Luo Ying et le devoir de mémoire,
du « Gène du garde rouge » à son
adaptation au théâtre
par Brigitte Duzan, 17 octobre 2022, actualisé 29 avril 2024
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Le gène du garde rouge,
Gallimard 2015 |
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C’est en 1995 que
Luo Ying (骆英)
a publié son recueil de poèmes narratifs intitulé Jùjué
yōuyù (《拒绝忧郁》),
littéralement « adieu tristesse ». Le livre a été traduit en
français et publié en 2015 sous le titre « Le gène du garde
rouge »
,
mais le titre original a été repris pour l’adaptation au théâtre
qui en est « librement inspirée » : « Adieu la mélancolie »
.
Le recueil de poèmes est un témoignage et un cri du cœur, et
l’adaptation théâtrale une réflexion en réaction à sa lecture,
comme autant d’autres cris du cœur, en écho.
I. Le livre de Luo Ying
Jùjué
yōuyù (《拒绝忧郁》)
est à la fois témoignage personnel sur la Révolution culturelle
et confession, dans le genre « Confessions d’un tueur ». Mais ce
témoignage, qui dépasse le genre de l’auto-confession publique
pour devenir réflexion sur les conséquences et les séquelles
d’une période de chaos initié par le pouvoir même, a pour
originalité d’être écrite sous forme de poésie narrative pour
constituer une ébauche d’histoire orale.
Poèmes narratifs pour une
histoire orale
Le texte est une série de
poèmes que l’on peut rapprocher du fù (赋),
forme hybride entre prose et poésie qui s’est développée sous
les Han en empruntant aux deux, ou plutôt du yuèfǔ
(乐府),
genre proche de la ballade, né lui aussi sous les Han ;
reflétant une expression plus spontanée, à l’origine proche de
la chanson populaire, ces poèmes narratifs célèbrent des thèmes
populaires, l’amour, la guerre et les souffrances du peuple
.
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Poèmes choisis de Luo
Ying, Pékin 2013 |
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Si les poèmes de Luo Ying sont écrits pour
être la mémoire de la Révolution culturelle, c’est sous une
forme moderne, dans une langue de tous les jours, celle des gens
ordinaires, passée à l’écrit sans correction pour mieux
préserver leur mémoire. C’est une sorte de ballade populaire des
temps modernes
,
comme dans les sociétés primitives qui utilisaient la poésie
orale comme mode narratif.
Ce qui est conté est ce que
tout le monde a vécu, ce dont, l’ayant vécu, chacun garde le
souvenir en lui. Dans son manuscrit original, l’auteur avait
même conservé les vrais noms, dans un souci d’authenticité, pour
que le témoignage ait d’autant plus de valeur et de poids. Même
sans cela, cependant, il reste unique dans sa volonté de ne rien
cacher, de restituer la réalité des événements dans toute leur
cruauté et leur absurdité, pour que cela serve au travail de
deuil et de mémoire, et pour éviter que cela se reproduise.
Ce que Luo Ying explore, c’est
la question de l’oubli, sa signification et ses conséquences.
Nous voyons renaître l’histoire à travers sa mémoire de témoin.
Chaque poème est une biographie miniature d’une personne
ordinaire : ses parents, ses frères et sa sœur, ses proches,
puis toute la ville de Yinchuan. C’est en fait l’ensemble du
petit peuple qui a été victime de la folie générée par la
machine du pouvoir. La 3e session plénière du 11e
Comité central du Parti (18-22 décembre 1978) a bien passé une
résolution mettant fin aux pratiques de la Révolution
culturelle, puis, en 1981, une déclaration du Parti a reconnu
que Mao avait commis 30 % d’erreurs, mais il n’y a pas eu de
débat, cela reste abstrait. Ce qui a été ainsi évité, c’est une
narration concrète sur laquelle fonder la mémoire. Mais celle-ci
étant refusée, entraînant une amnésie collective, rien n’empêche
une catastrophe similaire de se reproduire.
