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Gong Wanying 龚万莹

Présentation

par Brigitte Duzan, 18 septembre 2024 

 

 

Gong Wanying

 

 

Née en 1987, Gong Wanying a publié son premier recueil de nouvelles au début de l’année 2024, mais la novella (中篇小说) qui clôt le recueil –  « Au sortir de la montagne » (《出山》) – figurait déjà dans la sélection des meilleures novellas de l’année 2023 établie par la revue Shouhuo (《收获》) où elle avait initialement été publiée.

 

Ce succès rapide attise d’autant plus la curiosité que Gong Wanying est originaire du sud du Fujian et qu’elle arrive donc à point pour redresser quelque peu l’équilibre d’un paysage littéraire chinois largement axé, depuis le milieu des années 2010, sur le nord, et surtout le nord-est [1]. Un peu de chaleur après tant de frimas.

 

Faux départ

 

Écrivaine du Fujian, Gong Wanying est née dans la petite île de Gulangyu. au sud-ouest de Xiamen (厦门鼓浪屿), pendant la fête du Printemps de 1987.

 

Elle a un premier master de l’université de Manchester, mais pour tout autre chose que la littérature : elle a d’abord fait des études de marketing et elle est devenue chef de marque pour une multinationale européenne. C’est à trente ans, alors qu’elle avait une carrière toute tracée, qu’elle a fait volte-face et a tout abandonné pour se consacrer à l’écriture. Elle a expliqué cela en termes imagés dans une interview [2] :

 

像在一辆高速行驶的火车上熟睡,突然睁开眼,发现车速令人满意,但终点站却不对。于是起身,寻找合适的时机,在火车短暂出现站与站的间隔时,提起手边的行李下车换乘。

c’était comme si je m’étais profondément endormie dans un TGV, et que soudain, en ouvrant les yeux, je m’étais aperçue que je n’étais pas dans le bon train : il allait vite, certes, mais pas dans la bonne direction. Alors je me suis redressée pour attendre un moment favorable, et dans un bref intervalle entre deux arrêts j’ai pris mes valises et je suis descendue pour changer de train.

 

Ce train, elle en est descendue en 2018. Trois ans plus tard, après avoir déjà beaucoup lu et écrit, elle a été admise dans un programme organisé conjointement par l’Université normale de Pékin (北京师范大学) et l’institut Lu Xun (鲁迅学院).

 

Histoires d’une île

 

Elle dit avoir une profonde admiration pour Virginia Woolf et Flannery O’Connor [3]. Mais sa vie est liée à Gulangyu et c’est de là qu’elle tire son inspiration.

 

Après quelques textes de non-fiction, la réalité nourrissant la fiction, elle a publié en janvier 2024 son premier recueil de nouvelles : « La maison de l’île » (《岛屿的厝》) [4]. Ce sont neuf nouvelles qui se passent sur une île du sud à la fois très réelle et évidemment métaphorique, l’ordre dans lequel elles apparaissent dans le recueil étant celui dans lequel elles ont été écrites, entre la mi-2020 et la fin de 2022. Chaque nouvelle est le portrait d’un ou deux habitants, donc toutes les histoires sont liées entre elles comme ces personnages le sont dans la vie.

 

 

 La maison de l’île

 

 

Elle explique dans la postface les liens affectifs qui la lient à l’île depuis qu’elle est toute petite et qui guident sa plume :

 

我在鼓浪屿出生。我的人生从此与岛屿有关。 幼儿园时,老师问我们的梦想是什么?当同学们在医生、老师和科学家之间极限三选一的时候,我大喊一声:我要当老板!当老板,然后买下整座岛。这是四岁的我表达爱的方式,渴望全然拥有这岛屿。小时候,岛屿一直是我最亲密的伙伴。我总觉得用手摸老厝或者巨大的榕树,就能体会到他们传递过来的信息。一个孩子跟一座岛,是真的可以做朋友,做家人。初中时,岛上开始一轮轮拆迁,先是工厂,然后是居民区、...

« Je suis née à Gulangyu et tout ma vie a dès lors été liée à l’île. Quand j’étais en maternelle, la maîtresse nous a demandé ce que nous aimerions faire plus tard. Les autres voulaient tous être médecin, professeur ou scientifique, mais moi je me suis écriée : « Je veux être le boss ! » Et si je voulais être le boss, c’était pour pouvoir acheter tout l’île. C’est ainsi que j’ai exprimé mon amour de l’île à l’âge de quatre ans : en voulant la posséder toute entière. Dans mon enfance, elle a toujours été ma meilleure amie. Je pensais qu’en touchant la vieille maison ou l’immense banyan je pouvais percevoir les messages qu’ils transmettaient. Un enfant et son île peuvent vraiment être amis, constituer une famille. […] Mais quand je suis arrivée au lycée, l’île a commencé à être démolie, par vagues, d’abord l’usine, puis les quartiers résidentiels… »

 

En fait, la première nouvelle, « Pluie nocturne sur la grande maison » (《大厝雨暝》) [5], est née une nuit d’été alors qu’elle était allée acheter du bubble tea : une averse soudaine s’est déchaînée ; dans l’odeur moite de la pluie, elle a vaguement vu, ou imaginé, une vieille maison noyée dans la pluie, avec des personnages pleins de vie … la nouvelle s’est écrite dans sa tête avant même qu’elle ait pris un stylo. D’autres ont suivi, publiées dans diverses revues, la dernière, la plus longue, arrivant en quatrième position dans la sélection des meilleures novellas de 2023 établie par Shouhuo.

 

Toutes ces histoires ont donc progressivement pris forme, au gré du dédale des ruelles de l’île, et de l’esprit du lieu, lové dans les vieilles bâtisses, les arbres et les fleurs. Gong Wanying est partie en Angleterre à l’âge de 22 ans, mais ses parents avaient déjà quitté Gulangyu. Ses nouvelles reflètent donc la nostalgie du passé, dans les couleurs sépia de ses souvenirs d’enfance, mais aussi la tristesse de constater, au retour dans l’île, tout ce qui a pu changer.

 

Une traduction serait certainement bienvenue…


 


[1] Comme l’atteste la vogue des écrivains du Dongbei tels que Shuang Xuetao (双雪涛) ou Zheng Zhi (郑执).

[3] Elle aussi écrivaine du sud, et novelliste.

[4] cuò est un caractère rare signifiant « mettre un cercueil dans un abri temporaire en attendant l’enterrement ».

Mais dans le dialecte du Fujian il désigne une vieille maison.

[5] On retrouve dans ce titre la vieille maison cuò, sous la pluie et dans l’obscurité du soir míng.

Le texte est rythmé par les termes et expressions du dialecte minnan (闽南语) parlé à Xiamen.

 

     

 

 

 

 

     

 

 

 

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