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Ma Boyong 马伯庸

Présentation

par Brigitte Duzan, 4 novembre 2021, actualisé 5 octobre 2025

 

 

Ma Boyong

 

 

Romancier, blogger et scénariste chinois né fin 1980 à Chifeng (赤峰), au sud-est de la Mongolie intérieure, Ma Boyong a publié une vingtaine de titres depuis 2006 dans les genres populaires de la science-fiction ou fantasy et du roman historique avec souvent des intrigues à suspense. Il est présenté comme un « écrivain atypique » (“非典型作家”), et c’est l’image qu’il cultive.

 

Selon les quelques informations données par Baidu, il a grandi à Guilin, où ses parents ingénieurs travaillaient, puis il est allé à l’école à Shanghai. Après avoir raté un examen de maths (quel qu’il soit), il est parti poursuivre ses études en Nouvelle Zélande puis a travaillé dans une société étrangère. Ses premiers textes, des essais « souvent pleins d’humour », ont été publiés sur internet. Faute de mieux, il est qualifié sur la page baidu qui lui est consacrée d’« écrivain célèbre » (著名作家).

 

Fantasy historique

 

Il a commencé à écrire son premier roman en 2005, une sorte de roman d’espionnage sur fond d’histoire des Trois Royaumes, sa période de prédilection : « Le vent se lève sur Longxi » (《风起陇西》). Ce genre d’intrigue sur fond d’histoire revisitée va rester l’une des caractéristiques de son œuvre, dérivant vers la science-fiction, ou plutôt la fantasy.

 

 

Le vent se lève sur Longxi,

adaptation en série télévisée

 

 

Dans le genre science-fiction, sa nouvelle publiée en mai 2005 dans Le Monde de la science-fiction ( Kehuan shijie 科幻世界) et traduite en anglais par Ken Liu [1], « La Cité du silence » (Jijing zhi cheng 寂静之城), est représentative de cet aspect de son œuvre. L’histoire se passe en 2046 dans la capitale d’un Etat au régime autoritaire où les communications internet sont limitées par des hordes de « grands-mères du net » qui censurent le vocabulaire en le réduisant à une liste de mots jugés « sains » et où seuls les sites approuvés sont accessibles. Comme la capitale en question est victime de fréquentes tempêtes de sable, elle rappelle beaucoup Pékin [2]… mais sa vision dystopique de la réalité ne peut, bien sûr, être limitée à cette ville.

 

L’autre versant de son œuvre est constitué de romans offrant une vision alternative (et « pleine d’humour » pour ne pas dire farfelue) de l’histoire, comme dans « Une histoire de la conquête des Maya par la flotte Shang » (Yinshang jiandui Maya zhengfu shi 《殷商舰队玛雅征服史》) en 2007, « La dernière gloire de l’empire » (Diguo zuihoude rongyao 《帝国最后的荣耀》) en 2012,  ou plus récemment dans « Les Ming sous le microscope » (Xianweijing xia de Da Ming《显微镜下的大明》) en 2019.

 

 

Histoire de la conquête des Mayas

par la flotte Shang

 

 

Nombre de ces œuvres ont été adaptées à la télévision.

 

« Écrivain célèbre »

 

 Ma Boyong  a été lauréat en 2010 du prix Littérature du peuple pour son roman « La Nymphe de la rivière Luo »  (Luoshen fu《洛神赋》), également sur fond d’histoire des Trois Royaumes : il est inspiré d’un poème éponyme de Cao Zhi (曹植), troisième fils de Cao Cao (曹操), relatant sa rencontre avec la nymphe de la rivière Luo, fille du mythique empereur Fu Xi qui, selon la légende, se noya dans cette rivière. C’est un thème, tant poétique que calligraphique et pictural, qui a offert un vaste champ d’interprétation à l’imaginaire depuis le 4e siècle. 

 

 

 

 

Ma Boyong est membre de l’Association des écrivains de Chine, et depuis 2019 animateur à la télévision par satellite du Shandong d’un talkshow produit par les départements de la propagande de divers comités régionaux du Parti.

