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Bai Lin 白琳

Présentation

par Brigitte Duzan, 23 février 2024

 

 

Bai Lin (photo sohu)

 

 

Née dans le Xinjiang en 1983, mais vivant dans le Shanxi, Bai Lin a fait des études d’archéologie et d’histoire de l’art à Rome. Puis elle a commencé à écrire en 2013.

 

De l’essai…

 

En novembre 2015, elle publie un premier recueil d’essais (散文随笔集) « Le lent vol plané de l’oiseau blanc» (《白鸟悠悠下》). Un oiseau blanc qui survole la ville en observant. Bai Lin aborde des sujets « peu sérieux » qu’on n’a pas l’habitude de lire sous la plume d’auteurs d’essais – genre littéraire par excellence : un problème d’orthodontie ou d’acné sur le visage ; mais elle en fait des thèmes de réflexion sur les mentalités et les modes de vie. L’essai sur l’acné s’intitule « Tout le monde veut "de la face" » (《我们都要脸》). Son problème d’orthodontie l’a obligée à porter des « bagues » sur les dents pendant trois ans, trois de silence, dit-elle [1], après quoi elle a retrouvé la parole, pour écrire ce qu’elle avait sur le cœur, et d’abord le premier essai du recueil… « Orthodontie » (《正畸》) [2].

 

 

Le vol plané de l’oiseau blanc

 

 

Les sujets sont empruntés à la vie quotidienne autour d’elle. « Histoire d’amour de Taiyuan » (《太原爱情故事》) regroupe 32 très courts récits (d’un à deux mille caractères) dont les personnages sont ou ont été des amis et des proches, mais regroupés autour d’un thème de satire sociale : tout le monde trompe tout le monde, la maîtresse d’école aussi bien, les histoires sont quelque peu outrées, dites de manière très sérieuse apparemment au départ, avant de prendre un ton de rumeur publique, voire de confession publique.

 

Ce sont des histoires tristes, un peu honteuses, qu’on ne raconte habituellement pas, du genre « squelette dans le placard », mais contées avec un rythme et un style qui couvrent une émotion cachée. On retrouve sous sa plume des termes à la mode chez les jeunes, en particulier sur internet ou dans les séries télévisées. Sa langue est finalement celle de la rue, comme les histoires qu’elle raconte, qui témoignent de la vie des gens au ras du trottoir. C’est vivant, concret et actuel [3].

 

On trouve là une tendance de fond chez les écrivaines d’aujourd’hui, les toutes jeunes comme elle, de la génération post’80, mais aussi leurs aînées comme Lu Min (魯敏) qui témoigne des mêmes recherches sur la langue [4]. Ces caractéristiques se retrouvent dans les nouvelles que Bai Lin a publiées ensuite : un aspect introspectif inspiré du quotidien, dans un style personnel, vivant et moderne.

 

… au zhongpian

 

Début 2019, elle part en Europe. Fin janvier, elle est à Budapest. Il neige. Elle s’installe derrière la fenêtre du loft qu’elle loue pour la regarder tomber, au-dehors. C’est ainsi qu’elle commence à écrire sa novella « Un hiver pour deux » (《两个人的冬天》). Elle l’a finie en janvier 2020 alors qu’elle était ailleurs, dans les Alpes maritimes, mais toujours seule [5].

 

C’est en hiver qu’elle voyage, chacun de ses récits se passe dans un endroit où elle a été. Chacun est en fait une manière de mettre « l’espace en forme », bien plus que de raconter des histoires bizarres, pleines de rebondissements. En fait, elle trouve que le rôle le plus important d’un écrivain est d’emporter ses lecteurs dans un autre espace. Le roman et la vie ont des frontières floues, la réalité et la virtualité se croisent. 

 

En mai 2021, sa novella « La rose sur le front » (《玫瑰在额头上》) est publiée dans la revue Shouhuo (《收获》). Elle figure dans la sélection des meilleures nouvelles courtes et « moyennes » de l’année 2021 de la revue (《收获》2021文学榜, 中短篇小说,  pp. 312-345).

 

 

Les meilleures nouvelles courtes et

 moyennes de 2021 de Shouhuo

 

 

L’université se passe dans une université normale du Shanxi, mais pas dans la capitale de la province, dans une ville nommée Jincheng (“晋城”) – ville qui est une préfecture du Shanxi, mais qui n’a pas d’université normale, l’université normale du Shanxi se trouvant à Linfen (临汾). On voit tout de suite le jeu subtil sur la réalité et la fiction. Quant à l’histoire, c’est celle d’une guerre larvée entre deux femmes, deux collègues qui vivent sur le même campus et travaillent dans la bibliothèque de l’université. L’une, la plus âgée, s’appelle madame Zhou (周太太) ; l’autre, la plus jeune, est Nie Qian (聂倩). Elle a été transférée à la bibliothèque après avoir été impliquée dans un scandale dans le bureau où elle travaillait auparavant, mais elle ne semble pas en avoir été affectée. On sent Madame Zhou un rien jalouse de sa consœur, et agacée par son manque de réaction. « [Sous le regard de madame Zhou] Nie Qian se sentait comme un livre pornographique, un livre que madame Zhou avait envie de lire mais n’osait pas feuilleter ouvertement, si bien qu’elle était réduite à y jeter des regards à la dérobée » (聂倩觉得自己像一本淫书,周太太想看却不敢正大光明地翻,总要偷偷窥视两眼。).

 

C’est alors que le fils (unique) de madame Zhou, Dali (达利), revient d’Allemagne où sa mère l’avait envoyé poursuivre ses études. Ce retour inopiné exacerbe la guerre entre les deux femmes tandis que Nie Qian séduit Dali en dépit de la résistance et des objurgations de sa mère. Bai Lin peint en fait le portrait de deux ratés : Dali et sa mère, l’échec de l’un accentuant le sombre destin de l’autre et les deux, finalement, se retrouvant dans une même solitude sans espoir [6]. Derrière madame Zhou se profile l’ombre amère de la Cao Qiqiao (曹七巧) de « La Cangue d’or » (《金锁记》) de Zhang Ailing.

 

En janvier 2022, Bai Lin publie une autre novella dans la revue Hongyan (《红岩》) : « Une clameur sans fin » (漫长的喧嚣). L’histoire se passe à Rome, pendant la période de confinement due à l’épidémie de covid19. Elle est de toute évidence autobiographique.

 

En mai 2023, Bai Lin a été l’une des deux lauréats du prix « Gemini » (双子星) décerné par le mensuel dédié aux novellas de la revue Littérature de Pékin (北京文学), pour « Sponsor Susan » (《赞助苏珊》). Le jury a souligné son talent pour dépeindre la psychologie féminine, ainsi que le style froid et subtil avec lequel elle décrit les émotions intimes de ses personnages.


 

[2] Terme qui signifie littéralement « redresser ce qui est de travers ». Avec toute la symbolique que l’on peut imaginer derrière.

[3] Voir la critique de Zhao Yong (赵勇), professeur à l’Université normale de Pékin, parue dans Caijing.

[5] La novella fait partie de la sélection 2022 des rééditions du mensuel dédié aux novellas de Littérature de Pékin (《北京文学•中篇小说月报), dans la catégorie « jeunes auteurs ».

[6] La novella a suscité de nombreuses réactions saluant la qualité de l’écriture.

Voir son analyse sur le site de l’Association des écrivains :

https://www.chinawriter.com.cn/n1/2021/1022/c404030-32261154.html

 

     

 

 

 

 

     

 

 

 

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