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Liang Hong
梁鸿
Présentation
par Brigitte Duzan, 22 février 2020, actualisé 29
octobre 2024
Liang Hong est née en 1973 à Liangzhuang (梁庄)
,
dans le sud-ouest du Henan, un bourg pauvre perdu
dans la Plaine centrale, où vit encore sa famille.
Cette région était traditionnellement terre de
migration et grenier à céréales, essentiellement
agricole, donc considérée comme sous-développée et
arriérée dans la Chine de l’ouverture et des
réformes. Liang Hong en a fait son sujet de
recherche. C’est aussi le cadre et l’inspiration
principale de ses récits : |
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Liang Hong (photo Caixin) |
Liang Hong
est l’une des rares écrivaines chinoises contemporaines dont
l’œuvre est d’inspiration essentiellement rurale.
Etudes
et recherches
Elle était le
cinquième enfant de sa famille. Grâce à son père, ses sœurs et
elles ont pu poursuivre des études. Sa sœur aînée est la
première à être allée travailler en ville. Elle écrivait à ses
sœurs : étudiez bien, c’est le seul moyen de vous en sortir.
Au collège,
Liang Hong a écrit dans son journal de bord : « Je veux être
écrivaine. » C’est pourquoi elle a choisi d’étudier la
littérature chinoise, d’abord à l’Ecole normale du district de
Deng (邓县师范学校),
près de Liangzhuang. Après quoi elle a été quelque temps
institutrice à l’école primaire de cette petite ville. Puis, en
1997, à l’âge de vingt ans, elle est entrée à l’université de
Zhengzhou (郑州大学),
la capitale provinciale. En 2000, elle est partie à Pékin
préparer un doctorat en littérature chinoise contemporaine, et
de là, en 2003, elle est passée à l’Université du Peuple (Renmin
daxue
人民大学)
pour un cursus postdoctoral. Enfin, de juillet à novembre 2013,
elle a été en résidence à l’université Duke, aux Etats-Unis.
Elle a écrit
de nombreux articles sur la littérature contemporaine chinoise
publiés dans différentes revues. Mais elle se sentait de plus en
plus éloignée de son village natal, auquel elle restait
profondément attachée, et attristée de voir le monde rural être
considéré en Chine comme un fardeau. Elle a décidé de témoigner
– témoigner des souffrances causées par une politique de
développement qui a assigné aux villageois un statut de
marginaux exilés dans les franges urbaines et qui a détruit
l’environnement naturel : s’il y a aujourd’hui des routes
partout, les rivières sont asséchées, et les autoroutes ont
coupé les liens entre des villages autrefois voisins. Elle est
revenue enquêter.
Enquêtes
à Liangzhuang
Ceux qui
sont restés
La Chine à Liangzhuang |
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En
2008, pendant les vacances de la fête du Printemps,
elle est revenue à Liangzhuang avec son fils, a
interrogé son père et quelques anciens, puis,
pendant cinq mois, a mené une véritable enquête sur
la vie locale, les relations entre les familles et
le sort des jeunes partis en ville. Le résultat de
cette enquête entre sociologie et anthropologie est
publié en novembre 2010 sous le titre « La Chine
à Liangzhuang » (《中国在梁庄》).
Elle dresse le constat que l’on connaît, mais avec
l’authenticité du témoignage de l’intérieur, relaté
en profondeur avec le regard distancié de
l’universitaire revenue sur les lieux qui furent
chez elle mais où elle ne se reconnaît plus : le
monde ancien s'effondre car les mentalités ont
changé, les jeunes sont partis travailler en ville
en laissant leurs enfants aux grands-parents, ces
enfants n’ont aucun goût pour l’étude, d’ailleurs
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beaucoup
d’écoles ont fermé, les familles ont perdu le sens de la
solidarité d’antan, la justice est corrompue…
Tout cela, on
l’a déjà lu et entendu, mais Liang Hong ajoute la voix de
témoins individuels qui dépasse le cliché des « failles de la
modernité » et fait de sa narration un texte littéraire empreint
de chaleur, au-delà des faits impassibles de l’histoire et d’une
actualité qui semble sans appel. Liang Hong refuse tout discours
établi, et présente son enquête non comme un travail de terrain
en milieu rural, mais comme un retour au contact de sa terre, sa
famille et ses proches qui y vivent encore, sans vouloir juger
ni tirer de conclusion.
Le livre est
paru en Chine, il n’est pourtant pas tendre envers le pouvoir ;
Liang Hong a même recueilli des témoignages terribles sur la
Grande Famine. Mais, dans le dernier tiers du livre, elle donne
la parole aussi aux autorités locales, qui se montrent
totalement désemparées devant les problèmes qu’elles ont à
affronter, et n’ont pas les moyens de résoudre.
Et ceux qui
sont partis
Pour compléter son tableau de Liangzhuang, elle a
ensuite enquêté sur ceux qui en sont partis, pour
savoir où ils sont allés, et ce qu’ils sont devenus.
Cela a donné « Partis de Liangzhuang » (《出梁庄记》)
publié en avril 2013, où elle dresse un portrait
d’une cinquantaine de personnes parties travailler
en ville depuis plus de vingt ans pour les plus
anciens. Les questions sont celles que l’on aimerait
leur poser : dans quelle ville travaillent-ils ?
quel travail ont-ils trouvé ? quelles relations
ont-ils avec la ville ? avec le village ?
aimeraient-ils y revenir vivre ? Au total, les
travailleurs migrants de Liangzhuang sont
représentatifs des 250 millions de paysans migrants
que compte la Chine aujourd’hui, et sur lesquels on
a surtout des statistiques, mais très peu de
témoignages personnels.
