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Li Hongwei 李宏伟

Présentation

par Brigitte Duzan, 27 mars 2021

 

Poète et romancier né en 1978 non loin de Chengdu, dans le Sichuan, Li Hongwei (李宏伟) est docteur en philosophie de l’Université du peuple (Renmin daxue 人民大学) et s’affirme de plus en plus comme un auteur en vue de romans et nouvelles d’anticipation.

 

Identités multiples

 

Né dans le village de Zhi’an, dans la municipalité de Jiangyou (江油市治安村), à quelque 160 kilomètres au nord de Chengdu, il n’avait pourtant pas envisagé au départ de continuer ses études au-delà du secondaire. Mais il a réussi le concours d’entrée à une université locale, il a donc continué, réussissant à être admis à dix-neuf ans à Renmin daxue. Bien que vivant depuis plus de dix ans à Pékin, il garde de très fortes attaches affectives avec son Sichuan natal. C’est à Chengdu qu’il a, en septembre 2020, reçu le prix littéraire décerné à sa nouvelle

 

Li Hongwei

« La Baleine des sables » (《沙鲸》), et il a réitéré à cette occasion son attachement à ses racines sichuanaises.

 

Philosophe, éditeur [1], et à ses heures de loisirs poète, romancier, voire traducteur, il joue de ses multiples identités qui se reflètent dans la diversité de ses écrits et la qualité de son style ; c’est aussi l’un de ses axes majeurs de réflexion :

 

不同的身份意味着我们拿出自己的某一部分来应对世界,与此同时,这种应对也让我们对自己的那一部分有所观照、发展。一个人在应用不同身份时,如何展现与收放他的秉性、禀赋,在不同场合中,他怎么缓解那种身份带来的压力,这种压力将他挤压到何种程度,这些是我更感兴趣的,李宏伟说,观察与反观确实丰富了写作。至少,它让我明白自己的写作也可以从内里构成多重身份。

« Avoir différentes identités signifie que l’on choisit d’en utiliser une dans nos rapports avec le monde extérieur. Mais en même temps, cette réaction nous amène à observer et développer cette identité spécifique. Comment chaque individu peut développer ses talents et ses dons naturels sous des identités diverses, comment, dans différentes situations, il peut alléger les tensions causées par ces identités multiples, et dans quelle mesure ces tensions peuvent l’écraser, voilà ce qui m’intéresse le plus. [Selon lui, l’observation et l’analyse introspective enrichissent l’écriture.] Tout au moins cela m’a-t-il permis de comprendre que mes écrits peuvent eux aussi former de l’intérieur des identités différentes. »

 

Il est passé d’un hybride de narration-poésie à des romans d’anticipation à coloration philosophique. Le lecteur peut choisir « l’identité » qui lui convient, entre ses poèmes, ses nouvelles et ses romans.

 

Expérience sombre comme la matière noire

 

Depuis 2014, Li Hongwei est régulièrement lauréat de prix littéraires. En 2017, son roman « Le roi et la poésie lyrique » (《国王与抒情诗》) a figuré parmi les dix meilleurs romans chinois sélectionnés pour l’année par la revue Asia Weekly (《亚洲周刊》). C’est son œuvre représentative dans le genre du roman d’anticipation, suivie en 2018 par les trois nouvelles moyennes du recueil « Sombre expérience » (《暗经验》). 

 

Le roi et la poésie lyrique, 2017

 

Sombre expérience

 

La première nouvelle du recueil reflète sa manière de penser et son imagination de philosophe. Le personnage principal, Zhang Li (张力), après avoir étudié pendant cinq ans et réussi l’examen, est entré dans le « bureau de l’expérience sombre » d’une maison d’édition. Sa responsabilité éditoriale est de corriger la création littéraire qui lui parvient en fonction du critère d’« expérience sombre ». Li Hongwei explique dans la nouvelle que l’expérience est à la littérature ce que la matière est à l’univers, soit la totalité de ce qui la constitue, et l’expérience sombre en est la composante la plus importante, comme la matière noire (ou matière sombre) dans l’univers.

 

Il rejoint là l’idée soulignée par Milan Kundera dans « L’art du roman » où Kundera présente sa conception de l’écriture tirée de son expérience personnelle, non comme théorie mais comme pratique. Dans le roman de Li Hongwei, Zhang Li finit par être déçu par son travail tant les romans qu’il a à corriger sont peu créatifs, rejoignant le constat de Kundera que, dans une société « idéologiquement homogène », comme l’URSS dit-il, mais donc aussi la Chine, la créativité romanesque ne peut être que médiocre car la forme littéraire s’y reproduit sans nouvelles idées. Or le roman est nécessaire car il apporte un savoir qu’il est le seul à pouvoir faire découvrir, en termes de pensée et de création. Finalement, au fur et à mesure que Zhang Li progresse dans sa carrière, son corps devient de plus en plus blanc, jusqu’à devenir totalement transparent, métaphore de la pureté littéraire recherchée jusqu’à l’excès.

 

Réunion en un temps fictif, 2015

 

Une brève histoire de l’homme en gris, 2020

 

Li Hongwei est-il un auteur de science-fiction ? On peut l’appeler ainsi, ça ne le gêne pas, dit-il, mais il préfère être appelé « écrivain réaliste » (现实作家) ; la réalité est ce qu’il recherche, depuis son premier roman, « Eclipse simultanée » (《平行蚀》). Son objectif est de mettre le lecteur en position d’observateur en marge, pour mieux observer la vie sous ses aspects absurdes, pas toujours conscients[2].

