Auteurs de a à z

 
 
 
     

 

 

Huang Yuning 黄昱宁

Présentation

par Brigitte Duzan, 13 octobre 2024

 

 

Huang Yuning (photo Caixin)

 

 

Éditrice, traductrice, critique littéraire et écrivaine, Huang Yuning est aussi active dans le domaine de l’édition [1] et de la traduction que dans celui de l’écriture de fiction. Elle a été la lauréate de la deuxième éditions du prix Blancpain-Imaginist, en 2019, pour son recueil de nouvelles « Eight and A Half » (《八部半》).

 

Traductions

 

Née en 1975 à Shanghai, diplômée en 1997 de l’université des langues étrangères de Shanghai (上海外国语大学), elle est depuis 2006 éditeur en chef de la Maison d’édition de traductions de Shanghai (Shanghai Translation Publishing House上海译文出版社). Elle est aussi directrice de mémoires de master pour des étudiants préparant des masters en édition dans le département de chinois de l’université Fudan à Shanghai.

 

En avril 2021, elle a réussi le tour de force de publier une traduction en chinois du roman du prix Nobel Kazuo Ishiguro « Klara and the Sun » en même temps que le roman était publié dans sa langue originale (l’anglais) en Grande Bretagne, par la maison d’édition britannique Knopf [2]. Il s’agit d’une histoire de science-fiction, racontée du point de vue d’un robot, Klara, créé pour empêcher les ados de se sentir seuls.

 

 

Présentation de la traduction en chinois de Clara and the Sun

Avec de g. à dr. Chen Qiufan (陈楸帆), Xiao Bai (小白),

Zhang Yiwei (张怡微) et Huang Yuning

 

 

Huang Yuning a beaucoup traduit, et pour la plupart des auteurs britanniques et américains de premier plan : le roman Sweet Tooth  (2012) et la novella On Chesil Beach (2007) de Ian McEwen, The Crack-Up, un recueil d’essais et de lettres de F. Scott Fitzgerald  datant de 1945 (2011), Pavilion of Women de Pearl Buck, The Mousetrap d’Agatha Christie, The Turn of the Screw de Henry James, Hillary Mantel de Zadie Smith, etc.

 

En 2011, elle a reçu le « New Translator Award » de l’Association des traducteurs de Shanghai et en 2016 le prix du « Traducteur d’or de l’année » décerné par les médias du Zhejiang lors de la cérémonie de « lecture de printemps ».

 

La traduction, cependant, est aussi une manière de lire, en profondeur, ce qui inspire Huang Yuning dans son écriture puisque, pour elle, écrire part de la lecture ; mais elle cherche sa propre voix « sans vouloir devenir un clone d’Atwood ou de McEwen », dit-elle.

 

Essais et nouvelles

 

Elle a publié plusieurs recueils d’essais qui montrent bien les liens étroits, chez elle, entre lecture et écriture, entre fiction et non-fiction :

2004 : Les dieux deviendraient fous si les femmes se mettaient à penser (《女人一思考,上帝也疯狂》), 

2010 : Le château d’un homme seul (《一个人的城堡》)

2010 : Le chien qui rêvait de Schubert (《梦见舒伯特的狗》), 

2011 : Quand la fiction devient vérité (《假作真时》).

2011 : Lecture yin, écriture yang (《阴性阅读阳性写作》)

 

Elle a donc également publié des récits de fiction, nouvelles courtes et novellas, dans des revues littéraires comme Littérature du peuple et Littérature de Shanghai.

 

Fin octobre 2019, elle a été la lauréate du prix littéraire Blancpain-Imaginist (宝珀理想国文学奖) lors de sa deuxième édition, pour son recueil de nouvelles « Eight and A Half » (《八部半》) publié en août 2018 avec une préface de Li Jingze (李敬泽). Le recueil comprend huit nouvelles courtes et moyennes, et un texte de non-fiction, mais avec un élément fictionnel, autour d’un thème commun : les médias, de toutes sortes - journaux et télévision aussi bien que smartphones ou wechat. Tout en rappelant Fellini, le titre annonce donc les huit nouvelles « et demi » [3].