Dix ans plus tard
Elle a complété sa trilogie avec un dernier volet
initialement publié dans la revue « Octobre » (《十月》杂志)
en janvier 2021 : « Liangzhuang dix ans après »
(《梁庄十年》).
C’était dix ans après la sortie du premier volet. Le
bourg s’est enrichi de maisons à plusieurs étages,
mais les six étangs ont disparu. Dans l’intervalle,
sa relation au bourg a changé : d’étranger, il est
devenu étranger familier : elle s’est intégrée, et
la vie qu’elle décrit est plus de l’ordre du
quotidien, un quotidien apaisé. En même temps, elle
a affiné son écriture, en intégrant des réflexions
des personnages sur les changements perçus par
rapport aux deux précédents volets, et des notes
amenant des digressions, le tout avec un certain
sens de l’histoire, de la marche de l’histoire
incarnée dans le bourg, dans ses maisons et ses
habitants.
Essais complémentaires
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Partis de Liangzhuang
Octobre |
Ces deux
ouvrages ont remporté de nombreux prix. Deux ans plus tard,
Liang Hong est revenue avec un recueil d’essais, publié en
février 2015, où elle offre une réflexion personnelle née de
ses travaux précédents sur Liangzhuang et la ville : « L’histoire
et moi » (《历史与我的瞬间》).
La réflexion est structurée autour de l’idée d’existences
partagées entre départs et retours, et du rôle de la
littérature dans ce processus historique. Le livre est en
trois parties : « Revenir et partir » (“归来与离去”),
« La littérature dans la liberté sur l’arbre » (“文学在树上的自由”)
et « Les vicissitudes que nous avons vécues » (“我们曾历经的沧桑”).
Autres
récits
A
partir de 2015, Liang Hong a aussi écrit des
nouvelles dont elle a publié un recueil, puis un
roman.
La
Sainte Famille
En décembre 2015, elle publie un recueil de douze
récits de destins singuliers, mais entrecroisés, des
personnages autour du village de Wuzhen (吴镇),
formant « La Sainte Famille » (《神圣家族》).
C’est toujours l’histoire symbolique des mutations
accélérées de l’environnement rural et urbain dans
la Chine contemporaine ; les histoires de Liang
Hong, liées entre elles, dessinent des motifs de
vie, comme des paysages humains, la logique du
développement se révélant un réseau illusoire de
paradoxes et de contradictions.
Liang Guangzheng |
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La Sainte Famille |
En
octobre 2017, elle publie son premier roman, aux
éditions Littérature du peuple : « La
lumière irradiée par Liang Guangzheng »
(《梁光正的光》),
toujours dans le même cadre de Liangzhuang. Liang
Guangzheng est un personnage tout aussi emblématique
que les précédents, mais plus personnel : derrière
lui se profile l’image de son propre père, mort peu
de temps auparavant, qui l’avait accompagnée et
aidée dans ses enquêtes mais qu’elle connaissait
toujours mal.
L’histoire de Liang Guangzheng est contée en
flashback par ses enfants qui la découvrent alors
qu’il est très âgé : la vie typiquement tumultueuse,
dans une période de famine et de troubles, d’un
brave homme dont la femme est paralysée, et qui se
bat pour nourrir sa maisonnée, quatre enfants et
deux maîtresses… C’est une histoire à la Sisyphe où
chaque victoire se paie d’une défaite, mais sans
abattre Liang Guangzheng, paysan mais surtout
combattant, dont la fureur de vivre emporte tout. |
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La lumière irradiant de Liang
Guangzheng |
Liang Hong se
souvenait de la chemise blanche que portait son père, une
chemise impeccable même aux pires moments, quand ils souffraient
de la faim. Cette chemise blanche, c’est la « lumière irradiant
de Liang Guangzheng ». En même temps, son roman est le portrait
de relations familiales tendues, entre amour et haine. Dans son
premier livre, « La Chine à Liangzhuang », elle fait remonter
l’origine de ces problèmes à la répression des sentiments dans
la cuture traditionnelle chinoise. Tout le monde vit dans la
solitude et le silence, et pour compenser se sacrifie.
Liang Hong et son père (photo weibo) |
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La
question à laquelle elle tente de répondre est
toujours la même, celle que beaucoup se posent :
pourquoi est-il toujours si difficile de vivre pour
les Chinois, pourquoi ont-ils toujours des vies si
dures ? Un ami a appelé son style le « réalisme de
la terreur » (“恐怖现实主义”).
En fait, dit-elle dans une interview au journal
Caixin à la suite de la publication du roman
,
je n’en ai pas fini de parler de Liangzhuang. |
Mais son
prochain livre, à nouveau non fictionnel, sera une étude du
métro, à Pékin, et des migrants, de Liangzhuang et d’ailleurs,
qui le prennent chaque jour…
Principales
publications
Non fiction
2010 La Chine
à Liangzhuang
《中国在梁庄》
2013 Partis de
Liangzhuang
《出梁庄记》
2015
L’histoire et moi
《历史与我的瞬间》
2021
Liangzhuang dix ans après
《梁庄十年》
Fiction
2015 La Sainte
Famille
《神圣家族》
2017 La
lumière irradiée par Liang Guangzheng
《梁光正的光》
Traduction
en français
Si la Chine
était un village, tr.
Patricia Batto, Philippe Picquier 2017, Picquier poche septembre
2019, 469 p.
(traduction de
« La Chine à Liangzhuang »)
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