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Mémoires de la
Révolution culturelle, édition taïwanaise |
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Telle est donc l’intention originale de Luo Ying : lutter contre
l’oubli ou le déni de mémoire qui entraîne l’impossibilité de
réfléchir rationnellement sur le présent et l’avenir ; purger le
passé des démons qui hantent le narrateur et toute sa
génération, les autres ayant été condamnés à l’amnésie
collective pour mieux se consacrer au grand projet national : la
course à l’argent, à la prospérité et de là à la puissance.
Une histoire qui n’est
pas finie
Suite de courts tableaux, la
narration est centrée sur les événements intervenus pendant la
Révolution culturelle, mais Luo Ying fait précéder et suivre
cette partie centrale d’un avant et d’un après : un préambule
pour mieux comprendre et un épilogue pour mettre en garde.
1) Préambule : les causes
Tout commence par un prélude (引子)
qui est un cauchemar : c’est la nuit des morts vivants, un
carnaval des esprits errants venus hanter l’auteur/narrateur et
l’empêcher de dormir. Suit une série de cinq tableaux comme un
hommage funèbre aux parents disparus, aux frères et à la sœur.
Luo Ying relate des souvenirs d’enfance éprouvants, à commencer
par l’évocation initiale du père, en cinq parties.
Pour Luo Ying, la Révolution
culturelle a en effet commencé avec le suicide de son père,
avalant des médicaments après avoir été dénoncé comme
contre-révolutionnaire dans le cadre du mouvement de « lutte
contre les deux maux » au Ningxia (宁夏双反运动),
au début des années 1960. Quels deux maux ? « La
clique nationaliste locale » et « les malfaiteurs et autres
maux » (
“反地方民族主义反党集团”和“反坏人坏事”运动).
Son corps a été jeté dans une
fosse et, « faute de sépulture, il est devenu une âme errante »
(父亲死了变成一个游魂因为他并没有坟墓+),
alors :
她在一座座荒坟中走想找到她的男人的尸骨
…
母亲向每一个坟堆鞠躬喊着她的男人的名字……
(《瘸腿的母亲》二)
[la mère]
est allée de tombe en tombe dans le désert chercher les os de
son mari,
…
s’inclinant devant chaque butte en hurlant le nom du disparu.
(La mère boiteuse, 2)
« Depuis lors, parce qu’il est
mort comme un chien, [son fils] vit lui aussi comme un chien » (从此
他像狗死去了我呢像狗一样开始生存).
On a dans ce premier
tableau-poème une image symbolique de la violence aveugle et
froide de la « révolution », de ses origines absurdes et de ses
conséquences : l’apprentissage de la violence comme élément du
quotidien pour la génération des enfants, et comme unique moyen
de survivre dans un monde devenu fou, avec l’impulsion
irrationnelle, automatique, de considérer les autres comme des
« insectes nuisibles » (“害虫”). Luo
Ying livre ici une réflexion à la fois ironique et mordante :
dans l’histoire de la nation chinoise, dit-il, est inscrite
depuis la nuit des temps une logique de haine et de violence qui
s’est ensuite nourrie du concept d’ennemi de classe (“阶级敌人”).
Ces ennemis étant désignés par toutes sortes de noms d’un
bestiaire fantastique, tels que « buffles fantômes et esprits
serpents » (“牛鬼蛇神” ), cela leur
enlevait tout soupçon d’humanité, et on pouvait d’autant mieux
les traiter de manière inhumaine.
Chacun des frères de
l’auteur/narrateur est à son tour victime de la « haine de
classe » comme fils de contre-révolutionnaire. Mais ils se
rangent, adoptent l’idéologie ambiante, chantent les chants
révolutionnaires, même s’ils chantent faux. Ils ont déjà perdu
la capacité d’exprimer des sentiments, et la répression des
sentiments entraîne la violence, comme un engrenage.
Cette première partie se
termine par le portrait du narrateur/auteur, en cinq parties
comme pour faire le pendant de celui du père : « Je m’appelle
Huang Yuping » (《我的名字叫黄玉平》).