 

 

Eight and a Half

 

 

Préface : Sancho dans la « métropole enchantée » [4]  桑丘在魔都”(李敬泽).

1/ Transfert d’appel  呼叫转移

2/  À la croisée des chemins 三岔口  (d’après une histoire du Shuihuzhuan [5])

3/  L’eau 

4/  Les plantes ou toi  你或植物

5/  Le bonheur est en vue  幸福触手可及

6/  Mercure est très occupé  水星很忙

7/  Promenade solitaire sur des milliers de kilomètres  千里走单骑

8/  Le patient littéraire   文学病人

9/  Relations d’outre-mer  海外关系

 

Six de ces nouvelles sont des récits réalistes en milieu urbain, deux sont des sortes de fables modernes avec des éléments de science-fiction, mais l’ensemble traite des problèmes de la vie quotidienne. Les récits sont construits autour d’un « medium » particulier, et plus ou moins moderne : SMS et WeChat pour « Transfert d’appel », weibo et WeChat pour « À la croisée des chemins », des poèmes dans « Les plantes ou toi », les groupes WeChat et les cercles d’ « amis » dans « Le bonheur est en vue », les mails et les pages internet dans « Mercure est très occupé », les murs virtuels dans « Promenade solitaire » ou encore les robots dans « Le patient littéraire ». Mais le thème qui parcourt l’ensemble est celui de l’évolution des relations interpersonnelles dans la vie moderne, par une transmission qui, généralisée et modernisée, ne peut malgré tout éviter l’incompréhension et l’isolement dans la ville d’aujourd’hui, point focal de tout le recueil. 

 

Le dernier texte est inspiré de la vie de l’auteure, le retour d’un membre de sa famille de l’étranger, mais il s’appuie en même temps sur des documents historiques ; en faisant de son histoire familiale une fiction, l’auteure ouvre son récit – tout en concluant son recueil - en en faisant une sorte d’histoire emblématique de Shanghai, voire de la Chine.

 

Les subtilités de l’art narratif de Huang Yuning, perfectionné au fil de ses nombreuses traductions, apparaissent dans la diversité des modes narratifs - narration à la première personne, récit en flux de conscience, insertion de scènes de science-fiction au sein d’un récit par ailleurs réaliste [6] – ainsi que dans le rythme, le sens de l’image et de la structure dramatique.

 

Elle a poursuivi dans la même voie avec son recueil de sept nouvelles publié en août 2023 : « Des vies respectables » (《体面人生》). Sept nouvelles mêlant réalité et science-fiction comme autant de moments dramatiques dans une existence, quand tout semble voler en éclats, au risque de vous faire perdre « la face » (体面) et surtout le sens de la réalité, la face des choses.

 

 

Des vies respectables

 

 

 


[1] Elle a été la lauréate du Shanghai Publishing Newcomer Award en 2008, et a été sacrée Most Creative Editor à la Foire du livre de Shanghai en 2010.

[2] Premier exemple de publication simultanée de l’original et de la traduction en chinois :

http://global.chinadaily.com.cn/a/202104/23/WS60820c7ea31024ad0bab9bce.html

[3] Le recueil comporte également, à la fin, une postface intitulée « En coulisse » (幕后花絮) : des commentaires sur quatre des nouvelles (等故事掉落,或飞驰而过——谈《呼叫转移》/ 笼子里的困兽——谈《三岔口》/ 藏在石块下的动物——谈《幸福触手可及》/谁决定了故事的生与死——谈《文学病人》) suivis d’un commentaire critique final (跋语) qui ajoutent une couleur très littéraire au recueil.

[4] Modu (魔都), la capitale magique, démoniaque ou enchantée, est un surnom de Shanghai.

[5] Le grand classique « Au bord de l’eau ».

[6] Procédé qui rappelle certains récits de Xia Jia (夏笳), comme la novella « Ton temps hors d’atteinte » (《你无法抵达的时间》), comme si on ne pouvait aujourd’hui faire l’impasse de la science-fiction dans le monde littéraire chinois.

 

     

 

 

 

 

     

 

 

 

© chinese-shortstories.com. Tous droits réservés.