 

Il ne cherche pas, dit-il, à transformer l’art narratif en réflexion philosophique. Mais il affirme être persuadé qu’un jour l’intelligence artificielle remplacera l’intelligence humaine. On le voit bien dans son œuvre, tout particulièrement dans « Le roi et la poésie lyrique ». Son « réalisme » reflète cette conviction et cela le tempère quelque peu, pour en faire plutôt une spéculation métaphysique traduite en termes de science-fiction.

 

Le monde des sables 

 

En avril 2019, sa nouvelle moyenne « Consultant en réalité » (《现实顾问》) est couronnée du prix de la revue Octobre (十月文学奖). À la fin de l’année, sa nouvelle courte « La Baleine des sables » (《沙鲸》) arrive en quatrième position dans la liste annuelle dressée par la revue Shouhuo (收获文学排行榜). En septembre 2020, cette nouvelle a été l’une de celles sélectionnées pour le prix de la meilleure nouvelle des jeunes écrivains de langue chinoise lors de la 5ème édition de ce prix.

 

Remise du prix décerné à « La Baleine des sables »

 

Avec cette nouvelle, Li Hongwei réaffirme sa position d’auteur « réaliste » au sens où l’écrivain, selon lui, rend compte de la réalité dans laquelle il vit. Dans « La Baleine des sables », Li Hongwei part des relations tendues entre un père et son fils en tissant une double narration où l’argument philosophique est inséré dans le thème des relations familiales, les deux thèmes étant le miroir l’un de l’autre : on a d’une part l’histoire conflictuelle du rédacteur Yang Yi (杨溢) et de son père, et, croisant cette première ligne narrative, celle du maître « créateur » Sangduo (塑造师桑铎) qui, après trente-cinq années passées dans le monde des sables, finit par en comprendre l’essence [3].

 

La nouvelle fait 15 000 caractères ; c’est le meilleur condensé de l’écriture de Li Hongwei à ce jour, à aimer ou non.

 


 

Principales publications

 

Recueil de poésies

Dix façons d’imaginer une vie possible《有关可能生活的十种想象》

 

Nouvelles

 

2015 : Réunion en un temps fictif 《假时间聚会》, recueil de cinq nouvelles moyennes :

Réunion en un temps fictif 《假时间聚会》/Le supermarché de La Havane《哈瓦那超级市场》/ L’amour de Bingdi 《并蒂爱情》/ Un bazar de moine《僧侣集市》/

Une pluie visqueuse tombée de la lune《来自月球的黏稠雨液》

Et une postface : « Je suis écrivain, pas facteur » (《我是作家,不是邮递员》) [4].

 

2018 : Sombre expérience《暗经验》, recueil de trois « fables » modernes :

Sombre expérience《暗经验》/ Mais le lecteur ne connaît pas la fin 《而阅读者不知所终》 /

Consultant en réalité《现实顾问》

 

2019 : La Baleine des sables 《沙鲸》, nouvelle courte.

 

Romans

 

2014 : Éclipse simultanée 《平行蚀》

2017 : Le Roi et la poésie lyrique 《国王与抒情诗》

2020 (juillet) : Une brève histoire de l’homme en gris《灰衣简史》

 

Traductions

Œuvres de James Joyce :

2011 (mars) : Lettres d’Ulysse (《尤利西斯自述》)

2011 (mai) : Lettre à Nora [5] 《致诺拉》

 


 

Traduction en français

 

Pékin 2050 (《国王与抒情诗》), trad. Pierre-Mong Lim, éditions Picquier, avril 2021.

 


 

Traductions en anglais

 

Des poésies dans Pathlight, n°2/2016 

 


 

[1] Il est adjoint de rédaction de la Maison d’édition des écrivains (作家出版社副编审).

[3] Li Hongwei dit avoir été surpris de découvrir un thème narratif semblable dans le film d’animation de 1995 du réalisateur japonais Oshii Mamoru (押井守), « Ghost in the Shell » (攻殻機動隊/《攻壳机动队》), qui se passe en 2029 au Japon : un agent anti-terroriste cyborg est chargé de traquer un pirate informatique connu sous le pseudonyme de « Maître des marionnettes », impliqué dans un mystérieux « projet 2501 ».

[4] Il s’agit d’une citation de Nabokov répondant à quelqu’un qui lui demandait pourquoi ses récits étaient si loin de la réalité et si obscurs. La réalité, selon Li Hongwei, ne peut être utilisée que comme référence. Il est impossible à l’écrivain de la restaurer. Il crée la sienne.

Texte chinois de cette postface : https://www.sohu.com/a/424048197_475768

[5] Nora Barnacle, épouse de Joyce, rencontrée en 1904. Leur première sortie ensemble marque le début de Ulysses : « Bloomsday ». Lettre du 29 août 1904, in : Selected Letters of James Joyce (London: Faber and Faber, 1975. Ce sont ces Selected Letters qui sont traduites dans les “Lettre d’Ulysse”

 

 

     

 

 

 

 

 

     

 

 

 

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