦境。
我喜欢这样的感觉,穿梭于真实与幻想之间,把泾渭分明的两条河流搅浑在一处。
[J’aime
ce sentiment de toujours être entre la réalité et l’illusion…]
接下来我要讲的这个故事,也拥有同样的质地。我说不清楚,它到底是一段被湮没的真实历史,还是一代代赤峰人在梦中构建出来的回忆虚像。我不是创造者,只是一个忠实的记录员。如果有人问起这故事是真还是假,到底从何而来,我只能说,它和我一样,在赤峰这里出生、成长,然后和这个真实世界慢慢融合。
事就这样成了。
[L’histoire que je vais raconter est ainsi, sans que je puisse
dire si c’est la véritable histoire ou si ce sont des souvenirs
de générations de gens de Chifeng plus ou moins vrais… tout ce
que je peux dire, c’est qu’elle est née ici, à Chifeng.]
Note :
Chifeng a une longue histoire : c’est le site d’une culture du
néolithique, la culture Hongshan, qui a laissé de superbes
vestiges, dont un dragon de jade en forme de C, considéré comme
« le premier dragon de Chine ». La ville a été capitale
politique et culturelle de la dynastie des Liao (10e
– 12e s.) et, sous la dynastie des Qing, sous
administration de la bannière Ju Ud jusqu’à la constitution du
Manchukuo.
C’est une
ville qui prête à rêver….mais il y a effectivement un zoo à
Chifeng, le Qiaobei Zoo.
Le roman
est activement promu par son éditeur, Citic Press.
- Un
extrait a été traduit en allemand et publié dans Leuchtspur
(Pathlight allemand), 2018.
- La
traduction en espagnol - Un zoo en el fin del mundo – doit
paraître en janvier 2022
2/
Chronique du Serpent blanc au temps de la peste 《白蛇疾闻录》
Ma Boyong a également investi la
légende du Serpent blanc
à laquelle il a apporté une nouvelle version …
« atypique ». Il mêle dans son roman l’histoire du
Serpent blanc et de son mari Xu Xian à une
mystérieuse épidémie à Lin’an où se sont réfugiés
les deux époux…
Au début, il part d’un épisode des « Mémoires
historiques » (《史记》)
de Sima Qian (司马迁) :
la « Chronique de Gaozu » (《史记·高祖本纪》).
Gaozu était le titre posthume de Han Gaodi (汉高帝),
c’est-à-dire Liu Bang (刘邦).
Dans cet épisode des « Mémoires historiques », Sima
Qian raconte que Liu Bang, ivre, tua un jour un
serpent qui lui barrait la route. L’épisode est
interprété de diverses manières par les historiens,
mais Ma Boyong le replace dans le contexte de la
légende du Serpent blanc en faisant des deux
morceaux du serpent tué par Liu Bang un serpent mâle
enterré sous Lin’an, |
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Chronique du Serpent blanc
au temps de la peste |
et un
serpent femelle, devenu le Serpent blanc. Dans son roman, il
a donc éliminé le Serpent vert.
Quant à
l’épidémie, elle est en filigrane dans une version de la
légende, celle de Feng Menglong en particulier, puisque c’est
une épidémie qui permet à Xu Xian, apothicaire, de gagner sa vie
à Lin’an, grâce aux potions magiques que l’aide à fabriquer son
épouse. Mais ces développements sont traités dans une approche
manichéenne un peu simpliste.
Le livre
baigne dans une atmosphère de manga, dès la couverture.
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