Ce sont des souvenirs d’enfance cauchemardesques : la faim, les
coups, le froid, et tout petit déjà le réflexe de la violence
pour se défendre, pour se venger, pour survivre, y compris
contre les loups. Traité comme un cafard, disputant sa
nourriture aux vautours, manquant mourir plusieurs fois, à dix
ans, il est Garde rouge. Et c’est alors que débute la deuxième
partie de ses souvenirs : ceux de la Révolution culturelle,
sanglants et absurdes (“血腥,荒唐”),
sur lesquels il est difficile de revenir (“不堪回首”)
, dit-il. On ne s’en étonne pas : les prémices sont bien
posées.
2) Souvenirs de la
Révolution culturelle
On passe en quelques lignes de
sa condition de gamin houspillé, battu, voleur et voyou, à celui
de petit Garde rouge de Mao (“毛主席的红小兵”),
pour lequel se battre est plus que jamais le mode de survie. Les
méfaits et atrocités gratuits se succèdent de tableau en
tableau, de page en page. Luo Ying commence par dresser le cadre
de ce nouveau mode de vie : « Le Petit Livre rouge », « La danse
de la loyauté », La mangue », « Les plus hautes instructions »,
« Les dazibao »… (“红宝书”、“忠字舞”、“芒果”(革命圣物)、“最高指示”、“大字报”)
Puis il passe aux grandes campagnes auxquelles il a pris part,
évidemment sans rien y comprendre, comme un automate au ressort
bien remonté par les « instructions suprêmes » et toujours un
plaisir malsain : « Le da chuanlian » (“大串联”),
« La lutte contre les propriétaires fonciers » (“斗地主”),
« La destruction des quatre vieilleries » (“破四旧”),
« La déportation des cinq catégories noires » (“迁赶黑五类”).
C’est l’histoire des campagnes de l’époque avec un côté à la
fois cruel et dérisoire comme des batailles d’enfants des rues,
avec des souvenirs marquants et obsédants : le suicide du vieux
directeur d’école ou le passage à tabac du malheureux
propriétaire foncier qui avait survécu à la Réforme agraire ;
comme il reconnaissait toutes les fautes qu’ils voulaient lui
faire reconnaître, les gamins se déchaînèrent :
……有人推到了老地主用脚踢他的头让他在地上翻滚
马小红是个11岁女孩
泼辣无比 用手撕挠老地主的脸
我10岁
双手也卯足劲用铁拳狠击老地主的胃
老地主无声无息后我们列队高唱毛主席语录歌曲回城
第二天我看见老地主儿女们撒着纸钱抬着一口棺材(《斗地主》)
Quelqu’un lui décocha un coup de pied à la tête et
l’envoya rouler par terre
Ma
Xiaohong une petite fille de onze ans incroyablement agressive
lui griffa le visage
Et moi à
dix ans de toute la force de mes poings de fer j’ai frappé le
vieux proprio à
l’estomac
Quand il a
cessé de respirer on est rentrés en file indienne en chantant
les citations du
président Mao
Le
lendemain j’ai vu ses enfants porter son cercueil en lançant en
l’air de la monnaie de
papier.
(La
lutte contre les propriétaires fonciers)
Ces morts décrites au fil des
pages dans des termes analogues, sans le moindre sentiment ni
fioriture, reviennent hanter la mémoire ; personne n’est resté
indemne. Si c’était une révolution, elle tenait de la névrose
collective, une folie telle que même les malades mentaux (comme
Liu le forgeron《刘铁匠》)
étaient exécutés pour espionnage, dans son cas parce qu’on ne
comprenait pas ce qu’il disait et que cela pouvait être du
russe…
Les scènes de mise à mort se
succèdent, dont témoigne le petit Garde rouge, à la fois acteur
et témoin en marge de l’histoire. On pourrait multiplier les
exemples, mieux vaut lire le livre. Il en ressort un constat
tragique : la Révolution culturelle n’était pas un mouvement de
masse (“运动群众”),
les prétendues « masses populaires » (“人民群众”)
recouvrent un identité collective où les individus avaient perdu
toute liberté. Derrière tout cela était un homme utilisant les
masses pour déchaîner la violence aveugle contre les masses,
c’était une guerre civile érigée en politique pour conserver le
pouvoir. Témoin le poème de la « Bataille du Pont du Pouvoir » (《掌政桥之战》)
qui dépeint la lutte à mort entre deux factions de Gardes
rouges : un combat qui s’est réellement passé à Yinchuan en août
1967.