 


 

Principales publications

 

Nouvelles/Novellas

 

2005 La Cité du silence 寂静之城

2011 Les robots de Mark Twain 马克吐温机器人

2016 Le jeu du Premier Empereur 始皇帝的游戏

 

Romans

2006      Elle est morte dans le réseau QQ  《她死在QQ

2006      Le vent se lève sur Longxi 风起陇西

2007      Histoire de la conquête des Maya par la flotte Shang 《殷商舰队玛雅征服史》

2009      Chronique d’un tumulus de pinceaux  bizhong suilu 《笔冢随录》

2012       La dernière gloire de l’empire 《帝国最后的荣耀》

2012      Les Mystères des Trois Royaumes 《三国机密》

2012       L’Histoire des rôles secondaires des Trois Royaumes 《 三国配角演义》

 

Au bureau des antiquités

2016      Les dragons et le métro 《龙与地下铁》

2017      24 heures à Chang’an《长安十二时辰》

2019      Les Ming sous le microscope 《显微镜下的大明》

2020      Quinze jours dans les deux capitales / 15 jours de Nankin à Pékin 《两京十五日》

2022      The Litchi Road《长安的荔枝》

 

Une curiosité :

2013-2015 : Au bureau des antiquités古董局中局

Un roman encyclopédique en 4 volumes sur les antiquités : histoire de chaque objet, calligraphies, peintures, bronzes, porcelaines, etc., comment estimer leur valeur, histoire des faux, des pièges…

 


 

Trois exemples de fictions « atypiques »

 

Ce sont deux romans publiés en 2017 et une novella publiée en 2022.

 

1/ Zoo on the Grassland / Le Zoo dans/de la prairie 草原动物园   

 

Résumé 

Après la mort de l’impératrice Cixi [en 1908], les quelque dix mille animaux du jardin impérial à Pékin devaient être mis aux enchères. La nouvelle, diffusée par la presse, attira l’intérêt d’un missionnaire américain qui, se chargeant d’un éléphant, un lion deux zèbres, cinq babouins, un perroquet… et un python, partit avec eux à Qifeng, en Mongolie intérieure [la ville natale de l’auteur]. Là, l’histoire des animaux et du missionnaire se complique, avec l’adjonction de deux personnages dignes de contes fantastiques : une fille dotée du pouvoir de voler les rêves et un garçon capable de comprendre les animaux et de leur parler (ce qui n’est pas rare dans la littérature chinoise). L’histoire est peut-être un rêve éveillé.

 

Préambule

题记

 

Zoo on the Grassland

  一个人的记忆,总是不可避免地虚实参半,其中既有最真实、最清晰的细节,也有完全源于想象、从未存在过的虚构。虚构在真实的土壤里茁壮生长,像胡杨一般伸展枝条,重新扎入土壤。它们互相纠缠、融合,渗入对方的每一寸肌 体。到后来,两者彻底融为一体,往往连讲述者自己都区分不出何为真实,何为虚幻。

[Les souvenirs sont toujours faux, inévitablement… car l’imagination brouille les détails réels.]

  赤峰是我的故乡,我在这里长大。故乡对我来说,是一 个充满乡愁和魔幻的童话。我记得白云降落在草原上变成羊群,也记得孤狼和黄羊穿行于沙尘暴中的身影。水泥高楼之间,总隐藏着那么几处浅蓝色的敖包,如果你试图接近,它们就会倏然裂开,从里面飞出一只有着宽大翅膀的雄鹰,直上天际。

[Chifeng est la ville où je suis né et où j’ai grandi ; pour moi, c’est un conte de fées plein de nostalgie et de magie… je me souviens que les nuages blancs devenaient des moutons ou des loups… entre les immeubles de béton il y a toujours caché quelque sac bleu clair qui, si on essaie de s’approcher, va se déchirer et laisser s’échapper un aigle immense…