En dernier ressort, selon ces
« Mémoires », la Révolution culturelle était un mode primitif de
vengeance légitimé, avec une surenchère constante entre groupes
rivaux, la satisfaction de désirs irrationnels de destruction et
de persécution – désirs toujours latents, donc danger toujours
présent.
On peut avoir lu bien des
récits d’atrocités commises pendant ces dix ans de chaos
meurtrier, on pourrait même en dresser des pages de
bibliographie, les scènes de tueries aveugles décrites par Luo
Ying sont d’une telle violence qu’elles en sont obsédantes.
C’est de la narration coup-de-poing, digne d’un Garde rouge, un
Garde rouge conscient et non repenti sinon sans regret, mais
hanté par le passé.
3) Épilogue : une génération
perdue, mais toujours garde rouge
Dans la troisième partie, Luo
Ying dresse une sorte de mémorial en vingt-deux tableaux
des disparus de sa génération qu’il a vu tomber victimes de la
violence ambiante, cette génération que l’on dit perdue. Mais il
poursuit sa réflexion au présent dans la quatrième et dernière
partie, où le texte prend une signification explosive inédite :
les germes de haine et de violence n’ont pas disparu, le gène du
garde rouge (“红卫兵基因”)
est toujours là, dans les esprits de cette génération.
C’est ce gène qui lui a permis
de survivre aux lendemains de la Révolution culturelle, dans le
contexte de « l’ouverture », en répondant au diktat de
l’enrichissement comme il avait suivi les « directives
suprêmes » auparavant. Et de raconter crûment comment grâce à ce
gène il a liquidé ses ennemis pour fonder une entreprise
florissante et fait fortune. Il est maintenant à la tête d’un
empire immobilier.
Ce gène perpétue la culture de
violence et l’esprit de voyous sans scrupules. Les chefs de
services sont des voleurs, les directeurs s’éliminent entre eux,
tout le monde est corrompu. Luo Ying ne le dit pas expressément,
mais on pense en refermant le livre que les dirigeants au
pouvoir aujourd’hui sont eux aussi d’anciens gardes rouges, y
compris les diplomates dont le vocabulaire même trahit le
passé ; ils se disent des loups, mais sont simplement les
héritiers d’une politique de violence érigée en institution
aveugle, dirigée contre « les masses populaires » pour préserver
un pouvoir qui ne peut se maintenir qu’ainsi. Ces « Mémoires »
sont un terrible réquisitoire.
À lire en
complément
Les réactions
à la lecture du « Gène du garde rouge » lors de la session du
Club de lecture de littérature chinoise qui était consacrée à ce
livre et à « Lapins, lapins », le 24 avril 2024 :
http://www.chinese-shortstories.com/Clubs_de_lecture_CLLC_2023_24_Luo_Ying.htm
II. L’adaptation au
théâtre : Adieu la mélancolie
Le livre a été adapté au
théâtre en France, sous un titre repris du texte original de Luo
Ying, mais légèrement modifié : « Adieu la mélancolie » (《永别了忧郁》).
Le spectacle, monté par
Roland Auzet,
dans une adaptation de
Pascale Ferran,
est une coproduction du Théâtre de Saint-Nazaire où la troupe
constituée pour l’occasion a été en résidence pendant l’été
2022. Il est parti en tournée le 23 septembre, passant par le
théâtre des Quartiers d’Ivry du 30 septembre au 8 octobre, avant
de repartir en province du 19 octobre au 8 décembre.
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Adieu la mélancolie
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C’est une très libre
adaptation, qui est plus une réflexion multifocale sur le texte
des poèmes, ou même une réaction à la lecture de ce texte,
qu’une adaptation à proprement parler.
Écriture de plateau et
création collective
Le spectacle débute par une
vidéo transmettant dans la salle la discussion qui se passe à
l’extérieur : une discussion animée entre le metteur en scène et
les acteurs sur leur réaction au texte, justement, disant en
quoi ils se sentent concernés par ces « souvenirs de la
Révolution culturelle ». Metteur en scène de fiction interprété
par un acteur comme le sera Luo Ying à la fin, mais acteurs
vrais réagissant « pour de vrai » comme disent les enfants.
Les acteurs et actrices sont chinois.e.s ou
d’origine chinoise
,
l’amnésie collective de cette période sanglante de « leur »
histoire les touche particulièrement, comme une sorte de
responsabilité collective à assumer, ou ne pas assumer, en en
débrouillant les causes et les conséquences ; même le metteur en
scène, français, le vrai ou le faux, on ne sait plus, a une
histoire personnelle qui lui donne des raisons de se sentir
concerné : son père était maoïste, explique-t-il… L’adaptation
ajoute donc à la dénonciation des excès commis en Chine une
attaque contre la responsabilité de tous ceux, en Occident, qui
ont été aveuglément maoïstes et ne s’en sont jamais réellement
repentis
.
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Adieu la mélancolie,
acteurs sur fond d’images de la Révolution
culturelle |
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Le spectacle est donc conçu comme une
création collective
,
où chaque interprète apporte sa vision personnelle, ses
angoisses, son indignation, sa fureur, les cris de colère voire
de désespoir étant ponctués par des apparitions d’un spectre
exalté, drapeau rouge au poing, émanant du passé, en la personne
du jeune Gaping, prénom de Luo Ying dans sa jeunesse. À la
violence du discours s’ajoutent celle de l’image et du son : le
spectacle est immergé dans des éclats de vidéos projetées sur
les côtés de la scène et les cintres, plongeant la scène dans
des images de la Révolution culturelle où domine le rouge, et il
est par ailleurs scandé par une musique tout aussi violente aux
percussions et par la voix formidable de la chanteuse
Kim-Thuy Nguyen Clair.
Le texte est calqué sur les
poèmes de Luo Ying, mais viennent s’y ajouter des portraits
personnels émanant de chaque interprète, comme des appendices à
la longue liste des victimes de l’hécatombe. Le personnage de
Sydney Rittenberg,
interprété par le grand acteur
Yann Colette,
est un autre ajout, mais qui peine à s’intégrer dans l’ensemble.
On atteint ici les limites du genre.
Sur tout le spectacle plane le
fantôme de Luo Ying. Il ne prend forme qu’à la fin, dans une
autre vidéo qui fait le pendant de celle du début, sous les
traits d’un acteur qui lui ressemble :
Yves Yan
.
Il nous assène alors les dernières paroles de Luo Ying nous
mettant en garde contre la résurgence toujours possible de la
catastrophe de la Révolution culturelle tant qu’on n’en aura pas
purgé la mémoire en éliminant l’esprit qui en survit, et dont il
est un vivant témoin.
Une initiative de Luo
Ying
L’idée du spectacle est née d’une rencontre à
Shanghai (avant le confinement) entre Roland Auzet et Luo Ying,
alors qu’Auzet était à Shanghai pour donner des cours d’art
dramatique. L’initiative vient de Luo Ying. Il semble assumer
ainsi sa responsabilité dans le travail de mémoire qu’il paraît
bien seul à pouvoir ou vouloir mener aujourd’hui.
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Luo Ying, interprété par
Yves Yan |
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Le scénario initial développé
par Auzet avec Pascale Ferran a été traduit en chinois et la
traduction validée par Luo Ying. La pièce a ensuite évolué au
gré des répétitions, passant par plusieurs moutures successives
avec diminution progressive de la part consacrée au texte final
de Luo Ying et ajout, entre autres, des bios personnelles des
interprètes.
Luo Ying a assisté aux
représentations jusqu’au 6 octobre, mais sans chercher à influer
sur la mise en scène. Il n’a donné que quelques indications à
Yves Yan, sur son regard : il devait fixer l’auditoire sans
fléchir, « comme un tueur », car c’est ainsi qu’est son propre
regard, ce qui lui a permis de réussir dans la vie, a-t-il
expliqué.
Après la dernière
représentation en province, le 8 décembre, le spectacle va
partir en tournée mondiale.
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