  这样的景象,充盈了我整个记忆。我没法告诉你,哪些是我的亲身经历,哪些是童年时代的胡思乱想,又有哪些是 来自于古老时代的风吹入梦境。

  我喜欢这样的感觉,穿梭于真实与幻想之间,把泾渭分明的两条河流搅浑在一处。

 [J’aime ce sentiment de toujours être entre la réalité et l’illusion…]

  接下来我要讲的这个故事,也拥有同样的质地。我说不清楚,它到底是一段被湮没的真实历史,还是一代代赤峰人在梦中构建出来的回忆虚像。我不是创造者,只是一个忠实的记录员。如果有人问起这故事是真还是假,到底从何而来,我只能说,它和我一样,在赤峰这里出生、成长,然后和这个真实世界慢慢融合。

  事就这样成了。

[L’histoire que je vais raconter est ainsi, sans que je puisse dire si c’est la véritable histoire ou si ce sont des souvenirs de générations de gens de Chifeng plus ou moins vrais… tout ce que je peux dire, c’est qu’elle est née ici, à Chifeng.]

 

Note : Chifeng a une longue histoire : c’est le site d’une culture du néolithique, la culture Hongshan, qui a laissé de superbes vestiges, dont un dragon de jade en forme de C, considéré comme « le premier dragon de Chine ». La ville a été capitale politique et culturelle de la dynastie des Liao (10e – 12e s.) et, sous la dynastie des Qing, sous administration de la bannière Ju Ud jusqu’à la constitution du Manchukuo.

C’est une ville qui prête à rêver….mais il y a effectivement un zoo à Chifeng, le Qiaobei Zoo.

 

Le roman est activement promu par son éditeur, Citic Press.

- Un extrait a été traduit en allemand et publié dans Leuchtspur (Pathlight allemand), 2018.

- La traduction en espagnol - Un zoo en el fin del mundo – doit paraître en janvier 2022

 

2/ Chronique du Serpent blanc au temps de la peste 《白蛇疾闻录》

 

Ma Boyong a également investi la légende du Serpent blanc à laquelle il a apporté une nouvelle version … « atypique ». Il mêle dans son roman l’histoire du Serpent blanc et de son mari Xu Xian à une mystérieuse épidémie à Lin’an où se sont réfugiés les deux époux…

 

Au début, il part d’un épisode des « Mémoires historiques » (《史记》) de Sima Qian (司马迁) : la « Chronique de Gaozu » (《史记·高祖本纪》). Gaozu était le titre posthume de Han Gaodi (汉高帝), c’est-à-dire Liu Bang (刘邦). Dans cet épisode des « Mémoires historiques », Sima Qian raconte que Liu Bang, ivre, tua un jour un serpent qui lui barrait la route. L’épisode est interprété de diverses manières par les historiens, mais Ma Boyong le replace dans le contexte de la légende du Serpent blanc en faisant des deux morceaux du serpent tué par Liu Bang un serpent mâle enterré sous Lin’an, et un serpent femelle, devenu le Serpent blanc.

 

Chronique du Serpent blanc

au temps de la peste

Dans son roman, il a donc éliminé le Serpent vert. Quant à l’épidémie, elle est en filigrane dans une version de la légende, celle de Feng Menglong en particulier, puisque c’est une épidémie qui permet à Xu Xian, apothicaire, de gagner sa vie à Lin’an, grâce aux potions magiques que l’aide à fabriquer son épouse. Mais ces développements sont traités dans une approche  manichéenne un peu simpliste.

 

Le livre baigne dans une atmosphère de manga, dès la couverture.

 

3/ The Litchi Road《长安的荔枝》

 

« The Lichi Road » (《长安的荔枝》) est un autre exemple d’histoire alternative : c’est une novella (zhongpian xiaoshuo 中篇小说) initialement publiée en 2021 dans le « numéro de printemps » (“春卷”) de la revue Shouhuo (《收获》) et adaptée au cinéma en 2025 par le réalisateur Da Peng (大鹏).

 

The Litchi Road, 湖南文艺出版社, oct. 2022 https://book.douban.com/subject/36104107/

 

Le titre chinois, repris pour le film, signifie littéralement « Les Litchis de Chang’an » comme indiqué sur la couverture. C’est là, en 755, sous le règne de l’empereur Xuanzong des Tang (唐玄宗), que se passe l’histoire. L’intrigue du récit est bâtie autour de la passion de l’empereur pour sa concubine Yang Guifei (杨贵妃) dont il comble les moindres désirs, et en particulier son amour des litchis, son fruit favori. Or, à l’époque, les meilleurs litchis étaient cultivés à quelque 2 500 km de Chang’an, à Lingnan (岭南), dans le sud : c’étaient ces fruits-là que préférait la concubine. Aussi l’empereur décida-t-il d’en faire venir par la poste impériale, apportés à bride abattus par des cavaliers avant que les fruits ne s’abîment.

 

Cette histoire est évoquée un siècle plus tard dans le premier quatrain d’un triptyque du célèbre poète Du Mu (杜牧) [3] dans lequel il fustige le souverain pour avoir délaissé les affaires de l’Etat en faveur de trivialités de ce genre :

长安回望绣成堆,山顶千门次第开。
一骑红尘妃子笑,无人知是荔枝来。

De Chang’an on aperçoit au loin la splendeur des jardins impériaux,

en haut de la colline s’ouvrent une à une les mille portes du palais.

Un cavalier soulevant la poussière rouge fait sourire la concubine,

nul ne sait qu’elle sourit car arrivent les litchis.

 

En même temps c’est l’époque de la rébellion d’An Lushan qui va forcer l’empereur à fuir la capitale, et entraîner une crise dynastique majeure.

 

C’est donc de cet épisode historique que s’est inspiré Ma Boyong. Il a imaginé un mathématicien raté devenu inspecteur du Bureau des Jardins impériaux, Li Shande (李善德), désigné pour remplir la mission périlleuse de rapporter des litchis à Chang’an pour l’anniversaire de la concubine. Mais Ma Boyong ne s’est pas tant intéressé à la concubine et à sa relation avec l’empereur qu’à l’époque elle-même, à la corruption ambiante, et à la vie du petit peuple. Finalement, Li Shande est dans le sud quand lui parvient la nouvelle de la révolte d’An Lushan et des troubles à Chang’an qui vont l’empêcher de rentrer, ce qui sauve sa peau. Il lui reste à profiter de l’instant, et à savourer les litchis à la place de la concubine.

 

C’est cette philosophie tournée vers le peuple et une écriture très simple qui ont valu sa popularité au récit, classé 3ème dans la liste Littérature de fiction des lecteurs de douban pour l’année 2022[4]. L’histoire a ainsi suscité l’intérêt de Da Peng pour l’adapter au cinéma. Le récit a d’ailleurs également été adapté en une série télévisée diffusée en juin 2025 sur CCTV8 et Tencent video, et en une pièce de théâtre représentée en mai à Shanghai.

 


 

Traductions en anglais

 

- The City of Silence (寂静之城), tr. Ken Liu, en ligne (en deux parties), dans “The World of Science-Fiction”, 2011.

- The Mark Twain Robots (马克吐温机器人), tr. Ken Liu, TRSF - the Best New Science Fiction, 2011.

- The First Emperor's Games (始皇帝的游戏), in Broken Stars, tr. Ken Liu, in Head of Zeus (UK, 2019) / Tor (US, 2019)

- The Great Migration (大冲运), in Sinopticon, A Celebration of Chinese Science-Fiction, tr. and ed. Christine Xueting Ni, Solaris Books, 2021.

 

 


[1] Traducteur et auteur de science-fiction sino-américain, traducteur entre autres de Liu Cixin qu’il a fait découvrir.

[2] Le texte était en ligne sur le blog « The World of SF » mais « n’est plus disponible »….

https://worldsf.wordpress.com/2011/11/29/tuesday-fiction-the-city-of-silence-by-ma-boyong/

[3] Le triptyque intitulé 过华清宫绝句三首

[4] Et il a toujours une cote de 8.5.

 

     

 

 

 

 

     

 

 

 

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